- Le comité des Nations unies estime qu’en l’absence de données ethniques, il est difficile de déterminer quel groupe est le plus discriminé
- Le Racial Profiling pratiqué par la police mis à l’index
Après avoir interpellé l’État mauricien, à travers l’Attorney General, Gavin Glover, concernant la discrimination, le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD) des Nations unies a soumis ses recommandations. Pour la troisième fois consécutive, le Comité réclame des recensements basés sur l’appartenance ethnique. Le 28 avril, Gavin Glover, tout comme son prédécesseur, avait mis en avant qu’une telle démarche pourrait nuire à l’unité nationale.
« Le Comité réitère que l’absence de statistiques empêche une évaluation complète de la situation des groupes les plus exposés à la discrimination raciale. » C’est en ces termes que le CERD s’exprime dans ses Concluding Observations, après avoir écouté les explications de l’Attorney General, sur différents sujets liés à la discrimination, dont le recensement fondé sur l’appartenance ethnique. Comme Maneesh Gobin avant lui, Gavin Glover avait soutenu le fait que le recensement ethnique pourrait mettre en péril l’unité nationale.
Tout en affirmant sa compréhension de la position de l’État mauricien, le Comité maintient que les données sont importantes pour évaluer la situation. Particulièrement en ce qui concerne les créoles et autres personnes d’ascendance africaine. L’absence de données ethniques sur la population carcérale est également critiquée. Le CERD demande ainsi à Maurice de procéder à la compilation de statistiques basées sur l’appartenance ethnique, afin d’évaluer les droits de chaque groupe, par rapport aux différents droits, comme le logement, l’éducation, le travail, la santé, entre autres.
Le Comité se dit également préoccupé du fait que tous les éléments de la Convention n’aient pas encore été intégrés dans les législations du pays. « Le Comité s’inquiète également du manque d’informations sur les affaires judiciaires dans lesquelles la Convention a été invoquée et appliquée par les juridictions nationales. » Maurice est ainsi priée de prendre les dispositions nécessaires pour remédier à la situation.
Le Comité exprime également son insatisfaction par rapport à l’Equal Opportunities Act, qui ne protège pas suffisamment contre les discriminations. En outre, le Comité fait ressortir : “the State Party has not taken sufficient measures to address discrimination based on race, colour, descent, or national or ethnic origin when intersecting with other grounds, such as sex, gender, sexual orientation or gender identity.” Dans la foulée, le Comité réclame également l’abrogation de l’article 250 du Code Civil, portant sur la sodomie, jugé discriminatoire envers les hommes homosexuels.
Lors de son intervention devant les experts, l’Attorney General avait en effet reconnu que l’Equal Opportunities Commission avait été délaissée ces dix dernières années. Il a indiqué que le gouvernement prévoit justement une révision de la loi contre la discrimination.
Quant aux discriminations structurelles, le Comité dit avoir pris note des efforts réalisés par Maurice, concernant la protection des travailleurs migrants, des personnes en situation de handicap et la promotion de l’égalité des genres. Toutefois, ceux-ci sont insuffisants et il y a une absence d’information sur les mesures politiques, visant à combattre la discrimination raciale.
Au chapitre de la participation dans la vie politique, le Comité accueille la mise sur pied d’une Constitutional Review Commission, qui se penchera sur la réforme électorale. Cependant, le Comité est d’avis que la participation en politique « ne représente pas équitablement la diversité de la population. » Ce qui limite l’accès de certains groupes aux instances concernées. Le Comité souhaite que la réforme s’intéresse à cette question.
Au sujet des recommandations de la Commission Vérité et Justice, particulièrement la dépossession des terres, le Comité accueille la mise sur pied d’une Land Research Monitoring Unit et d’une Land Division de la Cour suprême. Cependant, l’absence d’un mécanisme de suivi ne permet pas d’évaluer leur efficacité. Le Comité demande ainsi à Maurice de prendre des Time-Bound Measures, afin de mettre en œuvre efficacement les recommandations de la Commission Vérité et Justice.
Dans le même ordre d’idées, le Comité dit noter que les créoles, incluant ceux de Rodrigues et d’Agalega, sont lésés par rapport à leurs droits économiques, sociaux et culturels. « The Committee notes with concern reports of ongoing discrimination in employment and public services, the lack of disaggregated data, and the absence of a dedicated, consultative strategy to address the historical and structural inequalities affecting Creole communities », fait ressortir le rapport final.
Au sujet des Chagossiens, le Comité affirme avoir pris note de l’Advisory Opinion de la Cour internationale de justice et apprécie la démarche de Maurice. Toutefois, le Comité se demande si les Chagossiens ont été suffisamment impliqués dans les négociations, notamment au regard des réparations. Maurice est ainsi invitée à engager les Chagossiens dans toutes les étapes de cette rétrocession ainsi que du Resettlement. De même, le Comité demande à l’État de veiller que les Chagossiens puissent jouir de tous leurs droits en étant à Maurice.
Pour ce qui est des travailleurs migrants, le Comité dit avoir pris note de l’adoption de la Private Recruitment Agencies Act 2023, ainsi que des accords bilatéraux entre Maurice et d’autres pays. Cependant, le Comité relève que les travailleurs migrants sont toujours sujets à des discriminations, notamment au sujet des salaires, du nombre d’heures de travail, qualifiées d’excessives, de l’accès aux soins de santé et du dépistage obligatoire du VIH, avant de venir à Maurice. Le Comité demande à Maurice de corriger ces manquements et d’assurer la protection des travailleurs migrants et de bannir le test de VIH obligatoire. Il est également recommandé de renforcer la loi sur le trafic humain.
Le Comité attire aussi l’attention sur le Racial Profiling pratiqué par la police, visant particulièrement les créoles et autres personnes d’ascendance africaine, lors des contrôles de routine. Le Comité s’interroge également sur l’efficacité de la Police Complaints Commission, de par le nombre de cas en suspens. Maurice est ainsi invitée à assurer l’éducation des policiers sur la question et de mener des campagnes de sensibilisation contre les stéréotypes. Cela comprend l’inclusion de l’histoire et de l’héritage de l’esclavage et du colonialisme, dans le cursus scolaire.