La montagne du litige référé à l’ERT pour arbitrage par la Conciliation and Meditation Commission (CCM) conformément aux dispositions de la section 69 (9) (b) de l’Employment Relations Act avec comme Terms of Reference les 17 revendications du syndicat qui regroupe les Senior Flight Pursers (SFP), Flight Pursers (FP) et Cabin Crew, contre Air Mauritius, a accouché d’une souris…
Dans un award pourtant long de 52 pages, l’ERT, composé de Shameer Jahangeer (vice-président) et Vijay Kumar Mohit et Abdool Feroze Acharauz (membres), a unilatéralement rejeté toutes les revendications du syndicat qui allaient de l’application du rapport Lallah dans sa totalité aux conditions de travail des membres d’équipage en passant par les salaires, la politique de leave without pay implémenté par les administrateurs durant la période d’administration volontaire et l’achat des tablettes pour le personnel navigant, entre autres. Mais l’instance supposée défendre les intérêts des travailleurs n’a eu rien à redire sur l’employeur, Air Mauritius, qui n’aurait donc commis aucune faute, bien qu’il fasse l’objet de critiques justifiées de la part des usagers, mais aussi des abus de ses employés syndiqués.D’aucuns s’interrogent sur l’indépendance de cette ènième institution dont les membres sont nommés par le ministre du travail lui-même….
« No evidence of record to extend or vary agreement »
En parcourant l’award, on retient trois choses principalement. La première, c’est qu’une grande partie des revendications de l’AMCCA était fondée sur le Collective Agreement de 2018. Or, le Tribunal a trouvé que cet accord signé en août 2018, avec effet à partir du 1er novembre 2014, n’existe plus, étant arrivé à terme le 31 octobre 2018. Étant donné que tout le litige porte sur la période où MK est entrée en administration volontaire, c’est-à-dire à partir de mai 2020, l’AMCCA, estime l’ERT, ne peut s’appuyer sur le Collective Agreement de 2018 pour ses revendications, d’autant que « there is no evidence on record to show that the parties have agreed to extent or vary the agreement and that AMCCA has given its express approval in writing to this effect ». Ce qui fait que ce sont les nouveaux contrats offerts aux employés et acceptés par la majorité du personnel navigant, à l’exception de six, qui s’appliquaient et qui avaient force de loi entre les parties. C’est pour cela que les revendications touchant au Meal Allowance — qui entre-temps a été remplacé par le Overseas Duty Allowance (ODA) — et l’application du rapport Lallah par rapport à cet item ont été rejetées par le Tribunal.
La deuxième chose qu’on retient c’est que le Tribunal a systématiquement refusé d’entretenir les revendications qui tombent sous le Workers’ Rights Act (WRA). L’AMCCA voulaient que ses membres soient gouvernés par cette loi concernant certaines de ses revendications dans la mesure où MK, alors sous administration volontaire, « has unilaterally bypass all existing agreements, namely the Collective Agreement 2014, Industrial Agreement 2007, Procedural Agreement 2007. » Pour l’ERT, cette loi tombe sous la juridiction exclusive de la Cour industrielle « and it is not for the Tribunal to pronounce itself on matters under the WRA. » C’est ainsi qu’il a rejeté les revendications ayant trait aux heures supplémentaires, aux jours fériés, aux dimanches, aux night shifts et aux nursing mothers.
Plus de live issues pour certaines revendications
Troisièmement, on note que le Tribunal a rejeté bon nombre de revendications, car il n’y avait plus de live issues les concernant. Par exemple, la politique de leave without pay introduite pendant la période d’administration volontaire et qui n’est plus d’actualité depuis fin 2021 ou encore le travail à temps partiel et sa distribution que contestait l’AMCCA. Ont aussi été jugés no more live le litige concernant la suppression du poste de Flight Purser qui a été restauré depuis et la question d’isolation dans le cadre de la pandémie de Covid-19 qui n’est aussi plus d’actualité, selon le Tribunal.
En ce qu’il s’agit des autres revendications de l’AMCCA, elles ont été rejetées, selon l’ERT, soit à cause d’un manque de preuves soit en raison de versions mises à mal par les représentants d’Air Mauritius. À titre d’exemple, l’AMCCA avait soutenu que l’ODA qui est accordé au personnel navigant est insuffisant parce que la nourriture dans les hôtels où ils transitent coûte plus que les indemnités que les membres perçoivent. Appelé à déposer en faveur du syndicat, le Steward Gilbert Finlay Seetharamdoo a déclaré qu’à Paris, par exemple, la nourriture leur coûte 178 euros dans l’hôtel où le personnel navigant réside, alors qu’ils ne perçoivent que 160 euros comme ODA. En contrepoint de cet argument, le représentant d’Air Mauritius, M. Shivaji Gunnesh, a affirmé que les ODA sont souvent revus quand la compagnie l’estime juste, et ce, après consultation avec le syndicat. Il a brandi l’exemple de l’ODA pour Bombay qui a été revu « following request from the crew for an increase » et celui pour l’Afrique du Sud, revu pas plus tard que juin dernier.
Vu la tournure des événements, l’AMCCA s’est tournée vers ses conseillers légaux pour décider de la marche à suivre. Mais ce qui est certain à ce stade, c’est que toute contestation de l’award ne pourra se faire que par voie de judicial review en Cour suprême, ce qui risque d’éterniser davantage le litige entre les deux parties, alors que chez Air Mauritius, on se réjouit de ce silver lining dans le ciel très assombri de la compagnie d’aviation nationale. Et on est conscient que ce n’est pas cette petite victoire, et encore moins les excuses de l’humoriste Gérémy Crédeville, qui feront revenir le beau temps.
Lors des représentations devant l’ERT, l’AMCCA était représentée par Me Erickson Mooneapillay, tandis qu’Air Mauritius avait retenu les services de Mes Vimalen Reddi, Avinash Sunassee et Jayaluxmi Somar des Ravind Chetty Chambers et de Me Rajesh Bucktowonsing, Senior Attorney.