Le président de la république, Pradeep Roopun, a procédé au lancement de la seconde édition de Bitter sugar, un livre d’histoire sur le travail des esclaves sur les plantations entre 1815 et 1835, écrit par l’historienne Vijaya Teelock, paru pour la première fois en 1998 et épuisé du marché. C’était la semaine dernière, au Mahatma Gandhi Institute (MGI). Cette nouvelle édition de Bitter Sugar a paru aux Éditions de l’Océan indien (EOI).
Selon l’auteur, une réédition de Bitter sugar s’avérait nécessaire parce qu’il serait toujours d’actualité, après 26 ans. « Son contenu est toujours pertinent pour comprendre l’île Maurice moderne, bâtie sur l’histoire de la canne à sucre et la souffrance que les esclaves ont vécue sur les plantations durant cette période de transition de l’économie mauricienne », a fait ressortir l’auteure dans une déclaration à Le-Mauricien. Elle s’appesantit sur le changement de nature du travail de l’esclave en cette période particulière, 20 ans avant l’abolition de l’esclavage. « Avec ce changement dans l’économie mauricienne, les esclaves qui n’avaient pas l’habitude du dur labeur des champs étaient obligés de s’y conformer au détriment de leurs familles et à leur propre détriment parce que les heures de travail étaient horribles, alors qu’ils venaient peut-être des petites plantations avec un travail relativement léger » , dit-elle.
Elle souligne que le livre évoque aussi en dernière partie ce qui s’est passé après l’abolition de l’esclavage, notamment lorsque les esclaves sont devenus libres certes, mais toujours livrés à eux-mêmes, car ils ne savaient ni lire, ni écrire, et n’avaient pas d’argent non plus pour s’acheter une parcelle de terre ou une maison. « Certains ont choisi de rester sur les plantations. C’était également une période difficile pour eux », fait-elle ressortir.
Pour Vijaya Teelock, l’histoire de Maurice est souvent peinte sous un angle rosé, surtout lorsqu’il s’agit de livres qui vendent la destination. « Nous ne voulons pas monter les injustices du passé. Nous avons tendance à prétendre que tout s’est bien passé, mais ce n’est pas le cas. Il y a le revers de la médaille et il est important que la jeune génération sache ce qui s’est passé pour pouvoir mettre en perspective le début de la construction de l’île Maurice moderne, avec les grandes maisons qu’on voit un peu partout, par exemple », a-t-elle souligné.
L’historienne est d’avis qu’« il n’y a quasiment aucune autre documentation publiée évoquant cette période particulière de notre histoire ». Dans sa préface, elle souligne que « la beauté des documents d’archives c’est qu’ils ne changent pas, mais peuvent être interprétés de manière différente ».
Vijaya Teelock revient sur le début de ses recherches motivées par l’envie de comprendre ce qu’il était advenu des esclaves après l’abolition. « The archives were silent on their trajectory after abolition », a-t-elle dit. Aujourd’hui encore, poursuit-il, le travail est toujours incomplet. « What happened to the ex-slaves is still a recurring question in discussions among scholars and in public discourse, more so as land questions have inevitably begun to crop up. » Elle observe que les recherches de la Commission Justice et Vérité ont dévoilé un grand nombre de cas où d’anciens esclaves étaient devenus des propriétaires terriens. « Slowly and surely the truth will emerge despite the numerous impediments to lodging cases being confronted by descendants of slaves and others. » Selon elle, l’oligarchie historique du 19e siècle « continue à maintenir ses tentacules sur les institutions mauriciennes à travers diverses compagnies et elle a été rejointe par une nouvelle race d’accapareurs de terres et de spéculateurs ».
Elle rappelle que le projet qu’elle a conçu et initié en 1996, et financé par le Mauritius Research Council d’alors, a permis l’élaboration d’arbres généalogiques et la reconstitution de plusieurs familles d’ex-esclaves, avec le soutien de l’African Cultural Centre renommé et le Centre Nelson Mandela pour la culture africaine.
Bitter Sugar est destiné au grand public. « Il n’y a pas de grand changement si ce n’est quelques corrections et mises à jour des sources d’archives par rapport à la première édition », a souligné l’auteure. L’ouvrage comprend cinq chapitres : “Ile de France or Mauritius ? The Impact of British rule” ; “The naure of Sugar’s expansion” ; “Free slave society and the Sugar economy” ; “Towards emancipation 1823-1835” et “A window to the future”. Bitter Sugar est en vente aux librairies EOI.