Deux mois après son come-back au sein du gouvernement angais dirigé par Rishi Sunak, l’ancien Premier ministre devenu Foreign Secretary, Lord Cameron, est parvenu à imposer une fin de non-recevoir au Chagos Deal en gestation entre Londres et Port-Louis depuis la déclaration commune du 3 novembre 2022. À cette date, Londres et Port-Louis avaient pris l’engagement de conclure dans les meilleurs délais un accord sur fond de droit international pour le retour de l’archipel des Chagos sous l’exercice de souveraineté de Maurice, complétant ainsi le processus de décolonolisation. Mais les plus rétrogrades des rétrogrades en matière de respect des Droits de l’Homme ont vu en Lord Cameron l’homme providentiel pour faire capoter les consultations, ayant atteint six rounds à la fin de l’année dernière. Et l’audition de Lord Cameron devant le Foreign Affairs Committee en date du 9 janvier dernier a été l’occasion pour lui de placer des scellés sur le Chagos Deal à la manière de Chypre, avec en prime une compensation de l’ordre de Rs 110 millions attendue par Maurice sous forme de bail de la base de Diego Garcia.
Dès son entrée au Foreign Office, Lord Cameron, qui fait l’objet d’un intérêt dans une enquête du Serious Fraud Office au sujet d’un scandale financier international, n’avait pas hésité une seule seconde à contrarier deux Premiers ministres britanniques, Liz Truss et Rishi Sunak, sur cette question du respect de la souveraineté de Maurice sur l’intégrabilité de son territoire. Ainsi, en début d’année, profitant de la complicité du député britannique Henry Smith, que certains avaient osé croire à un certain moment identifier un fervent défenseur de la cause des Chagos, il a mis fin aux espoirs des Chagossiens pour un retour dans l’archipel.
Et pire encore, le Foreign Office s’accroche toujours et encore à cette fiction de l’Histoire de Maurice qu’est le British Indian Ocean Territory (BIOT). Prenant à contre-pied l’Advisory Opinion de la Cour Internationale de Justice de La Haye, Lord Cameron réitère la thèse qu’il avait soutenue alors qu’il fût Premier ministre dans le temps, soit the resettlement of the Inhabitants in the Chagos Archipelago is not possible.
« When I was Prime Minister, it was all about trying to see if we could relocate Chagossians back on to the outer islands ; lots of work was done, and it was not possible. It is exactly what I am asking. As I say, there is a negotiation ongoing. The absolutely crucial thing is the safety, security and long-term viability of this base in a difficult and dangerous world. Anything that gets in the way of that is a major problem that we have to consider », maintient-il devant le Foreign Affairs Committee, présidé par Alicia Kearns.
ll est revenu de l’avant avec l’argument de l’influence de la République populaire de Chine dans cette partie de l’océan Indien et à Maurice pour remettre en question les consultations entre Londres et Port-Louis. « With any negotiated outcome, it has to be beyond doubt that there is no danger to this vital national US-UK asset of not being able to function and operate properly. Whether that is Chinese influence or what might happen in the future to Mauritius, or what might happen with other states and the outer islands, all those questions are absolutely front and centre in my mind in looking at this issue », réaffirme-t-il.
Répondant à une des leading questions du député conservateur Henry Smith quant à la possibilité de « setting a dangerous precedent for other British Overseas Territories », le faucon Lord Cameron dira « we have to think very carefully about the effect of concluding a negotiation that changed the nature of our arrangements with Diego Garcia that could be used as a precedent in other cases. I do not think it is necessary just about the less-inhabited overseas territories ; there will be other situations and assets that we have that are particularly important. The questions that you are asking are the questions that I am asking, and I will not be happy unless we have very good answers to those questions. »
En conclusion au volet consacré au dossier des Chagos lors de cette audition, qui aura duré quelque deux heures et portant sur la politique étrangère du Royaume-Uni, Lord Cameron dira tout simplement : « If all of those questions can be resolved, that would be good. If they cannot, obviously we will have to think very carefully about this. »
« Extreme concern »
Dans la conjoncture, avec les échanges diplomatiques et politiques anglo-mauriciens traînant en longueur et l’Hôtel du Gouvernement, privilégiant la quiet diplomacy, très peu de détails ont transpiré quant aux initiatives envisagées par Port-Louis ou ne serait-ce la confirmation d’une Note Verbale à l’encontre du gouvernement britannique rappelant les engagements formels de Liz Truss en marge de l’assemblée générale des Nations unies d’octobre 2022 ou encore l’échange téléphonique entre Rishi Sunak et son homologue mauricien, Pravind Jugnauth, lors du précédent Saint Valentin.
