Dans un Ruling, les juges Narain et Jugessur-Manna, siégeant en Cour suprême, ont ordonné que la ministre du Commerce et de la Protection des consommateurs, Dorine Chukowry, soit enjointe comme Co-Respondent dans le litige opposant l’entreprise Agiliss, dirigée par Rajesh et Sharon Ramdenee, et la Competition Commission. Avec en toile de fond l’affaire d’importation d’huile.
L’affaire remonte à août 2020, lorsque la Competition Commission avait compilé un rapport sur le marché d’importation d’huile à Maurice et l’implication du traité du Common Market for Eastern and Southern Africa (COMESA). Document qui avait été soumis au ministre du Commerce le 19 août cette année-là, en conformité avec l’article 19 de la Competition Act, mais que la Competition Commission n’avait pas rendu public, car, dira cette même autorité dans son affidavit en Cour, son rapport était « une communication privilégiée ».
Or, pour la compagnie Agiliss, importatrice de plusieurs marques d’huile à Maurice, les conclusions contenues dans ce rapport étaient pertinentes à son business et l’affaire qu’elle avait logée contre le gouvernement mauricien devant la cour de justice du Comesa. De fait, elle avait demandé un “leave to apply for judicial review” de la décision de la Competition Commission de ne pas divulguer son rapport. Lequel “leave to apply for judicial review” avait été octroyé par le chef juge d’alors le 8 février 2021 à l’entreprise Agiliss.
Les conseils légaux de la Competition Commission avaient toutefois soumis une motion en Cour pour que le ministre du Commerce soit partie prenante de l’affaire et soit enjoint comme “co-respondent”. Requête à laquelle l’entreprise Agiliss avait objecté, estimant que le ministre n’est pas une Interested Party dans cette affaire, en sus du fait que la motion aurait été soumise tardivement, alors que le “leave to apply for judicial review” lui avait déjà été octroyé.
Les juges Narain et Jugessur-Manna se sont référés à l’article 19 de la Competition Act, qui stipule que la Competition Commission peut conseiller le ministre du Commerce sur toute action prise ou qui sera prise par l’État. Ils ont ainsi retenu que le point de vue de la ministre concernée, en tant que récipiendaire de ce rapport de la Competition Commission, et pouvant retirer toute velléité de privilège en termes de communications, pourrait être hautement pertinent.
En d’autres termes, selon les juges, la cour ne pourra peut-être pas décider de la divulgation d’une telle communication en l’absence du point de vue de la récipiendaire de ladite communication. Aussi, et malgré le fait que la demande de la Competition Commission a été faite tardivement, et que le “leave to apply for judicial review” a été octroyé, adjoindre une tierce partie ne peut, selon les juges, être considéré comme un empêchement si la cour juge cela nécessaire, selon les Rules of the Supreme Court en matière de Judicial Review.
Les juges ont de fait décidé d’accéder à la requête de la Competition Commission d’adjoindre la ministre du Commerce comme Co-Respondent, vu que sa présence comme partie dans cette affaire sera nécessaire pour que la cour puisse trancher sur toutes les questions impliquées. En outre, la cour aimerait aussi connaître l’état d’avancement du litige que la firme Agiliss avait porté devant la cour de justice du COMESA, et s’il y a toujours une Live Issue dans la présente demande de Judicial Review.
Le 14 mars dernier, la Cour de justice du COMESA avait ordonné provisoirement la suspension de la subvention du gouvernement mauricien à la State Trading Corporation (STC) pour la commercialisation d’huile comestible à Maurice. Une décision prise à la suite de la plainte déposée par la compagnie Agiliss devant cette instance, laquelle compagnie estime être lésée du fait que ces subsides profitaient à son concurrent direct, soit la STC.
Dans la plainte, Agiliss avait fait état que le gouvernement avait accordé à la STC en 2022 des subsides de Rs 500 millions pour l’huile comestible. Agiliss, qui affirme détenir 25% du marché de l’huile comestible sur le marché mauricien, est ainsi d’avis qu’elle a été pénalisée par cette décision, et que ces subsides sont contraires à plusieurs dispositions du traité du COMESA par rapport à la libre concurrence.
Cet ordre provisoire par la cour de justice du COMESA avait été émis en attendant que la cour tranche sur ce litige. Le gouvernement mauricien a fait valoir pour sa part que la cour de justice du COMESA n’est pas compétente pour écouter cette affaire et qu’Agiliss n’a pas respecté l’article 26 du traité du COMESA relatif à l’épuisement de tous les recours internes.
En ce qui concerne la présente affaire, les juges Narain et Jugessur-Manna ont donc ordonné que la ministre du Commerce soit enjointe comme Co-Respondent”. L’affaire reprendra lundi, date à laquelle Dorine Chukowry devra préciser sa position en Cour.