Panne de Naissances – Démographie : les Mauriciennes sont en train de changer la donne

Si vous pensez qu’en 2050 la population de Maurice sera largement supérieure à 1 301 860 habitants, les chiffres avancés par Worldometer vendredi dernier, cette même source vous contredira. Dans 26 ans, la République de Maurice devrait compter 1 226 235 Mauriciens. La natalité est en baisse, la fécondité est en berne et le phénomène est global. Les femmes ayant pris leur destin en main, qu’elles soient déjà mères ou non, elles font moins d’enfants par choix. Et les raisons à cela sont diverses.

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Renu, 38 ans, professionnelle de santé, est célibataire. Elle est heureuse de l’être. Dans sa vie, dit-elle, il n’y a pas de place pour un enfant. La construction de sa maison occupe ses pensées, son budget et son temps. Femme pragmatique, elle a écarté tous ses anciens amoureux qui, au final, ne cochaient pas les cases de ses critères pour être le mari idéal et le père de son ou ses enfants. Renu assure ne pas avoir de regret. Elle a peut-être laissé filer les années pour porter un enfant, mais il lui reste encore d’autres pour accomplir ses projets en toute liberté. Au plus grand regret de ses parents, elle ne leur donnera pas d’héritiers et, de plus, quitte leur toit. Le discours de Renu est on ne peut plus explicite.
« Les femmes ont été encouragées à occuper le marché du travail. Mais dès qu’elles ont des enfants, les tâches qui vont avec la maternité leur revienne quasi exclusivement. La répartition des responsabilités à l’arrivée d’un enfant n’est pas toujours équitable. En donnant cinq jours de congé de paternité aux hommes, on vient confirmer cette réalité et on leur envoie ce message : cinq jours suffisent pour que vous vous occupiez du nouveau-né, votre femme se chargera du reste après ! J’ai vu mes amies s’enfoncer dans le burn-out. Je ne veux pas connaître cela. »

« J’ai des projets, un enfant n’est pas d’actualité »
De son côté, Béatrice, une diplômée dynamique de 33 ans et qui occupe un poste clé dans le secteur du textile, se dit ravie de pouvoir s’exprimer sur la question. « On entend rarement notre voix sur un sujet qui nous concerne. Et qui concerne notre corps », dit-elle. Et c’est d’une traite, dans un ton posé, qu’elle donne son avis : « Chacun dispose de son corps comme il le souhaite. Ce n’est pas parce que je suis une femme que, d’office, je devrais avoir un enfant. Je suis divorcée, à nouveau célibataire, je veux vivre pleinement ma vie et ne pas prendre en compte ce que la société, encore profondément patriarcale, attend de la femme. C’est-à-dire qu’elle doit à la fois travailler et être efficace dans sa profession, tenir un foyer et être disponible sur le plan social. Je travaille, j’ai des projets sociaux… un enfant n’est pas un désir d’actualité. »

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Cette dernière, tout comme Renu, font partie de ces millions de femmes à travers le monde qui sont en train de changer la donne en ralentissant la natalité. Résultat, malgré les 8 milliards d’âmes sur notre planète, la croissance démographique décélère. Ayant atteint un maximum de plus de 2% par an il y a cinquante ans, elle a diminué de moitié depuis (1,1% en 2020). Elle devrait continuer de baisser jusqu’à la quasi-stabilisation de la population mondiale autour de 10 à 11 milliards d’habitants dans un siècle.

La femme en position de pouvoir
La fécondité mondiale est passée d’une moyenne mondiale de cinq enfants par femme en 1950 à 2,3 en 2021, ce qui témoigne du contrôle croissant exercé par les individus, en particulier les femmes, sur leur vie reproductive. La fécondité globale devrait atteindre 2,1 naissances par femme en 2050. Avec l’espérance de vie qui a augmenté, des femmes décident de plus en plus de repousser l’âge de la maternité ou tout simplement de ne pas avoir d’enfants. En remettant la maternité à plus tard, certaines sont confrontées à une réalité : elles ne sont plus candidates à la fécondité. Le choix de ne pas concevoir un enfant est sans aucun doute la décision qui place la femme dans une position de pouvoir sur l’avenir de l’humanité. Sauf lorsque le mariage forcé ou précoce, l’exploitation, les abus, la manipulation, des diktats de la société ne mettent pas la jeune fille ou la femme dans une situation où elle est appelée à devenir mère par contrainte.

