Les Mauriciens habitant les régions urbaines ont été privés d’élections municipales depuis 2014. Ces élections ont été renvoyées plusieurs fois de suite sous des prétextes futiles, alors qu’il était évident que le pouvoir en place savait qu’il ne pouvait pas les remporter. C‘est vrai qu’au fil des années, et bien avant 2014, les pouvoirs des municipalités ont été réduits, au point de transformer les administrations régionales en officines gérées et financées, donc contrôlées, par le gouvernement. Pour leur part, les « élus » n’ont été que des marionnettes ridicules s’acharnant à s’emparer de tout ce qu’ils pouvaient de ce qui restait des fonds municipaux. On a même vu, durant ces années, des députés participant à des réunions des conseils et autres comités municipaux pour faire attribuer des patentes et des permis à leurs agents. Durant ces années, les citadins ont vu leurs villes se dégrader à tous les niveaux — entretien des routes, des rues, de l’éclairage public et des drains — et les salles des fêtes surtout utilisées, gratuitement, pour des réunions et activités des partis politiques au pouvoir. Durant ces dix années, les municipalités sont redevenues ce qu’elles étaient sous la « gestion » du PMSD au cours des années 70 du siècle dernier : des écuries d’Augias !
Durant ces dix dernières années, les partis d’opposition, aujourd’hui au pouvoir, ont dénoncé la déchéance des municipalités et promis non seulement de rétablir la démocratie régionale, mais aussi de lui redonner ses lettres de noblesse. Mais comme le sait l’électeur, il y a un océan de différence entre une promesse électorale et sa réalisation. Au lieu d’amender les lois et règlements qui ont fait des municipalités ce qu’elles sont devenues et de leurs « élus » des rubber stamps du gouvernement, l’Alliance du Changement a organisé les élections municipales. Plus pour essayer de redorer son blason, qui commence à être écorné et faire taire les récriminations qui commencent à se faire entendre, que pour permettre aux municipalités de recommencer à fonctionner normalement. Le fait que le MSM et le PMSD n’aient pas participé à ces élections — ils ne pouvaient pas après le bate bef qu’ils ont subi en novembre dernier — a facilité la démarche du gouvernement à la recherche d’un 120/0 qui aurait été un plébiscite de son action. Il est passé tout près avec ses 117 élus, et d’ailleurs, il se focalise dessus en évitant de citer LE chiffre le plus important de l’élection de dimanche dernier : un taux d’abstention de 73% des électeurs ! Au lieu de réfléchir sur les modifications de la loi électorale pour obliger les électeurs à aller voter, le gouvernement devrait s’interroger sur le pourquoi de cette abstention massive des citadins. Car, tout comme les 60/0 de novembre 2014 étaient un signal fort des électeurs au MSM et à ses alliés, les 73% d’abstention de dimanche dernier sont un signal, peut-être plus fort encore, envoyé par les citadins, qui représentent plus de la moitié de l’électorat mauricien, au gouvernement de l’Alliance du Changement.
On peut comprendre le refus de voter des citadins quand ils ont vu, que comme sous le MSM, les candidats aux municipales étaient choisis par les états-majors des partis politiques sur les mêmes critères que pour les élections générales. Ces abstentionnistes ont dû se dire qu’ils ont eu raison de ne pas s’être déplacés dimanche dernier quand ils ont appris ce qui suit dans Le Mauricien de jeudi dernier. Que, comme du temps du MSM et de ses alliés, « l’état-major de l’Alliance du Changement se penche sur une distribution des postes de responsabilités dans les municipalités qui soit proportionnelle à la représentativité des partis au sein de l’alliance. Les dirigeants des différentes composantes de l’Alliance du Changement se sont donné rendez-vous (jeudi dernier) pour fignoler le bigger picture dans les cinq villes du pays. Outre les partis, d’autres facteurs, dont l’attente des citadins ainsi que les recommandations de certains ministres sont aussi autant que possible pris en considération ». Ces abstentionnistes doivent se dire que plus ça change dans les municipalités, plus c’est la même chose, et doivent se féliciter de ne pas avoir participé à ce que certains pourraient qualifier de farce électorale.