“Mo sel but, se ki li resi deplase par limem… ” Ces mots de Flora Perrine, mère de la jeune Brandy, résonnent tels une prière qu’elle répète depuis la naissance de sa fille, quand elle apprend son handicap. Un quart de siècle plus tard, Brandy est une athlète paralympique complète et couronnée de distinctions, ayant déjà défendu le quadricolore lors de deux Jeux Paralympiques (Brésil et Japon) et qui représente régulièrement Maurice à des rencontres internationales et régionales.
Aux derniers Jeux des Iles, elle a ramené l’or pour les 1500 m fauteuil (dames). Prise en charge à l’enfance par la SACIM, entre autres associations œuvrant pour les enfants et jeunes souffrant de handicap, la Mauricienne se dit “extrêmement reconnaissante envers cette ONG qui m’a énormément soutenue et aidée, et qui a été un élément catalyseur dans ma scolarité”.
“Il ne faut nullement avoir peur. Ni de tenter sa chance ni de frapper à toutes les portes…” soutiennent en chœur mère et fille. Brandy Perrine est née avec un handicap aux genoux, qui fait qu’elle ne pouvait se déplacer sur ses jambes. 25 ans plus tard, elle s’est muée en une véritable jeune femme de fer, au tempérament de feu, dotée d’une folle envie de vivre et de se distinguer. Si la vie n’a pas été très gentil envers elle et les siens, Brandy Perrine a bien sû faire face aux adversités, se servir de ce que d’autres qualifieraient de ses faiblesses pour en faire sa force et son courage. Rencontre avec une Iron Girl comme on en fait très peu.
“Elle rampait littéralement”
“Elle rampait littéralement”, se remémore Flora, sa maman. “Li ti pe pran supor lor tou seki a so porte pou li kapav deplas li. Skate board, bisiklet zanfan, ban, roulet… Tout devenait utile sous ses mains. Sa ti touzour extra inpresionn mwa ; so kapasite persevere ek so lanvi avanse !”, ajoute la maman.
Les filles Perrine, Brandy, sa sœur, Allison, et leur maman, Flora, composent un trio qui force l’admiration et le respect. Chacune des trois porte en elle cette force inouïe, cette envie de se surpasser, d’aller aux limites de soi. “Peut-être que c’est le handicap de Brandy qui nous a forgées de cette manière”, reconnaît Flora. Famille modeste du quartier de Plaisance, à Rose-Hill, la mère et ses deux filles ont connu beaucoup de difficultés. “Mais tout le temps, nous avons bravé ces obstacles ensemble”, explique la maman.
Brandy est de ces Mauriciennes qui n’ont jamais froid aux yeux. Ainsi, elle relate avec cette franche simplicité ses jeunes années difficiles où l’école ne lui était pas accessible à cause de son handicap, sans tomber dans le pathos. À son contact, l’on sent qu’on a affaire à une femme forte, qui s’est fait toute seule, et qui, désormais, regarde droit devant elle, sans vaciller.
Résolument modeste, Brandy Perrine n’oublie pas à chaque fois de souligner “l’énorme soutien que moi et ma famille avons eu de la Sacim. Cela nous a ouvert bien des portes. Sans cet apport, il est clair que je serais passée à côté de nombre d’opportunités. ». De même, renchérit sa mère, “à un moment où j’allais baisser les bras, la Sacim nous a redonné l’espoir, en nous mettant en contact avec des médecins de l’Inde.”
Flora Perrine se souvient comment elle se démenait, quand Brandy était à l’école et que sa classe se trouvait à l’étage. Le même scénario se répète quand elle entre au secondaire. Les infrastructures étant telles que la formation semble bien hors d’atteinte pour la jeune Mauricienne… “Malgré ses excellents résultats, l’établissement ne pouvait accueillir une étudiante en fauteuil roulant”, se souvient Flora Perrine. C’est à pareille époque qu’elle entend parler de la Sacim. “Une personne à qui je confiais mes problèmes me conseilla d’aller y chercher de l’aide. Heureusement que je l’ai fait !”
« Ma fille est une battante »
Mère et fille ne ratent pas une occasion de souligner et de remercier “autant que la Sacim, toutes les organisations et associations, de même que les individus qui nous ont aidées, et qui continuent de le faire. Je dois une fière chandelle à la Sacim, car sans son soutien à cette étape de ma vie, je pense que j’aurais eu à faire l’impasse sur ma scolarité.”
