Crise cardiaque : Sharonne Sookramanien, receveuse d’autobus à RHT freinée en pleine ascension  

Tragique destin que celui de Sharonne Sookramanien, 35 ans, receveuse à Rose-Hill Transport (RHT), qui a rendu l’âme mardi matin vers 11h, après avoir succombé à une crise cardiaque dans l’exercice de ses fonctions. L’autobus, en provenance de la capitale, se trouvait à la hauteur de la piscine Serge Alfred, à Beau-Bassin, lorsqu’elle a été prise d’un malaise sous les yeux ébahis des passagers qui ont tenté, en vain, de se muer en sauveurs.  En attestent les confidences poignantes de ses collègues et les hommages qui se multiplient sur la page Facebook de RHT depuis l’annonce de sa mort, Sharonne Sookramanien semble avoir laissé une empreinte indélébile au sein de la firme. « Elle jouait un rôle central dans la bonne marche des activités de la compagnie. Son départ risque de se faire cruellement ressentir », confie Sidharth Sharma, CEO de RHT.

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Mercredi 14 février est le rendez-vous incontournable des amoureux.  Il est 9h au Victoria Urban Terminal (VUT) et c’est déjà l’effervescence parmi les commerçants qui s’attendent à un pic de ventes en ce jour symbolique. Sauf que l’humeur n’est pas à fête et aux réjouissances pour tout le monde en ces lieux chargés d’histoire de la capitale. Les receveurs et les chauffeurs de la compagnie de transport RHT sont sous l’effet du choc, un peu comme si on leur avait donné un coup de massue sur la tête. Les mines sont tristes et défaites, et rares sont ceux qui ont été enclins à se livrer sur les heures ou les minutes qui ont succédé au drame que rien ne laissait présager, à en croire une receveuse : « Hier, à cette heure-ci, Sharonne et moi étions assises à discuter avant qu’on embarque chacune dans l’un des autobus qui allait prendre la direction des Plaines-Wilhems. Elle était de bonne humeur et paraissait en forme. Elle ne présentait aucun symptôme d’une crise cardiaque. J’ai du mal à comprendre », confie une receveuse.

Le métier de receveur d’autobus, majoritairement exercé par les hommes, se conjugue au féminin depuis une vingtaine d’années et, à la lumière des témoignages recueillis auprès de ses collègues féminines, Sharonne Sookramanien, qui a fait ses premières armes en 2013, avait les principales qualités et le tempérament nécessaires pour faire face aux hommes qui croient qu’elles ne sont pas à leur place : « Les femmes qui choisissent d’être receveuses de nos jours ne font plus autant l’objet de remarques désobligeantes ou de harcèlements comme ont pu en subir les pionnières. Sharonne était une travailleuse acharnée, connue pour ne pas avoir sa langue dans sa poche. Elle a, donc, usé de cette arme pour se faire respecter aussi bien par ses collègues, par la direction que par les passagers. »
D’où l’importance de rendre hommage à ces travailleuses de l’ombre qui bravent le danger, pendant le Covid-19 notamment, et les clichés. En quittant son domicile à l’aube pour se rendre à son pick-up habituel, Sharonne Sookramanien ne se doutait pas à cet instant-là qu’elle s’apprêtait à vivre les derniers instants de sa vie autour des gens qui l’ont vu s’affirmer en tant qu’élément incontournable de RHT. « Elle émettait un ticket lorsque soudain elle a commencé à se toucher la zone thoracique et le cou. Son visage a pâli avant qu’elle ne s’effondre. Des voyageurs l’ont éventée et tenté de faire un massage, mais je pense qu’il était déjà trop tard », confie un témoin de cette scène qui s’est produite à la rue Hugnin, à Beau-Bassin.

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Elle avait déjà rendu l’âme…
Le chauffeur n’a plus le choix. Il décide d’augmenter  l’allure de son véhicule dans le but de rejoindre le dispensaire qui se trouve à quelques encablures de la piscine Serge Alfred. Hélas, sur place, les infirmiers constatent avec effroi que la receveuse a déjà rendu l’âme quand bien même ils ont tenté leur va-tout dans une tentative désespérée de la réanimer.
La rumeur du décès de Sharonne Sookramanien se répand comme une trainée de poudre du côté des locaux de RHT et des gares d’autobus de Rose-Hill et du VUT. D’aucuns ont prié pour que cette information soit l’œuvre d’adeptes de fake news. Il n’en rien été. « Cette nouvelle a plongé le personnel dans la consternation. Personne ne voulait croire qu’on ne reverrait plus celle que je considérais comme un élément incontournable de la compagnie. Sharonne était tout le temps disponible pour remplacer ses collègues absents. Je l’ai tout le temps dit. Les femmes sont celles qui sont les plus sérieuses été dévouées et Sharonne faisait partie de cette génération de receveuses qui étaient promises à un bel avenir. Face à la pénurie du personnel, son départ risque de se faire cruellement ressentir », confie Sidharth Sharma, CEO de RHT.

Sharonne Sookramanien, à qui la vie n’a pas toujours fait de cadeaux – en témoigne la mort soudaine de son père et  sa mère, alors qu’elle n’était qu’un enfant –, n’était pas mariée et n’avait pas d’enfant. À l’aube de ses 36 ans et après une dizaine années de métier, cette habitante de Camp-Le-Vieux, désireuse de relever de nouveaux défis, ne faisait pas grand mystère de son désir de gravir les échelons au sein de la compagnie pour rendre fières sa tante – qui l’a élevée comme sa propre fille –, sa sœur et ses nièces qui vivent au Canada. Mais le destin en a décidé autrement. Ces dernières ont débarqué à Maurice, jeudi matin, pour assister aux obsèques. L’émotion était à son paroxysme lorsque le convoi mortuaire a fait halte devant les locaux de RHT à la rue Hugnin, à Rose-Hil, où Sidharth Sharma et son personnel ont applaudi celle qui laisse un grand vide derrière elle.

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