Opération Sakenn So Sakenn : incontournable recensement pour les détenteurs de Sim Cards

— GM et opérateurs privés tentent de rassurer au sujet de la confidentialité des données recueillies sous la Data Protection Act — Des interrogations perdurent autour du réenregistrement des SIM Cards dans le cadre de la lutte contre la prolifération du trafic de drogue

Au même titre que le démantèlement de l’Anti-Drug and Smuggling Unit (ADSU) et son remplacement par une National Drug Investigation Commission (NCIS) dotée de special powers, le réenregistrement des abonnés des téléphones cellulaires, exercice identique à un recensement de la population en douceur, fait partie des recommandations de la commission d’enquête sur le fléau de la drogue présidée par l’ancien juge de la Cour suprême Paul Lam Shang Leen, dont le rapport a été publié en juillet 2018.

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Même ayant eu à subir des faux départs depuis, cette mesure eet entrée en vigueur le mardi 31 octobre. Jusqu’au 30 avril de l’année prochaine, tous les abonnés des SIM Card, émises par les trois opérateurs de téléphonie mobile à Maurice, soit plus de deux millions, plus que le double de la population dans la tranche d’âge de plus de 18 ans, n’auront pas d’autre choix que de se soumettre à cet exercice de recensement virtuel, au risque de voir leur abonnement être désactivité dès le 1er mai 2024.

En marge de l’opération Sakenn so Sakenn initiée par l’Information and Communication Technologies Authority (ICTA), que ce soit à l’Hôtel du Gouvernement, notamment au niveau du Prime Minister’s Office, de l’autorité régulatrice ou encore des opérateurs de téléphonie mobile, le mot d’ordre et de rassurer quant à l’aspect confidentiel autour du stockage des données de chaque abonné aux termes des dispositions de la Data Protection Act. Actuellement, Maurice compte 2,3 millions de cartes SIM actives, alors que Rodrigues et Agalega se retrouvent avec respectivement 56 016 et 1 036.

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Intervenant lors d’un point de presse de présentation des procédures de réenregistrement des abonnés en début de semaine, le Chairman de l’ICTA, Dick Sui Wa, l’Officer-in-Charge de l’ICTA, Jérôme Louis, le Chief Executive Officer (CEO) d’Emtel Ltd, Kresh Goomany, Nishi Munbodh Mohun, et le CEO de Mahanagar Telephone Mauritius Limited (MTML), Shashank Malviya, ont multiplé les assurances à cet effet. « The main aim of this exercise is to ensure that each SIM card in use is registered in the name of its user in order to protect subscribers against all types of fraud, identity theft and other misdeals », indique Dick Ng Sui Wa en détaillant les dispositions prises pour les besoins de ce recensement des abonnés des téléphones cellulaires, que soit on-line auprès des opérateurs ou en personne.

Toutefois, devant les interrogations qui perdurent par rapport aux dessous et aux intentions derrière l’exercice, le député du Parti Travailliste Fabrice David se fait le porte-parole pour réclamer des précisions du gouvernement par voie d’interpellation (PQ). Au Parlement, le Premier ministre est revenu sur le fait que cette décision découle des recommandations de la Commission d’enquête sur la drogue, et cela en vue de renforcer la lutte pou kas lerin trafikan.

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Pourquoi le gouvernement impose-t-il à la population de réenregistrer les cartes SIM en fournissant des détails personnels ? C’est ce qu’a tenté de comprendre Fabrice David. De son côté, le Premier ministre souligne qu’Il a été établi que les trafiquants, dont ceux se trouvant en prison, soit purgeant des peines de prison soit en détention préventive, utilisent des cartes SIM des touristes et des travailleurs étrangers ayant déjà quitté l’île.
Toutefois, même si de nouvelles procédures d’enregistrement de cartes SIM à Maurice sont mises en oeuvre, une question demeure en suspens. Que faire si les trafiquants, pour contourner le nouveau cadre réglementaire, utilisent de cartes SIM étrangères et communiquent à travers des applications internet, telles que WhatsApp ?

Cette problématique soulevée par Fabrice David a interpellé le Premier ministre. « Il est vrai que quelqu’un peut utiliser des cartes SIM étrangères », concède ce dernier. « Cela signifie-t-il que nous ne devons prendre aucune action ? » s’est-il demandé, admettant néanmoins qu’il s’agit d’un loophole.

Pour sa part, Fabrice David regrette le fait que la Regulation ait été adoptée le 28 juin 2023 au conseil des ministres, et ce, sans passer par le scrutiny du Parlement. Alors que cette instance avait siégé jusqu’au 21 juillet 2023. « Une ironie, du fait que le Premier ministre affirme que cette mesure est d’intérêt national », laisse échapper le député de l’opposition, toujours en quête de garantie en faveur de la protection des droits fondamentaux des citoyens.

Contacté par Le Mauricien, Fabrice David a mis en exergue le fait que le rapport de la commission Lam Shang Leen pointe du doigt notamment « les touristes et les travailleurs étrangers. » Car ce sont les cartes SIM de ces derniers qui, après leur départ du pays, se retrouvent entre les mains des trafiquants. Le député de l’opposition se demande dès lors « pourquoi le gouvernement a étendu cette mesure à l’ensemble de la population ?. » Mais également aux « Mauriciens à l’étranger », soit ceux de la diaspora, de même qu’aux entreprises et institutions publiques.

