« Miss » Joyce Niolle : Pas besoin de diplôme pour apprendre aux enfants à comprendre leurs devoirs

L’école reprend demain et les cours de « Miss Joyce » également. Joyce Niolle n’est pas une enseignante classique et ne travaille pas dans un établissement scolaire. Cette mère au foyer âgée de 48 ans a ouvert sa terrasse, de Résidence Richelieu, aux enfants en difficulté d’apprentissage. Pour leur faciliter la compréhension des matières au programme en primaire, elle leur traduit les exercices en kreol morisien. Joyce Niolle n’a aucun diplôme, elle n’en n’a pas fait un handicap à sa vocation.

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Après deux semaines de vacances, les jeunes élèves de “Miss Joyce”, comme ils l’appellent, vont retrouver le chemin de l’école demain. Mais même si certains confient plutôt aimer l’école pour différentes raisons, c’est chez Joyce Niolle qu’ils préfèrent apprendre à lire et à écrire ou améliorer leur apprentissage. « Mem si mo pa pe konpran, Miss Joyce pou explik mwa enn kantite fwa, li pa pou kriy ar mwa. Elle va tout faire pour me pousser à réussir. Elle a compris où se situent mes faiblesses. Je sais que je n’ai pas le niveau pour obtenir un grade A, mais Miss Joyce est contente de mon parcours. Et moi, quand j’obtiens 2 ou 3 unités, ça me convient « , confie Alexia, 12 ans.

Avec ses autres camarades, la jeune fille a passé la première semaine des vacances devant ses livres et cahiers sur la terrasse de Joyce Niolle, où cette dernière donne des cours aux enfants de grade 3 à 6, venant pour la plupart de Résidence Richelieu. C’est tout un ensemble qui rend la démarche de Joyce Niolle particulière.

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« Je me sens humiliée »
Croyant fermement que le développement global d’un enfant passe par l’éducation, Joyce Niolle s’est investie dans sa propre formation et fait preuve de détermination pour transmettre ses acquis aux petits de son quartier. Sans diplôme en poche, cette mère de deux garçons de 20 et 14 ans, qui n’a pas été jusqu’au bout de ses études secondaires, s’est inscrite à des formations dispensées par le Mauritius Institute of Education pour se mettre à niveau. Elle suit de près le cursus du primaire et travaille à partir des livres au programme et test papers de chaque matière examinable. « Les mathématiques ne sont pas mon fort. C’est mon mari, qui s’y connaît, qui aide les enfants dans cette matière », concède-t-elle.

De l’enseignement des lettres de l’alphabet aux règles grammaticales, en passant par l’écriture et la lecture, les sciences et l’histoire/géographie, Joyce Niolle repend le syllabus de l’école, mais à un autre rythme, celui de ses jeunes apprenants. Ce qui convient à Alexia. En grade 6, la jeune fille éprouve des difficultés d’apprentissage en classe. Pour cause, elle est une slow learner, « ce qui irrite ma Miss », dit-elle. Selon Alexia, son enseignante n’hésiterait pas à la critiquer ouvertement devant ses camarades de classe. « Quand elle me critique, je baisse la tête. Je me sens humiliée. L’autre fois, je n’avais pas pu résoudre à un numéro en mathématiques, elle a fait appeler mon frère qui fréquente la même école que moi et qui est en grade 5. Elle a demandé à mon frère de faire le même exercice et, lui, il a réussi. Ma Miss m’a alors demandé devant toute la classe si je n’avais pas honte. Ça m’a mis mal à l’aise », confie Alexia.

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Joyce Niolle explique qu’elle accueille des enfants qui sont scolarisés dans différentes écoles, y compris celle de Résidence Richelieu. « Cela me fait plaisir quand je vois qu’un enfant a pu remonter son niveau académique pendant son passage chez moi. Mais mon but n’est pas de concurrencer avec les enseignants de l’école, lesquels font de leur mieux pour leurs élèves. À l’école de Richelieu, il y a de très bons enseignants. Ils ne travaillent pas dans un environnement facile.

« Je traduis les exercices en KM »
Toutefois, il faut être extrêmement patient avec ces enfants qui ont du potentiel, mais qui n’arrivent pas à apprendre vite », dit Joyce Niolle.
Cette dernière dit appliquer une stratégie d’enseignement simple, mais qui paye. « Je traduis tous les exercices en kreol morisien. Je leur explique le sens des mots et je relis les mêmes mêmes exercices en français ou en anglais. Ils comprennent mieux ainsi », explique la “Miss”.

Cette dernière accorde un temps spécial aux enfants qui ne maîtrisent pas l’écriture et la lecture. « Lorsqu’ils reviennent, ils doivent reprendre ce qu’ils ont appris et révisé à la maison », poursuit-elle. Mais dans bien des cas, c’est le devoir et la pratique à la maison qui posent problème. « Malheureusement, lorsqu’ils rentrent chez eux, certains enfants doivent, à la demande de leurs parents, participer à des tâches de la maison. On va, par exemple, leur demander d’aller à la boutique.

Sa crédibilité a gagné en grade
Les devoirs ne sont pas toujours une priorité pour certains parents », dit Joyce Niolle. Ce qui était au départ une démarche bénévole envers la fille d’une voisine, en difficulté d’apprentissage, est devenu une vocation, raconte Joyce Niolle. Dans les années 2000, alors qu’elle discutait avec sa voisine, cette dernière lui parle de sa fille « ki pa pe kapav travay bien lekol. » Sachant que Joyce Niolle a été au collège, la mère de l’enfant insiste pour qu’elle vienne en aide à l’écolière. « De fil en aiguille, d’autres parents m’ont demandé d’encadrer leurs enfants », raconte Joyce Niolle.

Quand les résultats académiques de ses petits élèves ont commencé a remonté la pente, la crédibilité de Joyce Niolle a aussi gagné en grade. Sa fierté, dit-elle, c’est d’avoir vu des enfants qu’elle a encadrés intégrer des collèges les plus cotés dans le secteur privé notamment. Et d’être témoin du progrès des enfants négligés par le système éducatif à cause de leur faible performance. « Je suis heureuse de savoir que des enfants qui ont pris des cours sur ma terrasse travaillent dans des entreprises reconnues, ont un
emploi stable, sont des parents responsables. D’ailleurs, beaucoup
envoient leurs enfants chez moi », dit-elle en souriant.

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