Engagée depuis une quinzaine d’années dans des initiatives sociales, l’agence Maluti a convié Philippe Balin, vice-président de The Hand In Cap, expert reconnu dans l’insertion des personnes en situation de handicap dans le milieu professionnel, à animer un atelier à l’intention des responsables des ressources humaines des entreprises. Objectif : progresser rapidement dans l’inclusion des personnes handicapées en milieu professionnel.
Cet atelier incluait un exercice pratique, qui a surpris les participants par son originalité. Philippe Balin a en effet choisi de les mettre en situation de handicap et de leur bander les yeux pour démarrer la conférence. L’idée était de provoquer une certaine déstabilisation pour faire prendre conscience des difficultés rencontrées (accès à la mobilité, accès à l’information, accès à l’autonomisation, situation de dépendance, etc.). Il a ensuite expliqué ce qu’est d’être handicapé ou autrement capable, et que personne n’est à l’abri, car cette situation peut intervenir à tout moment.
Il souligne ainsi d’abord : « Maurice a une vision optimiste des gens handicapés, puisque vous avez choisi de les appeler autrement capables. Pour moi, qui suis un expert du handicap, cela ne me choque pas. Car l’angle que vous avez choisi ne résume pas la personne à son handicap, mais met l’accent sur ses capacités. Vous êtes handicapés, mais vous avez d’autres capacités, d’autre sens. »
Il explique que la déficience, l’incapacité et le désavantage définissent le handicap. On peut ainsi être aveugle, sourd, malentendant ou non comprenant, mais il faut bien faire la différence, selon lui, entre un sourd et un malentendant. À ce titre, Philippe Balin soutient : « Il y a beaucoup d’hypocrisie autour du handicap, et il faut appeler un chat un chat. »
Il a ensuite mis l’accent sur l’aspect compensation, qui caractérise l’approche des sociétés progressistes face au handicap. « Elles vont chercher à compenser les handicaps, souvent financièrement, et en fonction du degré de handicap, et c’est le cas aussi à Maurice. » Mais la compensation ne se résume pas à l’aspect financier, dit-il. Il faut aussi donner les opportunités de « sortir des idées noires et des préjugés dégradants, et faire de ces personnes des citoyens normaux. » C’est-à-dire qu’elles puissent aller voter, aller à l’école, bénéficier de formation, avoir accès à tous les services disponibles, dont les services de santé et avoir accès aux déplacements.
« C’est lorsque tous ces éléments sont réunis que ces personnes parviennent à devenir des citoyens normaux », affirme-t-il.
Inclusivité
De plus, il y a l’aspect accessibilité, qui est très important, souligne Philippe Balin. Et de dire qu’il ne peut « donner de leçons » à Maurice, car même la France « est en retard sur le plan de l’accessibilité ». En outre, il affirme : « On parle beaucoup d’inclusivité depuis quelques années; c’est devenu un terme à la mode. Mais cela n’est possible que si les handicapés sont inclus ! » Car l’accessibilité ne concerne pas que les déplacements en fauteuil roulant; cela implique aussi l’accès aux soins médicaux, et à toutes les facilités et structures disponibles.
Il parle également de l’accès à l’information et à la formation, soutenant que le monde des personnes « valides » ne se rend pas compte des informations données et reçues par les personnes autrement capables. « Souvent, quand on fait des sessions de formation, etc., on ne prend pas le temps de s’assurer que les handicapés présents ont tout compris. Mais c’est primordial et cela fait partie de l’accessibilité à la formation et à l’information. »
Philippe Balin insiste également sur les handicaps invisibles. « 80% des situations de handicap ne se voient pas », prévient-il ainsi, et il faut tenir compte de cela. Et là, il s’adresse précisément aux responsables de ressources humaines au sein des entreprises. « Il faut faire la liste de leurs compétences, c’est le plus important. Nous travaillons déjà avec des employeurs sur les opportunités à ce niveau. Surtout qu’à Maurice, l’un des problèmes majeurs, c’est que l’on cherche des bras. Donc, embauchons les handicapés, c’est aussi une opportunité. Mais il faut préalablement procéder à une évaluation précise de leurs capacités. Les ressources humaines doivent travailler pour réussir à évaluer les capacités des personnes en situation de handicap, qui sont souvent des capacités non formalisées. »
Philippe Balin explique aussi l’importance de « rassurer les employeurs », d’autant qu’il ne faut pas associer le handicap à l’immobilité ou forcément à une déficience intellectuelle. D’ailleurs, il souligne que même à Maurice, des personnes autistes travaillent déjà dans certains secteurs d’activité, d’autant que ces personnes sont « très familières aux gestes méticuleux et ont des capacités supérieures. »
Recruter et accompagner
Le vice-président de The Hand In Cap se tourne encore vers les ressources humaines. « Il faut sortir des préjugés et bien identifier les personnes et les compétences nécessaires pour tous les types de postes. » Par ailleurs, il plaide pour l’accompagnement des personnes handicapées en milieu professionnel. Et là aussi, cela dépend de l’équipe de ressource humaine. « Si l’on recrute la personne, qu’on la met en emploi et qu’on ne l’accompagne pas, cela ne va pas fonctionner. Le travail des ressources humaines ne s’arrête pas au moment de l’embauche. Tout cela représente un gros travail et une lourde responsabilité des ressources humaines, mais c’est cela l’inclusion ! »
Cette conférence a mis en exergue des exemples concrets et des études de cas de réussites en matière d’inclusion, offrant ainsi des pistes concrètes et des opportunités d’intégration professionnelle pour les personnes handicapées à Maurice. L’expertise de Philippe Balin, fondateur de CAP HUMANIS et acteur majeur dans le champ de l’inclusion, a été particulièrement enrichissante, suscitant un certain intérêt et un dialogue constructif parmi les participants.