Projet hôtelier à Bel Ombre : L’affaire déboutée, mais le locus standi du citoyen reconnu

La Cour s’est prononcée, mais la lutte citoyenne ne s’arrête pas là. La Cour suprême a rendu son jugement la semaine dernière dans l’affaire opposant l’organisation non gouvernementale (ONG) Mru202 5 (regroupant les membres d’Aret Kokin Nu Laplaz) au District Council de Savanne et à West Coast Leisure Ltd, promoteur d’un projet d’hôtel de plage à Bel Ombre. Si la Cour reconnaît bien l’arguable case présenté par Mru2025 ainsi que l’intérêt à agir du citoyen, elle a décidé que la demande de judicial review du Building and Land Use Permit (BLUP) octroyé aux promoteurs par le Distrcit Council ne tiendra plus, car elle n’a pas été déposée “promptly”.

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Si l’affaire a été déboutée, le locus standi du citoyen a bel et bien été reconnu en Cour. “Aujourd’hui, nous essuyons un revers amer dans notre lutte pour la sauvegarde d’une des derniиres plages encore prйservйes de Maurice. Alors mкme qu’elle rejettera une а une les objections prises par les parties défenderesses contre la demande de judicial review que nous avons déposée, et alors mкme qu’elle retiendra aussi que nous avons placй devant elle un arguable case, la Cour suprême trouvera que notre application n’ayant pas été déposée plus rapidement, celle-ci doit s’arrêter lа et doit tomber”, indique Mru2025 dans un communiqué émis en fin de semaine.

Cependant, les membres de l’association ne baissent pas les bras et martèlent que “cette défaite apparente ne marque pas la fin de notre combat, mais plutфt — et en vérité — le début d’une nouvelle иre dans la protection de notre patrimoine naturel.” Ils indiquent ainsi que des progrès significatifs ont été accomplis, notamment sur le plan de la reconnaissance légale et de la prise en compte de la parole du citoyen mauricien en Cour de justice. Le cas de Bel Ombre prouve, selon Mru2025, que “la Cour Suprкme continue sur sa lancée en renforзant davantage le droit légal des citoyens а agir pour la protection de l’environnement : elle trouvera en effet que nous ne sommes pas des busybodies, mais bien les porteurs légitimes d’un arguable case.” Un petit pas pour le citoyen lambda, mais un grand pas dans la lutte pour la protection de l’environnement.

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Pour rappel, cela fait des années depuis que Mru2025 lutte pour préserver la partie sud du pays. Après que la société de développement hôtelier West Coast Leisure Ltd, filiale du groupe Hyvec, a obtenu l’autorisation de construire 33 villas, ainsi que d’autres bâtiments à travers les dunes de sable et les zones humides se trouvant dans cette zone, Mru2025 et quelques citoyens engagés, notamment Yan Hookoomsing, Carina Gounden et Moonsamy Gounden, décident de déposer en octobre 2021 une demande de judicial review auprès de la Cour suprême contre la décision prise par le Conseil de District de Savanne d’accorder un permis de construire au développeur de l’hôtel.

Depuis 2021, l’ONG avance que ce projet d’hôtel est une violation du plan national d’aménagement du territoire (National Development Strategy) qui a force légale sous la Planning & Development Act. En effet, la NDS dit clairement que les hôtels de plage ne doivent pas être autorisés sur la côte encore sauvage du sud, entre Blue Bay et Baie-du-Cap, afin de préserver l’attractivité du pays. Bel Ombre est situé au milieu de cette zone.
Mru2025, par ailleurs, notera alors les nombreuses objections présentées à son encontre notamment celle soulevée contre son locus standi ; celle questionnant le bien-fondé de son action et celle arguant que son action aurait dû avoir été déposée plus rapidement. L’ONG campera longtemps sur sa position, arguant que “notre dossier a bien été déposé dans les trois mois requis. Sur le fond, nous mettrons en avant les sujets de fragmentation de l’écosystème et du risque de dégradation accrue de la plage de Beau Champ mettant en avant la Climate Change Act.”

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Ce n’est pas la première fois qu’une affaire opposant ainsi collectifs citoyens et grands promoteurs immobiliers se termine de la sorte. Faute de moyens, de temps et somme toute de connaissance légale, les citoyens contestataires sont souvent désavantagés, et ce, malgré toute la volonté qui les anime. Des tracasseries juridiques qui, au final, restreignent la marche de manœuvre des citoyens, premiers témoins et premiers concernés par les nombreux abus, quels qu’ils soient.

“Malgré tout, nous faisons le choix de retenir que la Cour suprкme a reconnu que nous avions effectivement un cas arguable mais surtout que notre ONG Mru2025 et les trois citoyens agissant en leur nom avaient pleinement le droit lйgal d’intenter une telle action en justice (locus standi). C’est une premiиre en ce qui concerne les contestations du BLUP et représente une avancée significative pour le droit de l’environnement а Maurice”, souligne ainsi Mru2025.

L’ONG est par ailleurs reconnaissante envers ses avocats Maître Louis Éric Ribot et son avoué Maître Preetam Dhuncoowar Lallah, “qui ont portй notre dossier et nous ont offert leurs services pro bono. C’est du reste ce qui nous a permis de porter l’affaire en justice. Il faut en effet des moyens financiers conséquents pour aller en Cour. C’est un dossier très technique aussi, traitant d’aspects des changements climatiques qui a demandй un travail énorme aux experts scientifiques, Sharveen Persand ou encore au Dr Prakash (Sanju) Deenapanray, qui nous ont aussi offert leur expertise respective sans prendre un sou ; nous les remercions également.”

Pour conclure, Mru2025 avance que “nous sommes des stewards of the environment. Soyez des gardiens vigilants et soyez attentifs aux dégвts а venir. Lorsque vous verrez des signes de dégradations, contactez les autorités. N’hésitez pas aussi а nous en informer. Nous demeurons dйterminйs а dйfendre notre patrimoine naturel pour les générations futures.”

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