Gestion des îles : Ces îlots qui rapportent gros…

Si, pendant des années, toute l’attention s’est portée sur les territoires extra-muros de la République de Maurice, soit les îles Agaléga ou les îles Chagos, récemment tous les yeux se sont braqués sur les îlots du pays, au nombre de 54. La fermeture de l’île aux Bénitiers au centre de l’actualité est venue donner un coup de pied dans la fourmilière, soulevant ainsi plusieurs questions sur la gestion des îles par l’État, et par le secteur privé. Les autorités avancent qu’un Management Plan sera mis sur pied pour une meilleure gestion de ces îles un peu laissées à leur sort.

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Des 54 îlots, 51 sont sous l’entière propriété de l’État mauricien, une est cogérée par l’État et le secteur privé (l’île aux Cerfs) et deux sont « privately owned » (l’îlot Fortier and l’île aux Chats). C’est ce qu’indiquait le ministre du Logement et des terres, Shakeel Mohamed, mardi, lors de la PNQ. Des 52 « State-owned islets », 22 sont loués, 8 sont des National Parks et 7 sont des Nature Reserves tombant sous la juridiction du ministère de l’Agro-industrie. Il a aussi précisé que l’île de la Passe est un National Heritage site, l’îlot Matapan est une plage publique et l’îlot Bernache est géré par le ministère de l’Environnement et la police.
Des informations cruciales qui lèvent le voile sur ces îlots, qui font parfois l’objet de publicité promettant de luxurieuses visites avec déjeuner privatisé, sur une île déserte. En effet, certains d’entre eux sont loués au prix fort par l’État, notamment à des particuliers ou à des groupes hôteliers. Dans une liste déposée mardi au Parlement (voir tableau ci-dessous), l’on apprend ainsi que l’îlot du Morne (ndlr : à ne pas confondre avec l’île aux Bénitiers) a été cédé à New Mauritius Hotels Ltd qui jouit depuis 2008 d’un bail de 60 ans et qui paie une redevance annuelle de Rs 70 millions à l’État mauricien.
En outre, L’îlot Levrettes, non loin de Trou d’Eau Douce, loué à la SRL Touessrok Hotel Ltd depuis 2009, rapporte Rs 14 millions à l’État mauricien. L’île du Trou-Viré – qui avait attiré les regards en 2012, dans le cadre d’un projet de Barbecue Island comprenant la délocalisation des plaisanciers de l’îlot Mangénie vers l’île du Trou-viré justement – est sous la gestion de Loisirs des îles Ltd pour un usage industriel, générant Rs 22 millions par an à l’État mauricien. Les autres îlots, dont Petite Vacoas (Calodyne) a été cédée à Zilwa Ressort Ltd qui a obtenu un bail de 60 ans (2010-2070) pour la somme annuelle de Rs 9 millions. Des sommes mirobolantes pour une privatisation complète d’un bien commun et qui assurent la pérennité de ces écosytèmes uniques, du moins, c’est ce que nous espérons.
Location… d’une roupie
Mais nul besoin d’être millionnaire pour « posséder » une île. Nous apprenons que l’État mauricien a aussi loué quelques-uns de ses îlots à des fins religieuse et agricole. L’îlot Goyaves de Chine, à Poste-de-Flacq, a ainsi été loué au Hindu Sewa Sangh Shiv Mandir pour une durée de 20 ans (2012-2031) pour la somme symbolique de Re 1. L’îlot Bambaras, dont le contrat à bail a expiré en 2011, avait lui aussi été loué à la Mauritius Sanatan Dharma Temple Federation pour la somme de Rs 10. Par contre, l’îlot Brocus & Lafond géré par Omnicane Ltd a lui été accordé un bail de 100 ans (1962-2061) pour la somme de Re 1. Dans la liste des 21 îlots « privatisés », nous retrouvons aussi des « campements » allant de Rs 170,000 à Rs 468,000 par an.
Fort heureusement, parmi tous ces millions, l’on peut encore respirer. La République de Maurice compte 7 réserves naturelles et 8 parcs nationaux qui tombent sous l’égide des Bois et Forêts. Selon la Island and Offshore Unit du National Parks and Conservation Service, dans la catégorie de parcs nationaux, figurent le Pigeon Rock, non loin de l’île Plate elle-même décrétée réserve nationale ; l’îlot Vacoas ; l’île aux Oiseaux ; l’île aux Fous, l’îlot Fouquets (aussi appelée l’île au Phare) ; l’île aux Flamants ; le Rocher aux Oiseaux et l’île d’Ambre. L’île d’Ambre proclamée parc national en 2004 est l’un des plus grands parcs du pays, s’étendant sur 137 hectares de terres inhabitées.
Sept réserves naturelles
et huit parcs nationaux
Connu pour ses sites de randonnée, l’île d’Ambre a connu cependant une rapide dégradation au fil des années. À travers le Projet Ridge To Reef (R2R) Mauritius financé par l’Union européenne (UE) et avec l’aide du Service des parcs nationaux et de la conservation (NPCS) du ministère de l’Agro-industrie, un vaste projet et restauration et de conservation est mise en place avec l’élimination des espèces invasives et la réintroduction de la biodiversité indigène.
Quant aux îlots classifiés réserves naturelles, l’on cite l’île aux Serpents, l’île Ronde, l’île Plate, l’îlot Gabriel, le Gunners Quoin (communément appelé Le Coin de Mire), l’îlot Marianne et l’île aux Aigrettes. Cette dernière a été déclarée réserve naturelle en 1965 et est gérée par la Mauritius Wildlife Foundation (MWF). À noter qu’il est interdit de débarquer sur les îles du Coin de Mire, de l’île aux Serpents et de l’île Ronde. L’île Plate – un des plus grands îlots de la République, comptant 253 hectares – a été utilisée comme station de quarantaine au XIXe siècle et les infrastructures restantes présentent un intérêt historique et culturel, notamment pour les touristes.
Nous comptons, par ailleurs, 7 Northern islets, nommément Pigeon Rock et l’île aux Serpents qui abritent d’importantes populations d’oiseaux marins ; l’île Ronde et l’île Plate connues pour leurs reptiles, et l’île Ronde, l’îlot Gabriel et le Coin de Mire riches en palmiers. Les Bois et Forêts identifient également 4 Mahebourg Bay Islets, dont l’île aux Vacoas, l’île aux Mariannes, l’île aux Fouquets et l’île aux Aigrettes. L’île de la Passe a été confiée au ministère des Arts et de la Culture en raison de son importance historique et tous les bâtiments de l’île sont préservés. Elle est classifiée en tant qu’Ancient Monument. Par ailleurs, en 2012, la Mauritius Wildlife Foundation a signé un accord avec le National Heritage Fund pour la protection, l’entretien et la restauration de la faune et de la flore de l’île de la Passe.

