La juge Karuna Gunesh-Balaghee a, dans un jugement interlocutoire rendu, hier, rejeté la demande formulée par l’État, le commissaire de police et l’ancien responsable du Central CID, Hemant Jangi, de Set Aside le procès en dommages et intérêts de Rs 225 millions logé par Navin Ramgoolam. Pour justifier leur démarche, ces trois parties, ciblées par l’ancien Premier ministre et leader du parti Travailliste, avancent qu’elles ne pouvaient être tenues responsables de la détention de celui après les opérations de février 2015 à River Walk et à la rue Desforges, vu que ce dernier était sous contrôle judiciaire. Mais la juge, passant en revue et analysant le mécanisme de la charge provisoire, retient formellement que la police pouvait influer sur cet aspect de la justice et ne pouvait se soustraire à sa responsabilité.
Par voie de Plaint with Summons, Navin Ramgoolam réclame conjointement à l’État, au commissaire de police et à Hemant Jangi, alors assumant les responsabilités de patron du Central CID, des dommages et intérêts de Rs 225 millions, suite aux perquisitions de ses résidences à River Walk, Floréal, et à la rue SSR à Port-Louis avaient été perquisitionnées.
Subséquemment, Navin Ramgoolam avait été arrêté par les limiers du Central CID sous la supervision de Heman Jangi et placé en détention à plusieurs reprises dans le cadre des enquêtes instruites. Plusieurs charges provisoires avaient été logées contre lui et maintenues, le tout s’échelonnant sur une période de plus de 17 mois, avec plusieurs inculpations provisoires rayées par la suite.
Navin Ramgoolam réaffirme que ces arrestations et détention étaient de nature illégale et arbitraire à son encontre, dans le cadre d’une vendetta politique qui aurait été orchestrée contre lui par le Central CID, alors sous la responsabilité de Hemant Jangi, et par le commissaire de police, dans le but « de plaire au Premier ministre, Pravind Jugnauth ».
L’Etat, le commissaire de police et Heman Jangi avaient fait valoir un point de droit, soit un Plea in Limine Litis pour réclamer l’arrêt du procès en réclamations de Rs 225 millions, instruit par Navin Ramgoolam. Ces parties mettent en avant le fait qu’après son arrestation et son inculpation sous les charges provisoires, Navin Ramgoolam était sous contrôle judiciaire, et non sous le contrôle administratif de la police.
Me Yvan Jean-Louis, Acting Assistant Solicitor-General, se basant sur la section 4 du District and Intermediate Courts Act, avait argumenté en Cour suprême qu’une fois une accusation provisoire logée, la police n’a plus aucun contrôle sur la durée que l’accusation provisoire est maintenue. Il avait ajouté que cette décision relèverait de la compétence du magistrat.
Les avocats de Navin Ramgoolam, dont Mes Gavin Glover, Senior Counsel, et Robin Ramburn, Senior Counsel, et Hamid Moollan, King’s Counsel, s’étaient appuyés sur le fait que le contrôle par le judiciaire n’exclut pas la responsabilité des autorités chargées de l’enquête. Ils ont fait comprendre que ces autorités demeurent responsables vu qu’elles peuvent s’opposer à toute demande de liberté sous caution et en demandant le maintien de l’accusation provisoire sous prétexte que l’enquête n’est pas terminée.
Dans les attendus du Ruling interlocutoiree, la juge Gunesh-Balaghee a considéré sous quelles circonstances une charge provisoire vient en existence. La décision revient à la police qui décide d’appréhender un détenu sur la base des informations dont elle dispose.
La juge concède qu’il est vrai qu’il n’est pas nécessaire pour la police de présenter de preuve quelconque pour soutenir une accusation provisoire à ce stade de l’enquête. Toutefois, la police doit avoir au moins un motif raisonnable pour arrêter un suspect et loger une accusation provisoire contre lui.
La juge Gunesh-Balaghee a ainsi rejeté l’argument du représentant légal de l’État, du commissaire de police et de Jangi à l’effet que la question s’il y avait suffisamment de preuves pour soutenir une accusation provisoire ne se posait tout simplement pas et que la plainte en réclamations de Navin Ramgoolam était, somme toute, défectueuse.
Poursuivant son analyse, la juge considère que le magistrat, siégeant en Cour de district émet un mandat d’arrêt sur la base des informations fournies par la police. L’accusation provisoire est rédigée par la police et présentée sous serment par un officier de police au magistrat, dans le but de placer le prévenu sous contrôle judiciaire.
Ces dispositions visent à garantir que les droits constitutionnels de tout suspect soient protégés. Mais ce n’est pas le rôle du magistrat à ce stade de déterminer le bien-fondé de l’accusation provisoire, rajoute la juge.
Le pouvoir discrétionnaire de la Cour d’accorder une libération sous caution ou de rayer l’accusation provisoire dépendra dans une large mesure des éléments de preuve recueillis et soumis à ce stade par les enquêteurs de la police. La juge trouve ainsi que : « the contention of learned Counsel for the defendants that it is ultimately up to the discretion of a Magistrate whether to issue a provisional information and that, at the time that the liability of the three defendants is sought to be invoked by saying that they maintained a provisional information, the decision to do so was not within their province is clearly preposterous. […] It would be preposterous to suggest that at that stage the Court is in a position to decide as to whether there is any case against the detainee and as to whether or not to strike out the provisional charge. »
Pour toutes ces raisons, elle est parvenue à la conclusion que « there is no merit in the plea in limine which is accordingly set aside ». Le procès de réclamations de Rs 225 millions au nom de Navin Ramgoolam est maintenu. L’affaire sera mentionnée devant le Master and Registrar de la Cour suprême le 28 courant.