La Financial Crimes Commission a déjà été placée en orbite institutionnelle. C’est le cas de le dire avec le fait qu’à peine les débats sur le texte de loi avec amendements bouclés à l’Assemblée nationale, le président de la République, Pradeep Roopun, allait apposer sa signature au document officiel jeudi. Le texte complet de la Financial Crimes Commission Act devait être publié subséquemment dans l’édition complète de la Gazette du Gouvernement avant Noël. Il ne restera plus que les procédures formelles pour la nomination du directeur général et des membres de la Commission pour la mise en opération de cette instance donnant lieu à un exercice de mirror-imaging des pouvoirs et prérogatives du Directeur des Poursuites publiques (DPP), et devant succéder à l’Independent Commission Against Corruption (ICAC). Du côté de cette dernière institution, au sein du personnel, le mood est au wait and see en cette période de fin d’année.
Le Legal Supplement de la Gazette du Gouvernement du jeudi 21 confirme la promulgation de la Financial Crimes Commission Act, Act No 20 de 2023 avec la signature du président de la République. À partir de là, les autorités, en particulier Lakwizinn du Prime Minister’s Office, peuvent passer à l’action avec, entre autres, les procédures de « consultations » avec le leader de l’opposition, Xavier-Luc Duval, pour la nomination du directeur général. Toutefois, à hier matin, aucune indication quant à un échange formel de correspondance avec le nom du nominé désigné pour ces fonctions avec des pouvoirs et prérogatives de nature constitutionnelle.
Des sources bien informées supputaient que ces premières manoeuvres devraient intervenir au cours de la dernière semaine de cette année afin que dès la rentrée de 2024, la Financial Crimes Commission soit bien en selle pour entamer sa mission. Par contre, au sein du personnel de l’ICAC, collateral victim de la Financial Crimes Commission, le suspense est de mise quant à une éventuelle reconduction de tout contrat. Tout semble indiquer que les membres du personnel n’étaient en présence d’aucune communication officielle à vendredi après-midi. « Nous attendons. Nous n’avons aucune idée de ce qui nous attend. C’est du wait and see. Voilà où nous en sommes », affirment ceux approchés par Week-End à ce stade.
D’autre part, procédant mardi dernier au summing-up des débats sur le Financial Crimes Commission Bill, pendant deux heures à l’Assemblée nationale, le Premier ministre, Pravind Jugnauth, réitère que « we see no legal or constitutional impediments in Clause 142 in as much as it is a current practice in several comparable jurisdictions for statutory institutions to be vested with prosecutorial powers ». Explicitant cette posture et en anticipation à tout éventuel Constitutional Redress Move, que ce soit devant la Cour suprême ou encore le conseil privé au sujet des pouvoirs du DPP, il s’est appuyé sur une série de précédents dans des pays du Commonwealth avec des jugements du Judicial Committee du Privy Council, notamment d’Antigia et Barbuda, de la Jamaïque, des Fidji et des Seychelles.
Le Premier ministre maintient que « on an assumption that section 72 of the Constitution conferred an unfettered power for the DPP only to institute criminal proceedings before any Court of law, there would have been no need for the existence of Section 112 of the Courts Act. So, why has the legislator provided for Section 112 of the Courts Act ? Precisely because the institution of criminal proceedings does not fall under the sole province of the DPP and other authorities may do so. »
Auparavant, Pravind Jugnauth avait cité une analyse d’un ancien DPP, Cyrille de Labauve d’Arifat, et des commentaires du Père de la Constitution de Maurice, le Pr Stanley Alexander de Smith, pour affirmer que « it is clear and unambiguous, from the wordings of Professor de Smith, that the DPP does not have exclusive powers of prosecution under Section 72 of our Constitution. »
En guise de conclusion au chapitre des pouvoirs du DPP, le Premier ministre mettra en avant les pouvoirs du Serious Fraud Office (SFO) au Royaume-Uni. « The SFO, therefore, does not refer cases or decisions to the DPP or the Crown Prosecution Service. The Director of the SFO is already empowered, under section 1 (5) of the Criminal Justice Act 1987, to initiate criminal proceedings. It is noteworthy that the Director can also delegate his powers under the Act, but he can do so only to members of the SFO, not outside the SFO, that is he cannot delegate or pass the charging decision on an investigation to the DPP or the Crown Prosecution Service », fait-il comprendre en soulignant que « it is clear, therefore, that under the Constitution, the DPP does not have the exclusivity or monopoly to institute criminal proceedings and that other persons or authorities can also initiate and bring prosecutions as provided under Section 72 (3) of our Constitution. »