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L’île aux Bénitiers  : Les autorités rassurent, le Collectif reste sur ses gardes

« There will be no hotel and resorts on Ile aux Bénitiers, it has to be returned to nature », a déclaré le ministre du Logement et des Terres. Malgré cela, le Collectif citoyens pour l’île aux Bénitiers garde un œil sur tout ce qui se passe et réitère sa demande formelle pour être intégré dans le comité organisationnel. Le Collectif regroupe plaisanciers, skippers, commerçants, artistes, l’ONG Coral Garden Conservation et le Conseil du village de La Gaulette.
Dans un communiqué émis hier, le Collectif citoyens pour l’île aux Bénitiers a indiqué qu’« à ce jour, aucune date de réouverture n’a été annoncée » et que tous les opérateurs sont « laissés dans l’incertitude. » Il regrette, une fois de plus, le « manque de considération en attendant la réouverture » à leur égard, malgré le fait que la majorité des opérateurs détient un permis délivré par la Tourism Authority. Le Collectif soutient, par ailleurs, que l’île aux Bénitiers située dans une partie de l’île fortement privatisée « reste un des derniers lieux où les personnes de la communauté locale peuvent travailler comme petits opérateurs. »
Le Collectif déplore aussi que ces travailleurs de l’île soient systématiquement qualifiés de « hors-la-loi » ou de « squatters. » « Ils subissent déjà de nombreux préjudices, et ce type de discours entretient une perception erronée qui encourage le blâme public, jusqu’au lynchage sur les réseaux sociaux. Il est grand temps que les autorités fassent preuve de plus de responsabilité dans leurs déclarations, en évitant d’alimenter des stigmatisations qui ne font qu’accentuer la détresse de personnes déjà vulnérabilisées », indique-t-il.
Par ailleurs, face à la déclaration faite par le ministre sur le fait que « there will be no hotel and resorts on Ile aux Bénitiers, it has to be returned to nature », le Collectif déclare que « nous avons pris bonne note de cet engagement. Nous espérons que cela exclut également les Ecolodges et toute forme d’habitation, même sur pilotis ou des Bubble Lodges, comme c’est le cas à l’île aux Cerfs. Pour rappel, en 2002, 2008, 2010 et 2018, plusieurs projets hôteliers, de golf ou de privatisation avec lodge avaient été rejetés suite à la constante mobilisation citoyenne. » Il réitère aussi sa demande pour intégrer le « comité technique, afin que ce plan ne reste pas “dans les tiroirs”, comme ce fut le cas par le passé. »
Au Parlement, Shakeel Mohamed est revenu sur toute l’affaire indiquant qu’en 2017, des discussions ont été entamées pour décider du sort de l’île, alors louée à la Société Nubheebucus. Si une letter of intent avait été soumise par cette dernière pour développer une plantation de cocotiers, le projet semble ne pas avoir abouti et aucun agreement n’a été soumis.

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