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« Je choque… »
D’autre part, à travers le monde, 270 millions de femmes n’ont pas accès à une méthode moderne de contraception. Si les facteurs mentionnés précédemment n’étaient pas une réalité, la fécondité globale auraient théoriquement diminué encore plus. Beaucoup de femmes décident de ne pas devenir mères ou bien font des enfants plus tard, non pour des raisons économiques, mais parce qu’elles ont la possibilité de mener leur vie selon leur objectif et comme cela leur plaît. L’accès à l’éducation académique a certes joué un grand rôle dans le self empowerment (le renforcement des capacités) des Mauriciennes. Mais il faut aussi compter les différentes luttes menées sur plusieurs fronts pour faire valoir, vulgariser et respecter les droits des femmes de la République de Maurice, de même que la lutte qui continue de plus belle pour leur fournir les mêmes opportunités que les hommes. Durant ce processus, il y a eu une prise de conscience sur l’intégrité physique, le droit à l’indépendance et à l’autodétermination sur son propre corps, chez les femmes.

Malgré les avancées majeures et les revendications acquises pour qu’elles atteignent les sommets et deviennent des leaders dans toutes les sphères dans notre écosystème, des Maurciennes qui défient les codes de la société subissent l’incompréhension et les préjugés qui proviennent de leur entourage. « C’est malheureux de voir qu’en 2024 je choque des personnes à qui je réponds, lorsqu’elles me le demandent, que je ne prévois pas d’être mère. Le jour où je rencontrerai un homme qui me correspond et que nous souhaiterons avoir un enfant, j’envisagerai cette éventualité. On me dit qu’il sera alors peut-être trop tard pour moi. Si c’est le cas, ce sera ainsi. Aurai-je des regrets ? Je ne sais pas, car je n’en suis pas encore là. Mais je pense que je ne pourrai pas regretter ce que je n’ai pas eu », confie Béatrice.

« Pa pou kapav swengn enn lot zanfan »
Les discours politiques sur le déclin démographique et le vieillissement de la population pour relancer la natalité sont ponctuels, mais bien présents. A contrario, la santé reproductive ne reçoit pas le même intérêt, alors que la précarité économique gagne de plus en plus de foyers, lesquels sont touchés en plein fouet par le coût élevé de la vie. Et ce n’est pas la CSG Child Allowance de Rs 2 000 accordée à tous les enfants de 0 à 3 ans, assure Janice, qui va l’encourager à donner naissance une deuxième fois.

À 31 ans, elle est mère d’un garçon de huit ans. De condition très modeste, Janice, qui vit dans un quartier touché par la pauvreté, ne travaille pas. C’est son mari qui subvient aux besoins de la famille. « Il touche le salaire minimum et atteint à peine Rs 17 000 avec les heures supplémentaires. Il est hors de question d’avoir un deuxième enfant. Nou pa pou kapav swengn enn lot zanfan », s’empresse de dire la jeune femme.


Population de Maurice
De 525 443 en 1950 à 1 226 235 en 2050

Selon Worldometer, en se basant sur les dernières données des Nations Unies, la population de la République de Maurice était de 1 301 860 habitants à vendredi dernier. En 2023, elle était estimée à 1 300 557 personnes au milieu de l’année. La population de Maurice est équivalente à 0,02% de la population mondiale totale. Maurice se classe au 157e rang dans la liste des pays (et dépendances) par population. La densité de population à Maurice est de 641 par km². 40,2% de la population est urbaine (523 224 personnes en 2023). L’âge médian à Maurice est de 37,5 ans. D’autre part, au 1er juillet 2022, la population de la République de Maurice s’élevait à 1 262 523 habitants, avec une diminution de 3 811 (-0,30%) par rapport à la population au 1er juillet 2021.

De 525 443 en 1950, puis 803 759 en 1968, la population de Maurice passerait à 1 303 210 habitants en 2025, avec une augmentation annuelle de 0,08%, soit une augmentation de 1 076 personnes par an. Le solde migratoire net (ndlr : le taux de migration nette est la différence entre le nombre d’immigrants et le nombre d’émigrants divisée par la population. Lorsque le nombre d’immigrants est supérieur au nombre d’émigrants, un taux de migration nette positif se produit) est nul, indiquant qu’il n’y a pas de gain ou de perte nette de population due à la migration.

Le taux de fécondité serait de 1,40 enfant par femme. En 2030, la population estimée passerait à 1 305 425 habitants, avec une augmentation annuelle de 0,03%, soit une augmentation de 443 personnes par an.  Il ne devrait pas avoir de gain ou de perte nette de population due à la migration. L’âge médian de la population passerait à 39,6 ans et le taux de fécondité de 1,41 enfant par femme. Le pourcentage de la population vivant en milieu urbain passerait à 41,3%, ce qui correspond à 538 588 personnes.

