- Les spectres de la Leptospirose et de la fièvre Dengue planent dans l’indifférence
- Urban Terminal : comme la soeur Anne, on ne voit rien venir
Pestilences et risques sanitaires. À la Place de l’Immigration, à Port-Louis, s’amoncellent des tas de déchets qui enlaidissent l’environnement. Un véritable fléau faisant partie du décor quotidien de ce site chargé d’histoire, qui est dû à l’incivisme de citoyens mal élevés, à l’incurie des pouvoirs publics et l’insuffisance des poubelles. L’état de décomposition des détritus, rameutant rats et insectes, laisse parfois penser que les éboueurs jouent aux abonnés absents depuis plusieurs semaines.
L’ambiance était à la fête mercredi soir au Caudan Arts Center, où se déroulait la deuxième édition du concours Environmental Awards, organisé par le ministère de l’Environnement. Divers secteurs, institutions et autres collectivités locales se sont distingués lors de cette cérémonie pour leurs initiatives environnementales, sous les regards du ministre de tutelle, Kavy Ramano, de la ministre du Commerce, Dorine Chukowry, et de l’épouse du PM, Kobita Jugnauth. Une louable initiative, sauf que tout ce beau monde devrait un de ces quatre faire un tour dans la capitale, à la gare de l’Immigration notamment, où le triste spectacle qui s’offre aux yeux des voyageurs, des commerçants et des touristes devrait les convaincre de décerner des Palmes d’Or à la horde de sauvages qui polluent l’environnement en toute impunité !
On ne finira sans doute jamais d’égrener les maux qui minent la société mauricienne en matière d’actes d’incivilité environnementale. Pour saisir l’ampleur de la terrible anarchie qui prospère à la gare de l’Immigration, il n’y a qu’à jeter un coup d’œil sur l’amoncellement de déchets en tout genre qui jonchent le site délabré abritant des d’anciens marchands ambulants. Des dizaines de gobelets en carton, sacs et bouteilles en plastique pullulent près des arrêts d’autobus, où on ne peut faire un pas sans marcher dans des restes et des emballages de nourriture. Ce sont des insectes par nuées, rats et des chiens errants qui prennent le relais avec toutes les conséquences sanitaires induites.
On aurait pu croire que les spectres de la Leptospirose et de la fièvre Dengue, qui ont causé la mort de sept et huit personnes respectivement, allaient amener à une prise de conscience collective sur la nécessité de se prémunir par tous les moyens de ces menaces mortelles. Que nenni !
Poussés par le vent, une dizaine de sacs en plastique s’envolent avant de s’amonceler autour des drains longeant les quatre coins de la gare. Certains oseront s’émouvoir lorsque des montagnes de déchets seront refoulées par les torrents émanant de la mer du Caudan. Il ne s’agit pas de tirer des conclusions hâtives, mais le ramassage des ordures semble au point mort durant plusieurs jours autour de ce périmètre fréquenté quotidiennement par des milliers de Mauriciens. Comment passer sous silence l’absence totale de poubelles, supplantées par des abreuvoirs et des boîtes en carton, aux arrêts d’autobus où la pollution atteint chaque jour son paroxysme.
Les nombreux colporteurs, s’accaparant les trottoirs au nez et à la barbe des policiers, jettent leurs boîtes vides de marchandises dans les recoins de la rue, lui donnant l’aspect d’un dépotoir. Une image catastrophique renvoyée aux touristes qui, en plus d’avoir à en subir le triste spectacle, doivent en supporter les relents pestilentiels.
Aux incivilités environnementales s’ajoute l’anarchie à la gare de l’Immigration. « Certaines personnes ne respectent pas les passages piétons et les trottoirs, alors que les bus roulent beaucoup plus vite que la limite autorisée. Combien d’accidents graves, ayant parfois provoqué morts d’hommes, sont survenus ici », confie un usager. Nul besoin de gloser sur les scènes de violence entre collégiens qui sont devenus monnaie courante sur ladite gare. Des actes de brutalité qui se traduisent souvent par des coups, des brimades et des actes d’intimidation qui peuvent même se prolonger sur les réseaux sociaux où les vidéos sont diffusées en boucle, chacun se préparant déjà au match retour !
D’aucuns soulignent que la transformation de la Place de l’Immigration en un terminal moderne, comme à l’ancienne gare Victoria, demeure la seule et unique alternative pouvant mettre un terme à ces comportements indignes. Sauf que ce fameux bond vers la modernité se heurte pour l’instant à la pierre d’achoppement de l’attente interminable liée au feu vert que doit donner l’Unesco à autorités mauriciennes, la Place de l’Immigration se trouvant dans la zone tampon de l’Aapravasi Ghat, classé sur la liste des patrimoines mondiaux. Le gouvernement a désigné un consultant pour s’assurer que les directives de l’Unesco soient respectées lors de la construction du nouveau Urban Terminal.