ECONOMIE RÉGIONALE – MCB TRADE WEEK : Face aux tarifs de Trump, l’Afrique doit se réorganiser et s’affirmer

Thierry Hebraud (MCB): « We don't know what will be at the end of the AGOA or not in September, but we believe that Washington doesn't care » Rebecca Harding (économiste): « It has been a little bit worrying that there is no single voice for Africa that has come out through all of this »

La montée du protectionnisme, impulsée par les politiques de tarifs douaniers du président des États-Unis, Donald Trump, agit comme un électrochoc. Ce désordre planétaire force les pays africains à revoir leur stratégie : moins de dépendance, davantage d’intégration, davantage de transformation locale. Tel est l’avis de Thierry Hebraud, Chief Executive Officer de MCB Ltd. « Merci, M. Trump ! », a-t-il lancé en boutade, parce que sans le vouloir, le président américain a donné à l’Afrique une raison supplémentaire de s’unir et de se réinventer. Si certains pays africains y trouvent des opportunités, la majorité subit de plein fouet les conséquences de décisions unilatérales américaines. Plus que jamais, le continent a besoin d’une voix collective forte pour défendre ses intérêts.

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« We want to thank Mr Trump. Mr Trump is reorganizing the world and is helping us to work together. » Ces mots de Thierry Hebraud ont lancé les discussions lors de la conférence organisée dans le contexte de la MCB Trade Week. Et en pleine escalade des tensions commerciales internationales, des réflexions émergent, notamment pour l’Afrique.
«We don’t know what will be at the end of the AGOA or not in September, but we believe that Washington doesn’t care. So what do we have to do in our continent? Should we continue to be an exporter of raw materials, an importer of finished goods? I don’t believe so», affirme le CEO de MCB Ltd.

D’après Thierry Hebraud, l’instabilité provoquée par les politiques tarifaires américaines constitue une occasion unique pour l’Afrique de se recentrer sur elle-même, de transformer ses matières premières sur place, et d’exploiter pleinement le potentiel du commerce intra-africain.

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Alors que les États-Unis multiplient les barrières douanières — 47 pays africains sont concernés — l’urgence de renforcer l’autonomie industrielle du continent n’a jamais été aussi claire. Il a évoqué des exemples concrets : l’aluminium extrait de la bauxite africaine est encore trop souvent transformé à l’étranger, notamment en Chine. Il a salué des initiatives sur le continent comme la raffinerie géante développée récemment au Nigeria, appelant à une généralisation de ce modèle. « L’avenir de l’Afrique, c’est l’Afrique », a-t-il martelé, soulignant que la zone de libre-échange continentale africaine pourrait faire passer le commerce intra-africain de 16 % à plus de 50 % du total d’ici à quelques années.
Pour Rebecca Harding, économiste de renom, les mesures économiques prises par les États-Unis relèvent d’une stratégie assumée de rupture. « L’Amérique ne fait pas que taxer. Elle casse les règles », indique-t-elle. « It is not just a tariff war and a trade war, and it is serious. Now, the US government at the moment is involved with something that is quite different. It is breaking things. It said it was going to overhaul world trade, and it is », poursuit-elle.

Depuis janvier, trente-six décrets présidentiels ont été adoptés, dont vingt-cinq modifiant le régime tarifaire. Ces décisions visent à corriger un déficit commercial jugé alarmant. « Because there’s a nearly $1.2 trillion trade deficit in goods between America and the rest of the world. Services have a surplus of around $293 billion. But this trade deficit in goods is the thing that is bothering the United States government », fait-elle ressortir. En conséquence, les marchés sont devenus plus volatils, affectant les taux obligataires et la valeur du dollar américain.

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Entre risques et opportunités

Ce tournant protectionniste entraîne une réorganisation des chaînes d’approvisionnement. Pour l’Afrique, les conséquences sont contrastées. D’un côté, les incertitudes rendent l’accès au marché américain plus difficile. « So, it is very serious. This process of breaking things will have consequences for Africa. The immediate impact, I would say, is that uncertainty is a new certainty. » De l’autre, cette situation ouvre la porte à un renforcement des relations commerciales avec l’Europe, la Chine ou d’autres pays africains.
Le continent fait face à un rapport de force inégal, incapable de déplacer son industrie vers les marchés les plus attractifs. « Particularly in Africa, it’s very difficult to negotiate because African nations can’t just pick up their manufacturing and plant it in the United States », dit-elle encore. Cela complique les négociations commerciales et fragilise les pays les plus pauvres, contraints à des concessions désavantageuses. «Some nations, particularly those who are just too poor to negotiate, they’ve done things like sign a deal with Stalin to try and appease the American administration generally »,concède-t-elle.

Les conséquences ne sont pas homogènes sur le continent. Les nations riches en ressources naturelles, comme l’Angola, profitent d’un traitement plus favorable. « Angola is oil and gas rich. It also has critical minerals. So the effective tariff rate is actually only 2%. » Les matières premières stratégiques semblent offrir un certain répit face aux nouvelles politiques tarifaires.

Vers un réalignement géopolitique ?
Ces bouleversements pourraient pousser certains pays africains à se rapprocher d’autres puissances mondiales. « Geostrategically, it is also going to make Africa and other nations pull potentially closer to China. And in Africa, there’s also a possibility that it pulls more closely to Russia. » Ce réalignement est d’autant plus probable que les exportations africaines sont déjà de plus en plus tournées vers l’Asie et l’Europe.
Pourtant, face à cette reconfiguration mondiale, l’absence d’une voix unifiée africaine inquiète. « It has been a little bit worrying that there’s no single voice for Africa that has come out through all of this. The multilateral banks, which are effective, and policymakers have been very quiet », s’insurge-t-elle.

L’Afrique à l’heure des choix
Malgré les risques, Rebecca Harding affiche son optimisme : l’Afrique a aujourd’hui les moyens d’affirmer sa position grâce à ses ressources critiques, son potentiel agricole et ses dynamiques internes. À condition, toutefois, de parler d’une seule voix sur la scène internationale et de faire preuve de stratégie dans ses partenariats.
Sean Edwards, président de l’IFTA (International Trade and Forfaiting Association), a apporté un éclairage technique et prospectif. À ses yeux, la situation actuelle peut être perçue comme une ère VUCA — Volatility, Uncertainty, Complexity, Ambiguity — mais aussi comme une chance unique pour les économies émergentes de redéfinir leurs modèles.
Sean Edwards a relativisé, en soulignant que les États-Unis ne représentent que 11 % du commerce mondial et une part encore plus réduite du commerce africain. « I’m very positive about world trade. Actually, I did not think that Trump was anything more than a very large spore within the global tea cup. There’s another reason why that is the case. The US represents only 11% of the world trade », fait-il comprendre.

D’après lui, les vraies opportunités résident dans la finance de la chaîne d’approvisionnement, qui permet aux entreprises de mieux gérer leur fonds de roulement et d’intégrer les PME dans les grands flux de commerce, notamment en Afrique.

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