Cinq ans plus tard, la population de l’île est estimée à 1 299 451 habitants, avec une diminution annuelle de 0,09%, soit une réduction de 1 195 personnes par an . L’âge médian de la population augmenterait et passerait à 41,4 ans. Le taux de fécondité serait de 1,42 enfant par femme. En 2050, la population de Maurice devrait passer à 1 226 235 habitants, avec une diminution annuelle de 0,52%, soit une réduction de 6 486 personnes par an. L’âge médian de la population serait de 46,2 ans et le taux de fécondité, 1,47 enfant par femme. Le pourcentage de la population vivant en milieu urbain serait de 49,3%, ce qui correspond à 604 348 personnes.

QUESTIONS À
Vidya Charan, directrice de la Mauritius Family Planning Welfare Association :
« Il y  a une baisse de la demande pour les méthodes contraceptives »

Pour quelles raisons est-ce que les Mauriciennes font moins d’enfants ?
Les Mauriciens ne se marient plus au même âge qu’auparavant. On a repoussé l’âge du mariage. De plus, les jeunes et les couples ont d’autres priorités avant de fonder une famille et d’avoir des enfants. Beaucoup pensent à émigrer. Ils pensent à leur carrière et ne laissent rien entraver leur objectif de réussir sur le plan social. Par ailleurs, compte tenu du coût de la vie qui ne cesse de grimper, les familles réfléchissent à deux fois avant de concevoir un enfant, car les accessoires pour bébés, l’alimentation et les frais d’éducation pèsent lourd sur le budget familial. Il y a aussi une augmentation du nombre de cas de divorce qui entraîne une vie infernale pendant plusieurs années avant et après et qui ne donne pas envie d’enfanter. Le triple rôle de la femme qui contribue au sein de la société en tant que mère, même comme chef de famille, en tant que travailleuse, et aussi sa participation dans la vie communautaire est déjà conséquent, et donc, elle a des difficultés à concevoir à nouveau si jamais elle a déjà un enfant. Beaucoup de mères de famille sont tracassées par les fléaux sociaux tels que la prolifération de la drogue, qui affecte certaines cellules familiales, et les grossesses précoces chez les jeunes avant le mariage. La violence domestique contribue également à ces inquiétudes. Le phénomène de l’individualisme a commencé à s’intensifier dans nos mœurs en raison de plusieurs facteurs tels que l’effritement des valeurs familiales, l’égoïsme, l’intolérance et la quête des biens matériels. Ce sont autant de facteurs qui n’encouragent pas la natalité.

À partir de ce constat, est-ce que la demande en contraception a augmenté ?
Non ! Chaque année, il y  a une baisse de la demande pour les méthodes contraceptives. Nous ne disposons pas de chiffres concernant les demandeurs dans les services privés. Toutefois, ce sont  56 040 utilisateurs enregistrés qui ont été accueillis dans les points de service de planification familiale du gouvernement, de la MFPWA et de l’Action Familiale à l’île Maurice. Par ailleurs, beaucoup de femmes vont concevoir à un âge tardif, ce qui peut entraîner des complications ou simplement elles n’arrivent pas à concevoir. L’âge propice pour la procréation est entre 20-35 ans pour une femme. Le travail est aussi devenu difficile et beaucoup de femmes travaillent tardivement, elles ont des difficultés à trouver quelqu’un pour prendre en charge leur enfant pendant leur absence. Une longue absence au travail est aussi prise en considération quand il s’agit d’avoir une promotion dans son travail, et donc, cela reste un facteur à considérer.

Quel est l’âge des femmes ayant recours à une méthode contraceptive ?
Ce sont des femmes qui ont entre 15 à 49 ans, soit l’âge où elles peuvent encore procréer — même s’il est recommandé, comme je l’ai dit, de faire un enfant entre 20 et 35 ans — ce qui représente environ 49% de la population féminine. Les prévisions indiquent que ce pourcentage va diminuer. Il passera à 41,4% en 2042 et à 32,7% en 2062. Derrière ces chiffres, il y a un autre fait, il y a beaucoup plus de femmes ménopausées. Bien évidemment, après la ménopause, l’utilisation d’une méthode contraceptive n’est pas nécessaire pour un contrôle de naissance. Les données de Statistics Mauritius indiquent qu’en 2019, 176 657 femmes âgées entre 40 et 59 ans étaient préménopausées et ménopausées. En 2021, les chiffres sont passés à 177 922  et à 176 852 en 2022.

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