Josiane Pierre, artisane de Cité La Chaux : La dame qui transforme des épines

Josiane Pierre a fait des épines d’oursins violets et crayons ses alliées économiques. Elle les transforme en colliers qu’elle vend aux enseignes touristiques de Mahébourg ainsi qu’aux revendeurs indépendants, dont son conjoint, Georges, beach hawker. Cette situation, qui peut paraître insolite, fait sourire Josiane Pierre, mais l’artisane devenue entrepreneure il y a 20 ans tient sa petite affaire avec rigueur. Si vous longez la berge de l’embouchure à Cité La Chaux, en mâtinée, il est fort probable que vous aperceviez Josiane Pierre assise dans son atelier, le masque au visage, pour éviter la poussière que lui renvoie la polisseuse. Pour nous résumer son parcours, Josiane Pierre a laissé tomber le masque, tout en ponctuant son récit de magnifique sourire.

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Le petit atelier de Josiane Pierre est sans aucun doute le plus sympa du coin. À Cité La Chaux, juste en face de sa maison, elle a fait construire un atelier en tôle, sans prétention, qui donne sur une vue pittoresque à souhait. Quand on lui fait remarquer que le panorama est plus une invitation à la détente et l’évasion qu’au travail, elle éclate de rire. « Je suis née à Mahébourg. J’ai grandi dans la cité et depuis je vis ici. Je ne m’en irai pas », dit l’artisane de 53 ans. Cette vue, celle de l’embouchure bordée de mangroves où la rivière embrasse la mer sur laquelle traversent les barques des pêcheurs, est pour Josiane Pierre un décor agréable et familier. « Mo abitie trouv-sa », dit-elle.

Lorsqu’elle quitte sa polisseuse des yeux, ce n’est pas toujours pour admirer le lagon bleu du sud-est. Mais pour changer d’outil. Sa perceuse n’est jamais bien loin. Ces deux outils sont importants dans la fabrication de ses bijoux. Mais c’est sans compter sur ses yeux, sa dextérité et sa patience. « Pour travailler avec les piquants d’oursins, il faut être très patient », explique la créatrice de bijoux, sans se départir de son sourire. À voir les gros sacs en jute — posés dans l’atelier — de piquants épais d’oursins crayons et violets déjà coupés, calibrés et polis, on ne peut qu’admettre que Josiane Pierre est une femme qui connaît le sens de la patience…

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Ancienne ouvrière  de textile

« À mes débuts, je polissais les épines d’oursin à la main, avec du papier de verre », raconte Josiane Pierre. Mais ça, comme dirait l’autre, c’était avant. Aujourd’hui, grâce aux économies qu’elle a pu faire, elle s’est équipée. « Quand mes outils s’abîment avec l’usure, je les répare ou les change », dit cette dernière. Ancienne ouvrière de textile, Josiane Pierre a délaissé l’usine et les tissus pour se lancer dans la fabrication de bijoux il y a une vingtaine d’années. « Mon conjoint, Georges, est beach hawker. Il vend des colliers en épines d’oursin. En les observant, je me suis dit que je pourrais moi aussi en faire. C’est comme cela que j’ai récupéré des épines et j’ai commencé à faire les premiers colliers, toute seule », confie Josiane Pierre.

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Au départ, l’artisane de Cité La Chaux n’avait pas d’atelier. Même que sa maison, très modeste à l’époque, n’affichait pas encore la coquette façade avec une petite terrasse offrant vue sur la mer. Sa nouvelle activité s’avérant prometteuse, elle abandonne la machine de l’usine pour se mettre à son compte. Ce qui voulait dire se lever tôt chaque matin pour commencer à polir les épines à partir de 6h30. Les bijoux artisanaux à base d’oursin font partie de la panoplie d’incontournables qu’achètent les touristes de passage dans la région et aussi des Mauriciens. Son choix de se tourner vers l’artisanat et, de plus, son Business Registration Number en poche, semble alors lui réussir. « Ne pouvant pas vendre mes colliers sur les plages parce que je ne dispose pas de permis, je me suis tournée vers des boutiques de souvenirs et puis, petit à petit, je me suis fait connaître et des clients étrangers viennent acheter directement avec moi » explique Josiane Pierre.

« Être son propre chef… »

Pendant que Josiane Pierre nous parle, son téléphone se met à sonner. C’est une commande. Le portable ne restera pas silencieux… Reprenant ses confidences, elle nous dira que c’est sans regret qu’elle s’est mise à son compte. « La satisfaction d’être son propre chef n’a pas son égal. Je dispose de mon temps comme je l’entends pour travailler et m’occuper de ma maison. Mon conjoint Georges a aussi la chance de travailler à des heures qui nous permettent de nous consacrer à notre foyer », confie cette dernière. Lorsqu’elle a fini de prélever les épines d’oursins, les couper, polir et percer, Josiane Pierre range ses appareils et n’a qu’à traverser la rue pour retrouver sa maison… plus précisément la cuisine. Tous les jours c’est quasiment le même rituel.

« Je prépare le déjeuner et le dîner avant de reprendre la fabrication de mes colliers au courant de la journée », dit-elle. L’étape alors consiste à enfiler les morceaux d’épines d’oursin. Les trous qu’elle a faits à l’aide d’une mèche très fine sont à peine visibles. D’ailleurs, c’est en riant de bon coeur que Josiane Pierre précise qu’elle porte des lunettes pour travailler. « Je fais le montage des colliers à la maison et non à l’atelier. Mais quand il m’arrive de me joindre aux discussions familiales, de l’autre côté de la rue, à l’ombre d’un arbre, j’en profite pour faire mes colliers. Tou-letan mo pe fer kolie mem mwa ! » raconte notre artisane de Cité La Chaux.

« Bizin bato pou  al lor brizan »

Josiane Pierre achètent ses oursins violets ou crayon, entiers, avec les pêcheurs de la localité. « Ces oursins ont leur habitat tout près des brisants. Mo pa pou kapav al rode mwa, zot tro lwin, bizin bato pou al lor brizan », explique Josiane Pierre, et ce, même s’il lui est arrivé d’en collecter. Son activité participe ainsi à la chaîne économique du village. Ainsi, après avoir acheté des oursins aux pêcheurs, elle vend ses pièces à des revendeurs de Mahébourg de même qu’à son conjoint. Sans se départir de son sourire elle explique qu’elle n’est pas adepte à la vente en consignation.  

« Je lui vends mes créations et à son tour il les revend aux touristes. C’est comme cela que ça marche. » Georges, dit-elle, est non seulement un fidèle client, mais aussi une aide précieuse : « Kan ena boukou travay li donn mwa koudme. » C’est aussi à deux qu’ils ont pu effectuer des travaux et améliorer le confort de leur maison. « Si j’avais continué à travailler à l’usine, j’aurais pris plus de temps avant de progresser. Grâce à mon travail, j’ai pu investir dans ma maison avec l’aide de mon conjoint », confie Josiane Pierre.

Dans la région, elle n’est pas la seule créatrice de bijoux à partir d’épines d’oursin, ce qui ne l’incommode pas, assure-t-elle. « Chaque artisan travaille à sa manière et le résultat est différent. C’est comme cela que chacun se distingue », avance Josiane Pierre. Après une vingtaine d’années de métier, Josiane Pierre ne compte pas mettre un frein à la fabrication des colliers. Elle veut bien faire une pause, mais pas se mettre à l’arrêt. D’ailleurs, si tout se passe comme prévu, elle fera une pause cette année le temps de s’offrir des vacances à La Réunion où vit un de ses deux fils depuis quelque temps. « Ce sera mon premier voyage en avion », dit-elle.

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