Mais toujours est-il qu’avec la présence d’un faucon du calibre de Lord Cameron au Foreign Office et une année électorale, cruciale pur le parti Conservateur, au Royaume-Uni, l’affiche pour les Chagos s’inscrit en illusions perdues pour l’instant. Il n’empêche que d’autres organisations internationales, dont Human Rights Watch ou encore le Chagos Refugees UK Group et Chagossian Voices, ne comptent pas rester les bras croisés face à cette perfide volte-face des Anglais.
En fin de semaine, The Guardian, quotidien britannique, faisait état d’une lettre de protestations de Human Rights Watch, signée de sa UK Director, Yasmine Ahmed, adressée à Lord Cameron. Soulignant son extreme concern, Human Right Watch attire l’attention que « we note that your predecessor acknowledged that resettlement of the Chagossians in their homeland was part of the negotiations with Mauritius. »
En effet, pas plus loin que mars de l’année dernière, le précédent Foreign Secretary, James Cleverly, avait reconnu formellement que « talks between the UK and Mauritius over the future of the Indian Ocean islands included resettlement of the former inhabitants of the Chagos Archipelago. » Certes, le maintien de la base militaire et nucléaire de Diego Garcia était également à l’agenda des discussions.
Toujours selon The Guardian, Marie Sabrina Jean, assurant la présence du Chagos Refugees UK Group, a été très critique à l’encontre de la prise de position formelle de Lord Cameron. « Cameron does not have any respect for human rights. The problem is that all UK politicians continue the fiction that Chagossians are not native to the islands and have no property or other rights. Whether the UK keeps the islands or gives them to Mauritius, the Chagossians’ rights must be restored first », devait-elle s’appesantir.
De son côté, le groupe Chagossian Voices rajoute que « it is our absolute right to return to our islands. Having forcibly removed us, the UK government has both a duty of care and a duty to facilitate our return. The decision as to whether it was ‘possible’ was — and remains — political. » Cette dernière phrase résumant parfaitement bien la lutte menée depuis plus d’un demi-siècle pour un retour légitime des Chagossiens dans leurs îles natales…
Îles Éparses : Week-end du PM envisagé à Agalega pour l’inauguration
À la mi-janvier, l’agenda de Lakiwizinn du Prime Minster’s Office laissait voir que le chef du gouvernement, Pravind Jugnauth, pourrait se rendre dans l’archipel d’Agalega au début de février, soit le prochain week-end Ce séjour dans cette partie du territoire de la République de Maurice devrait être l’occasion pour la double inauguration de la nouvelle piste d’atterrissage et des infrastructures portuaires, dont le financement et l’exécution ont été assurés par l’Inde.
Mais entre-temps, avec le passage de deux cyclones, Belal et Candice, dans cette partie de l’océan Indien, beaucoup d’eaux a coulé sous les ponts. En cette fin de janvier, les Top Chefs de Lakwizinn du PMO s’activent à confirmer d’abord avec les services de la météo des conditions atmosphériques les prévisions du temps pour la période allant du samedi 3 au lundi 5 février pour le déplacement de cette délégation officielle à haut niveau. Et ensuite, établir un dernier constat des infrastructures à Agalega après les houles survenues au cours de la semaine écoulée.
Toutefois, en fin de semaine écoulée, aucun détail officiel n’était disponible quant à la confirmation de la date d’inauguration de la piste et de la jetée d’Agalega ou encore les personnalités VVIP, devant accompagner le Premier ministre à cette occasion.
Un autre déplacement dans les Outer Islands pourrait être à l’ordre du jour en ce début d’année. En effet, la cérémonie de la pose de la première pierre du nouvel aéroport régional de Plaine-Corail serait également in the pipeline. D’aucuns affirment que ce développement est annoncé avant le changement de chef commissaire à la tête de l’Executive Council de l’Assemblée régionale de Rodrigues au terme de l’accord conclu pour les dernières élections régionales de février 2022.
Tout porte à croire que l’actuel chef commissaire, Johnson Roussety, sera tenté de procéder en compagnie du Premer ministre à la pose de la première pierre de ce plus important chantier à Rodrigues avec des investissements de l’ordre de Rs 6 milliards.
Et finalement, le suspense est encore de mise pour ce qui est de la prochaine mission de Maurice dans l’archipel des Chagos. Le budget prévoit une enveloppe de Rs 50 millions à cet effet. Toutefois, les derniers développements avec Londres remettant en cause le processus de consultations bilatérales relancent les intérêts politiques et diplomatiques autour de ce déplacement aux Chagos.
Affaire à suivre…