En se basant sur la réponse de Pravind Jugnauth, Fabrice David relève que l’Information and Communication Technologies Authority (ICTA) — sous l’égide du bureau du Premier ministre (PMO) — a déjà installé un middleware system au Government Online Centre. L’objectif, comme cité par Pravind Jugnauth, est d’agir telle une interface entre l’opérateur et le Passport and Immigration Office (PIO), pour les étrangers, et le Civil Status Office pour les Mauriciens. Il s’est évertué de rassurer que l’ICTA n’aurait pas accès aux données personnelles enregistrées.

Timing « très curieux »
Cependant, a rappelé le député David, « nous parlons de la même ICTA qui, en avril 2021, en pleine période de confinement, avait lancé un Consultation Paper pour installer une interface en vue d’intercepter, décrypter, lire et stocker tous nos messages et données sur les réseaux sociaux. » Un projet auquel il s’était opposé en soumettant un document d’une trentaine de pages. Cet aspect le pousse à s’interroger sur le timing « très curieux » de la mise en application de cette Regulation, à quelques mois des élections générales. Fabrice David veut être sûr qu’il n’y a pas anguille sous roche.

Pendant 23 minutes à l’Assemblée nationale, le chef du gouvernement, en réponse aux trois questions initiales posées par le député David, s’est appuyé sur le rapport de la commission d’enquête sur la drogue, publié en juillet 2018, notamment de l’utilisation de black phones par des individus dont l’identité ne pouvait être retracée. Les cartes SIM appartenaient à des étrangers qui avaient quitté le pays, notamment des touristes et travailleurs bangladais.

Le Premier ministre a relaté le cas — relevé par la commission — d’un employé d’une agence de voyages qui comptait plus de 25 000 cartes SIM enregistrées à son nom. Certaines d’entre elles avaient été saisies en prison, au grand désarroi du principal concerné. D’autres cartes SIM, appartenant à des travailleurs du Bangladesh qui avaient quitté le pays, avaient également été retrouvées dans des cellules.

Comme mentionné par le chef du gouvernement, « la commission estime que l’autorité compétente, ainsi que les fournisseurs de services de téléphonie, doivent réexaminer la vente de cartes SIM, en particulier aux touristes et aux travailleurs étrangers. » Le rapport Lam Shang Leen ajoute : « Regulation must be made so that any person wishing to obtain a SIM card must personally fill in the application form with all relevant information to identify and locate the person and only one SIM card can be given per application to prevent corrupt seller of SIM cards. »

C’est en ce sens que le PMO et l’ICTA ont tenu une série de consultations. Cela, auprès d’autres institutions publiques, mais aussi des trois opérateurs de services de téléphonie de l’île, à savoir Mauritius Telecom, Emtel et MTML. Ces discussions ont débouché sur le développement, par l’ICTA, de l’Information and Communication Technologies (Registration of SIM) Regulations 2021. Promulguée le 31 décembre 2021, cette Regulation a toutefois pris du temps avant d’être mise en œuvre. Cela, en raison de problèmes liés à l’installation de « middleware system at the ICTA. » De plus, il fallait que les opérateurs de téléphonie modernisent leurs infrastructures.

La mise en opération de cette Regulation a, dès lors, été reportée du 1er avril 2022 au 31 octobre 2023. Le réenregistrement des cartes SIM, a ainsi justifié le Premier ministre, permettra de retracer leurs propriétaires. Et, par là même, réduire les risques de mauvaises pratiques de même que de renforcer la sécurité autour du secteur de la communication.

Procédé d’enregistrement
Les titulaires de cartes SIM doivent se réenregistrer en personne ou en ligne, du 31 octobre 2023 au 30 avril 2024. Ils sont appelés à fournir les détails de leur carte d’identité ou passeport, de même qu’une preuve d’adresse.
Les compagnies de téléphonie doivent, elles, prendre des photos en couleur des applicants « for the online real time verification of the subscriber’s identity. » Ces mêmes documents doivent être fournis par les non-résidents, en sus du « Residence or Occupation Permit. »
Les opérateurs de téléphonie mobile prévoient que l’application de réenregistrement sera disponible sur App Store, Play Store et Huawei AppGallery. De leur côté, les abonnés de Mauritius Telecom disposeront d’un « link will on the company’s website or on the telecom App to allow users to re-register their SIM cards » aussi bien que d’une hotline 8900 pour des compléments d’informations.
Désactivation pour les touristes

À leur arrivée, les touristes souhaitant disposer de cartes SIM devront révéler des détails de leur passeport ou « any other valid travel document », ainsi qu’une preuve d’adresse à Maurice. À leur départ, même si celui-ci est reporté, l’opérateur choisi sera notifié à travers une interface. Il procédera par la suite à la désactivation de la carte SIM le jour suivant.
Stockage de données

Le Premier ministre avance que les données personnelles des utilisateurs seront collectées et stockées par les compagnies de téléphonie, en conformité avec la Data Protection Act. “L’ICTA n’a et n’aura accès à ces données personnelles”, a-t-il précisé. “The ICTA will act only as a technical interface between the mobile telephone operators and the databases of the Civil Status Division and the PIO”.

Pravind Jugnauth note que : “The connections of the online verification system between the different stakeholders — namely the Civil Service Division, the PIO, the ICTA and the mobile operators — will be secured and the information exchanged will be encrypted. And it is important that I highlight once more that there will be no database at the ICTA and, therefore, there will be no possibility for personal information to be retrieved at that level for any use whatsoever.”
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