Quand Brandy Perrine décroche l’or aux derniers JIOI, Flora et Allison étaient aux anges ! “Zame mo pa finn aret krwar dan Brandy ! Chaque jour, je prie et conjugue mes efforts pour qu’elle parvienne à réaliser ses ambitions”, explique la maman, toujours aussi émue quand elle évoque le parcours de son aînée. D’ailleurs, la maman courage a commencé à multiplier ses efforts quand sa fille a été qualifiée pour représenter Maurice aux Jeux Paralympiques, à deux reprises, et que les voyages et stages d’entraînement à l’étranger sont devenus courants.
Quand Brandy Perrine confie à sa maman qu’elle souhaitait s’engager dans le handisport, “comme toutes les mamans, j’ai eu un petit moment de doute. Mais que j’ai rapidement écarté, parce que je connais trop bien ma fille. C’est une battante. C’est comme cela qu’elle a toujours vécu sa vie en une Iron Girl !”
La vie n’a pas fait de cadeaux aux filles Perrine. Cependant, leur determination et le sens d’engagement qui les anime les poussent lentement mais sûrement vers les jours meilleurs… Brandy Perrine a ces mots pour “d’autres enfants qui souffrent de handicaps, et leurs parents, qui pensent qu’ils n’ont pas le droit de rêver : C’est faux ! Prenez votre destin en main, foncez et donnez-vous la chance que vous méritez. Un handicap n’est pas la fin du monde.” Mère et fille encouragent de même “toutes ces personnes en difficulté de frapper aux portes de ceux qui aident, comme la Sacim. Si l’on ne tente pas sa chance, on ne saura jamais ce qu’on peut avoir… ”
SACIM :Une ONG “efficace, mais méconnue”
Dr Neena Ramdenee est l’actuelle présidente de la SACIM (Society for Aid for Children Inoperable in Mauritius). En 2012, déjà en tant que présidente, elle tirait la sonnette d’alarme, dans nos mêmes colonnes, sur le fait que “les Mauriciens nous ont quelque peu oubliés… ” Pourtant, pendant de longues années, la Sacim était la porte de sortie d’innombrables parents Mauriciens dont les enfants nécessitaient des soins et des interventions à l’étranger.
Les années sont passées, “nous avons eu nombre de cas d’enfants, que nous avons aidés. Et nous avons, parallèlement, diversifié nos prestations. La Sacim ne s’occupe pas uniquement d’interventions cardiaques chez les enfants. Nous prenons aussi les cas de problèmes avec les yeux, le cerveau, le bec de lièvre, les implants auriculaires, le suivi avec l’orthophoniste, entre autres.” Notre interlocutrice concède qu’“il faut reconnaître que depuis que le gouvernement Mauricien s’est engagé à aider les enfants et les familles, notamment pour les opérations du cœur, à la Sacim, nous avons de moins en moins de parents qui viennent vers nous. Pourtant, nous sommes toujours présents et offrons des aides d’intervention et de traitement.” Dans ce but précis, l’ONG lancera très bientôt une campagne de sensibilisation et d’information.
Déficit de communication
Docteure en Pharmacie ayant longuement opéré sa propre boutique à l’île de La Réunion, Neena Ramdenee souhaite redynamiser la Sacim et la rendre plus accessible aux Mauriciens. “Je constate qu’il y a plein de parents d’enfants souffrant de diverses pathologies où nous pourrions leur venir en aide. Malheureusement, ces dernières années, la Sacim a souffert d’un déficit de communication et d’exposition populaire.”
Forte de ses 55 ans d’existence et d’opération à Maurice, la Sacim, “c’est 752 enfants et leurs parents que nous avons touchés. Quand nous prenons en charge un enfant et sa problématique, pour nous, c’est pour la vie.” L’ONG travaille de concert avec “des institutions de santé d’Inde et d’Australie, avec qui nous avons des accords. Nous y référons les mères et leurs enfants. Ils y suivent les traitements prescrits, et la Sacim prend l’intégralité en charge : déplacement, frais de traitement, hébergement… ”
Consciente que “le Welfare State dans lequel nous sommes offre bien des aides aux familles”, Neena Ramdenee demeure convaincue que “la Sacim a encore un rôle important à jouer dans la vie des familles mauriciennes. Il y a des parents que je rencontre et à qui je conseille de venir à la Sacim pour des aides. À ma grande surprise, ces Mauriciens ne semblent avoir jamais parlé de notre ONG !”