La fondatrice de la plateforme Monkey Massacre a convié la presse, jeudi, pour parler, d’une part, de l’arrestation et de la détention de Mansa Daby ainsi que de trois autres membres de sa plateforme sous une charge provisoire de sédition, le dimanche 3 mars, et d’autre part, de l’interdiction par la police que le mouvement organise une marche pacifique dans les rues de Port-Louis aujourd’hui.
Elle était entourée de Reda Chamroo, activiste des droits des animaux interpellé aux Casernes centrales l’année dernière pour breach of l’ICTA – l’affaire avait finalement été rayée en Cour –, de Raouf Khodabbacus, activiste social et membre de Linion Pep Morisien qui avait lui-même été interpellé en février dernier sous une accusation provisoire de breach of l’ICTA, ainsi que d’autres militants de la cause animale. Plusieurs points ont été soulevés, dont le flou qui subsiste autour de l’exportation des singes annoncée par le nouveau ministre de l’Agro-Industrie. Ces activistes des droits des animaux demandent, eux, l’”immediate suspension of capture.”
Arrêtés pour sédition lors d’une “awareness campaign”
Mansa Daby et trois autres membres de la plateforme Monkey Massacre ont été arrêtés, le dimanche 3 mars, alors qu’ils distribuaient des tracts et de l’eau aux pèlerins à La Marie. Placés en détention au poste de police de Vacoas sous la charge provisoire de sédition, ils ont été libérés le lendemain après avoir fourni une caution de Rs 10,000 et signé une reconnaissance de dettes de Rs 50,000. Face à la presse, jeudi, dans le bureau d’Ivor Tan Yan à la rue Vishnu Kchetra, Mansa Daby explique son incompréhension et sa revendication des motifs justifiant leur arrestation et la charge de sédition.
“Afin de célébrer et de marquer le World Wildlife Day le 3 mars, nous nous sommes organisés pour effectuer la distribution des tracts informatifs sur le massacre et le business des singes. Ces petits pamphlets présentaient, en quelques points, des informations essentielles, des faits, des chiffres, bref rien à notre sens qui peut être qualifié comme étant une tentative d’incitation ou de sédition. D’ailleurs, ce n’est pas la première fois que nous faisons la distribution de pamphlets dans des lieux publics. Nous avons été arrêtés sans savoir ce que nous avons fait d’illégal. Est-ce avec 60 tracts que nous allions soulever une sédition dans ce pays ? “, affirme Mansa Daby. Celle qui exerce dans le secteur de l’éducation publique depuis une vingtaine d’années affirme avoir toujours offert un cadre pour le dialogue et la négociation depuis la création de son mouvement et la découverte des trappes autour de l’île. “ Nous avons adressé des lettres au ministère de l’Agro d’alors pour solliciter une rencontre. Nous avons également demandé une rencontre avec le ministre Hurdoyal. Sans aucune réponse “, déplore t-elle.
Cacophonie et désinformation à l’Agro-Industrie
Reda Chamroo, un fervent défenseur des droits des animaux, a vivement critiqué les accusations “aussi graves” portées contre les membres de la plateforme Monkey Massacre, qualifiant leur action d’une “campagne de sensibilisation sur le problème des singes à Maurice”. Initialement prévu après la fête Maha Shivratree, Reda Chamroo a expliqué que l’arrestation de ses amis et l’interdiction d’une marche pacifique l’ont contraint à réagir.
Il a souligné des points cruciaux liés aux déclarations des ministres de l’Agro-Industrie, notamment le nombre élevé de primates exportés pendant la pandémie (14,640 en 2021), l’attribution controversée du permis EIA à Shafeek Jhummun, le retrait du quota pour l’exportation et le sondage sur le long-tailed macaque à Maurice. Il a déclaré : “Nous ne comprenons pas comment le ministère a pu soumettre une réponse pareille, alors qu’il a été démontré que pendant le Covid, l’exportation était même plus conséquente et avait presque doublé.”
Reda Chamroo a critiqué le ministre actuel Mahen Seeruttun, affirmant que le GM n’avait pas retiré le quota en 2017, en contradiction avec les confirmations d’anciens ministres. Il a également remis en question l’existence d’un sondage en 2017 sur la population des singes, citant l’IUCN qui a classé le long-tailed macaque comme une espèce “en danger” en 2022, soulignant la nécessité de mesures de conservation. Le contrôle des trappes autour de l’île a été qualifié d’aberrant par le défenseur des droits des animaux, soulignant l’absence de moyens pour le ministère de les gérer efficacement. Il a déclaré : “Quels moyens dispose le ministère pour gérer ces trappes ? Il est humainement impossible d’avoir un contrôle là-dessus !”
Il a regretté l’absence de réaction des autorités à l’enquête de l’ONG One Voice sur les fermes d’élevage, soulignant des maltraitances dévoilées. Il déclare : “Tout cela démontre que tout ce qu’ils disent sur le contrôle et sur l’animal welfare ne tient pas la route. Ils sont contradictoires.” En évoquant le flou entourant le phasing-out du commerce des singes, Reda Chamroo a appelé à un plan gouvernemental précis, rappelant l’enquête de l’UCN sur le Cambodge. Il a souligné : “Durant des années, le Cambodge a acheminé vers les USA des singes capturés directement dans la nature. Une dizaine de personnes ont été arrêtées ; parmi, des officiers du ministère, celles qui délivrent les permis. Comme le Cambodge ne peut plus exporter, aujourd’hui l’Amérique se tourne de plus en plus vers Maurice.”
Concernant l’étude de la population des macaques à Maurice, Reda Chamroo a critiqué la participation de Noveprim et Bioculture, deux compagnies exportatrices, soulignant l’absurdité et le conflit d’intérêt de cette décision. Il a appelé les autorités à l’arrêt immédiat de la capture des singes sauvages, l’interdiction de l’exportation sans régulation, et la réalisation d’un sondage indépendant sur la population des macaques. Le défenseur des droits des animaux a conclu en rappelant que les singes exportés vers les laboratoires ne servent pas tous à la recherche médicale, citant divers tests auxquels ils sont soumis et soulignant l’ignorance quant à leur sort après avoir quitté le territoire mauricien.Quant à Raouf Khodabaccus, il est brièvement revenu sur son interpellation aux Casernes Centrales où son téléphone portable avait été saisi par la Cybercrime Unit. Avant de présenter à la presse la lettre reçue du Commissaire de police signée par le DCP Beekun, en réponse à la demande des activistes, faite le 28 février dernier, pour une marche pacifique à Port-Louis.
Où on peut lire : “This office wishes to inform you that for the purpose of preventing public disorder, damage to property and disruption of the life of the community, your application to hold a pacific march on sunday 10 march 2024 as from 10h to 12h in Port-Louis has not been favourably entertained. “
La lettre a été reçue jeudi. Ce qui ne surprend pas l’activiste social qui a rejoint, depuis peu, la plateforme Monkey Massacre. “Ils ont utilisé le delaying tactics (ndlr : vendredi étant jour férié) pour nous empêcher de mettre un case à la Cour suprême, ils ont bien calculé “, déplore t-il. Mais Raouf Khodabaccus ne lâche rien. “Nous continuerons de faire des demandes. On verra jusqu’à quand ils nous interdiront d’organiser ce type de manifestation “, a-t-il dit, tout en ajoutant qu’il révèlera bientôt publiquement le nom d’un ministre actionnaire dans une compagnie exportatrice de singes.
Par ailleurs, une autre ONG, 4 Tilapat a fait une demande pour une marche pacifique le 16 mars. Ils attendent toujours l’autorisation.