LE CARNET DE CAMILLE : La valse des saisons

C’est fou comme en vingt-quatre heures nous pouvons passer par différentes températures, du soleil à la pluie, et d’un temps calme à un vent presque cyclonique.
Le front trempé de sueur à cause de l’humidité, je quitte Port-Louis mardi dernier alors que le soleil a déjà troqué son sourire à une petite pluie sympathique et rafraîchissante. Pas une feuille ne bouge dans les arbres. La chaleur est encore insupportable en cette fin d’avril.
Arrivée dans les hauts, le soleil se fraye une petite place entre les nuages et c’est le moment idéal pour une marche. Baskets aux pieds et tenue de sport enfilée, direction le Trou-aux-Cerfs, histoire de keep fit et prendre un peu l’air. Les tons orangés que dégage le ciel laissent entrevoir un moment de détente tranquille. Décidée, je me lance en prévoyant une heure pour cette activité nécessaire.
Ne voilà-t-il pas qu’au bout de cinq minutes, une pluie fine vient me frôler délicatement les épaules dénudées. Mais rien de bien étonnant, nous sommes à Curepipe. Mais très rapidement, les feuilles s’agitent, le ciel s’obscurcit et la température se rafraîchit considérablement. Je ne vais quand même pas m’arrêter en si bon chemin ? Mais la fine pluie se transforme en gros grains, et trempée maintenant, je commence à avoir froid. Demi-tour donc, je presse le pas pour rentrer.
Cinq minutes plus tard, alors que je m’active sur le chemin retour, les gros grains s’affinent puis disparaissent et le soleil, bien qu’encore timide, redonne du courage aux braves qui s’agitent autour du volcan. Arrivée au point de départ, la température est déjà plus agréable et invite à ne pas abandonner la bonne intention, celle de faire du sport. Soyons braves, jusqu’au bout ! Je continue donc ma marche en sens inverse, ravie devant la végétation luxuriante et particulièrement verte à cet endroit. Soudain, sans annoncer sa couleur, un déluge et des nuages noirs au-dessus de nos têtes. Cette fois, il faut carrément courir pour s’abriter. Les branches s’affolent et les feuilles s’envolent. C’est comme un mini chaos qui s’est produit en un claquement de doigts.
Le lendemain ne fut pas meilleur, bien au contraire, avec les pluies torrentielles qui se sont abattues sur Maurice, créant une cacophonie et une litanie de ce qui aurait pu ou dû être fait en pareille situation plutôt …imprévisible visiblement.
Mais revenons à cette petite vingtaine de minutes aux alentours du Trou-aux-Cerfs. Ne fait-elle pas penser à la vie en général ?
Entre nos projets, nos désirs et nos attentes et la réalité de l’inattendu. Entre les situations réglées comme du papier à musique que nous contrôlons dans les moindres détails, sans faille, et qui ne nous réservent aucune surprise. Entre les conjonctures qui nous échappent dès le début, mais que nous arrivons tout de même à rattraper.
Nous avons toujours besoin de nous accommoder, de nous ajuster et de composer avec ce que l’on a, au moment où on l’a.
La vie ne choisit pas toujours la voie la plus facile et notre parcours n’est pas un long fleuve tranquille. Les incertitudes et les brèches que nous vivons nous permettent d’évaluer nos limites et de mieux nous connaître. Elles nous apprennent aussi à rechercher en nous la maîtrise de soi. Celle-là même qui nous fait évaluer nos émotions et nos sentiments pour leur donner leur juste valeur et leur juste place, afin de, petit à petit, choisir la voie de la sagesse.
Nous sommes souvent étonnés de voir à quel point nous pouvons prendre, encaisser et supporter. Mais nous sommes tout aussi surpris de voir qu’au moment où l’on s’attend le moins, nous ne pouvons plus avancer, nous sommes sur un point presque de non-retour. Tout s’arrête et nous ne pouvons que constater que tout s’envole, bascule, s’affole. Tout semble s’effondrer !
Tout ? Presque ! Car il reste notre volonté, notre persévérance, notre résilience et le désir fou de reprendre là où nous nous sommes brisés pour ainsi prendre une autre route. Même si nous y avons laissé des plumes (trempés comme des canards), cela n’est pas une fin en soi.
Nous ne sommes jamais obligés de continuer dans un mouvement malsain ou dans une course risquée. S’il est vrai que la rivière coule toujours dans le même sens, il en est tout autre pour nous qui pouvons changer de direction et rebrousser chemin.
Il faut juste apprendre à danser, même contre vents et marées, et à regarder même au travers des larmes.
Le vent finit toujours par s’apaiser et les larmes finissent par sécher.
Les saisons vont et viennent. Elles finissent toutes par s’arrêter pour pouvoir revenir. Cette valse des quatre saisons est une valse à quatre temps qui nous permet de refaire, de renaître, de bourgeonner et de nous recréer.
Vive donc les hivers, les printemps, les étés et les automnes de nos vies.

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