Un soleil de plomb, une soif que l’on pense ne jamais pouvoir étancher. Une scène de la vie quotidienne de milliers de Mauriciens auxquels on avait promis une fourniture d’eau 24/7 en 2014. Comment font-ils face à cette forte irrégularité de la distribution d’eau pouvant durer plusieurs jours ou semaines ? La liste des régions gravement affectées en 2023 s’est allongée et les autorités ont intérêt à ne pas prendre à la légère ce sentiment de ras-le-bol qui s’exacerbe dans les quatre coins du pays, comme ces campagnes qui vont croissant consistant à obstruer les routes pour attirer l’attention. Cette frustration populaire face à l’incapacité des autorités à lutter contre la crise s’est déversée, dans la nuit de mardi à mercredi, dans les rues de Montagne Longue, à la Résidence Muguet, notamment, où les habitants ont exprimé leur colère face à la rareté du précieux liquide.
La Central Water Authority (CWA) a enclenché plusieurs étapes de son Water Contingency Plan. Les habitants du sud-est sont souvent les premiers à subir des coupures importantes. Raison pour laquelle deux pompes à pression conteneurisée ont été installées, lundi, à Ferney. Ce projet, qui a vu la collaboration du groupe Ferney Ltd, permettra la distribution d’environ 5 000 mètres cube d’eau dans cette région. La semaine d’avant, des travaux de réhabilitation ont également eu lieu à Mahébourg, qui fait partie des water-stressed regions. Lundi, le réservoir de Montagne-Fayence sera mis en service et pourra desservir les villages d’Écroignard, d’Upper Bramsthan et de Camp Ithier. Les travaux sont en voie d’être complétés. Le ministère des Utilités publiques envisage d’installer un forage à 16e Mille en vue d’exploiter une nappe phréatique jamais utilisée dans le passé.
Il reste toutefois un énorme fossé entre ces idées pleines d’espoir et la réalité du pays. La limitation des ressources en eau, les menaces qui pèsent sur leur usage (surexploitation, pollution) et le déséquilibre dans leur répartition ont atteint des niveaux critiques et constituent des défis graves pour les prochaines années. Sous le poids du bétonnage à outrance, les régions situées dans des zones de fortes pluies sont aussi concernées puisque ces précipitations ne parviennent pas à suffisamment infiltrer le sol pour nourrir les nappes souterraines.
Les défis entourant une fourniture adéquate du précieux liquide sont multiples et le développement durable demeure un critère-clé à prendre en compte, alors que les prédictions climatiques laissent entrevoir une multiplication de possibilités de crises sans précédent dans les années à venir.
S’exprimer sur la toile, oui mais…
D’où la nécessité de s’appesantir sur l’épée de Damoclès qui pèse sur ces régions du littoral qui se caractérisent à la fois par leur forte croissance démographique, mais aussi par la vétusté ou l’absence d’installations dignes de ce nom comme dans le nord de l’île, où la situation devient insoutenable dans certains villages.
Outre Triolet, Morcellement Saint André, Trou-aux-Biches et Baie-du-Tombeau sont autant de régions de cet arrondissement confrontées à des pénuries d’eau depuis belle lurette. Un coup d’œil cette semaine sur la page Facebook dédiée aux habitants de Triolet nous a permis de constater que la situation ne s’est nullement améliorée malgré la colère des abonnés lésés qui s’expriment en grand nombre sur ce réseau social. Sauf que l’usage de cet outil en ligne semble ne pas avoir les mêmes échos que ces campagnes consistant à descendre dans la rue pour attirer l’attention des autorités. À Morcellement Zénith, à Baie-du-Tombeau, où de nombreux foyers sont contraints de passer des jours, voire des semaines, sans une seule goutte de cette denrée essentielle, les riverains sont descendus dans la rue le 25 octobre 2023 pour exprimer leur exaspération face aux coupures à répétition qui ont empiré depuis l’année dernière.
La situation semblait s’être améliorée dans l’ouest après les grandes manifestations qui avaient défrayé la chronique en février 2023 à Case Noyale, La Gaulette et Coteau Raffin, où les riverains avaient exprimé d’une seule voix leur colère contre la longue pénurie d’eau en bloquant la route au moyen de pneus et de pierres. Ce n’était finalement que de la poudre aux yeux si on se fie au calvaire que doivent endurer les abonnés de ces villages depuis deux mois. La manifestation de mardi à Montagne Longue est révélatrice du sentiment de ras-le-bol qui s’est emparé des consommateurs lésés des quartiers où les pénuries d’eau sont légion. Certes, les habitants ne sont pas allés jusqu’à obstruer la route principale du village pour revendiquer leurs droits, mais on pouvait lire sur leurs visages toute la colère qui les anime depuis plusieurs semaines…