Bras de fer CP/DPP : la section 71 de la Constitution au cœur des débats 

Alors que le torchon brûle entre le commissaire de police, Anil Kumar Dip, et le Directeur des Poursuites Publiques, Me Rashid Ahmine  dans la saga des Fixed Penalty Notices, le Full Bench de la Cour suprême a entendu, hier, les objections préliminaires du DPP dans le cadre de la plainte constitutionnelle logée contre lui par le commissaire de police. Au cœur des débats, avec la cheffe-juge, Rehana Mungly-Gulbul, la Senior Puisne Judge, Nirmala Devat, et la juge Sulakshna Beekarry-Sunassee, devant trancher est l’interprétation des prérogatives découlant de la section 71 de la Constitution. Cette démarche relève de la décision du DPP de ne pas s’aligner sur la posture du commissaire de police, concernant essentiellement les objections aux demandes de liberté conditionnelle dans les affaires impliquant Akil Bissessur, Bruneau Laurette et Sherry Singh, entre autres.

- Publicité -

Le DPP avait demandé le rejet de cette plainte sur des objections préliminaires en droit, connus comme Pleas in Limine Litis.  Me Sanjay Bhuckory, Senior Counsel, représentant les intérêts du DPP, a souligné durant sa plaidoirie que le commissaire de police veut que la Cour émette un jugement déclaratoire à l’effet que ses prérogatives constitutionnelles sous la section 71 de la Constitution incluent le pouvoir d’arrêter, de s’opposer à toute remise en liberté conditionnelle et de décider de la radiation des charges provisoires. Qui plus est, il exercerait ces pouvoirs à l’exclusion de toute autre entité, y compris le DPP.  Il considère que les arguments du commissaire de police à l’effet qu’il détiendrait ces pouvoirs sont  Frivolous.

Il maintient que la section 71 de la Constitution confère des pouvoirs administratifs au commissaire de police, dont l’Operational Control  de la force policière, et non pas des prérogatives constitutionnelles portant sur l’arrestation, la détention et la radiation des charges provisoires.

- Publicité -

Les pouvoirs du commissaire de police d’investigation se trouvent dans la Police Act, qui ne fait pas partie intégrante de la Constitution. Ce serait une fiction légale de venir dire que cette loi confère des prérogatives constitutionnelles au commissaire de police, constituant un dangereux précédent. « Les pères fondateurs de la nation mauricienne avaient envisagé un état démocratique, et non pas un état policier », affirme Me Bhuckory.

Il est d’avis que la plainte du commissaire de police est mal conçue, vu qu’il n’a pas démontré une violation spécifique par le DPP de la section 71, qui régit les pouvoirs du CP, mais s’est contenté d’affirmer que le DPP aurait agi en violation de ses pouvoirs sous la section 71. Le commissaire de police n’a pas analysé attentivement la section 72 de la Constitution, et les prérogatives constitutionnelles que cette section confère au DPP dans le domaine des poursuites pénales. Il a ainsi invité la Cour à rejeter cette plainte, qui n’a aucune fondation.

- Advertisement -

Me Paul Ozin, King’s Counsel, représentant les intérêts du commissaire de police, a pour sa part rejeté l’argument du DPP que la section 71 de la Constitution ne confère que des pouvoirs administratifs au commissaire de police.  Il avance que la charge provisoire est essentiellement du ressort du commissaire de police, sous la section 71 de la Constitution, et a un lien avec l’arrestation et la détention d’un prévenu par la police et l’enquête qui se poursuit.

L’homme de loi britannique avance que le DPP est « ill-suited » pour loger une charge provisoire et décider d’objecter ou pas à une demande de remise en liberté sous caution alors qu’il y a une enquête qui se poursuit, et que le commissaire de police est dans une meilleure position pour cela.

Il trouve que le commissaire de police doit avoir son mot à dire en ce qui concerne la radiation des charges provisoires, car il peut demander leur maintien en attendant la conclusion de l’enquête policière.

Pour Me Ozin, les objections aux demandes de liberté conditionnelle par ceux qui sont sous une charge provisoire relève de la police, tandis que ces objections sont sous la responsabilité du DPP que quand les prévenus font face à une charge formelle.  Il fait comprendre à la Cour que Le DPP empiète ainsi sur les prérogatives constitutionnelles du commissaire de police concernant les objections ou non en Cour concernant la remise en liberté conditionnelle et la radiation des charges provisoires.

Pour lui, l’argument du DPP à l’effet qu’il a le pouvoir d’initier, de stopper ou de prendre en charge une poursuite pénale basée sur une charge provisoire, et d’objecter aux demandes de remise en liberté est contraire aux pratiques établies. Il ajoutera que ce n’est que dans de rares cas que le DPP intervient dans ces affaires, et cela à la demande de la police ou des tribunaux.

Le King’s Counsel a admis toutefois que le DPP a une juridiction exclusive à initier les charges formelles sous la section 72 de la Constitution. Il a fait ressortir que les sections 71, par rapport aux prérogatives du commissaire de police et la section 72, relative aux prérogatives du commissaire de police  sont « two sides of the same coin ».

Paul Ozin a ainsi demandé à la Cour de ne pas rejeter la plainte du commissaire de police vu que cette plainte est loin d’être frivole et n’est pas destinée à échouer. « L’argument du CP doit être entendu sur le fond », devait-il conclure.

 

Arvin Boolell : « Le président de la république ne peut pas rester insensible »

Le président de la république ne peut pas rester insensible au conflit qui oppose le commissaire de police au bureau du DPP. C’est ce qu’a déclaré, hier, Arvin Boolell dans un post publié sur sa page Facebook.

Arvin Boolell déclare qu’ il est inacceptable qu’un assistant commissaire de Police, menace, au nom du commissaire de police, de procéder à des arrestations des officiers du bureau du DPP, assumant leurs responsabilités et agissant d’après les provisions de la loi.

« Face à cette confrontation, il est du devoir du président de la république d’assumer les pouvoirs que lui confère la Constitution et  d’éviter une crise constitutionnelle », poursuit-il.

- Publicité -
EN CONTINU
éditions numériques