Scandale Silver Bank : Les déposants individuels portent plainte à la Financial Crimes Commission

• Ils pointent du doigt l’ex-gouverneur de la banque de Maurice, Harvesh Seegoolam, et le ministre des Finances, Renganaden Padayachy
• « Le peuple mauricien a le droit de savoir. Ce scandale est d’une ampleur comparable à l’affaire BAI », disent-ils

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Le scandale financier de la Silver Bank prend de nouvelles proportions. Un groupe de déposants individuels mauriciens et étrangers a officiellement déposé une plainte auprès de la Financial Crimes Commission (FCC), réclamant une enquête approfondie sur les agissements de l’ex-gouverneur de la Banque de Maurice, Harvesh Seegoolam, et de l’ancien ministre des Finances, Renganaden Padayachy. Ils les accusent d’avoir permis, voire facilité, une fraude bancaire massive ayant mené à la débâcle de la Silver Bank.

Des complicités internes à la banque

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Plusieurs cadres de la Silver Bank sont aussi visés. Parmi eux :
• Rajiv Ramacharitar, qui aurait personnellement signé la majorité des prêts, ferait encore partie du personnel.
• Sheika Koodooruth, ex-Senior Manager of Operations, est soupçonnée d’avoir falsifié la signature d’un officiel de la BoM.
• Le CEO géorgien Vasil Reichvilli a quitté le pays deux semaines après la mise sous tutelle, sans interdiction de quitter le territoire.

Pourquoi ces personnes n’ont-elles pas été interrogées ? Pourquoi n’y a-t-il pas eu de prohibition order ? se demandent les déposants
Des agents de la Banque de Maurice ont été affectés pendant un an entier dans les locaux de la Silver Bank pour examiner les transferts. Pourtant, aucune mesure préventive n’a été enclenchée. Les rapports de surveillance, s’ils existent, n’ont jamais été rendus publics.
La banque n’a jamais soumis ses états financiers annuels depuis sa création en 2021, enfreignant ainsi la loi, sans aucune réaction de la FSC ou du ministère des Finances. Une complaisance jugée inacceptable et illégale.

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Un appel à la justice et à la transparence

Les déposants exigent que la FCC étende son enquête :
• Aux sociétés fictives ou suspectes bénéficiaires.
• Aux complicités internes et aux manquements graves des régulateurs.
• À la provenance et au devenir des Rs 3,55 milliards d’argent public investis dans la Silver Bank.

Ils demandent également à la FCC d’interroger des ex-dirigeantes résidant encore à Maurice, telles que Tanuja Nair, ex-Deputy CEO (démissionnée en janvier 2024) et Gowree Roopnah Dosoruth, Head of Compliance.

« Le peuple mauricien a le droit de savoir. Ce scandale est d’une ampleur comparable à l’affaire BAI », affirment les plaignants. Ils espèrent que cette plainte citoyenne permettra, enfin, de briser l’omerta et d’initier les poursuites nécessaires contre ceux qui ont orchestré l’un des plus grands détournements de fonds bancaires de l’histoire mauricienne.
Une avalanche de prêts douteux en un temps record
Les déposants ont, dans leur plainte, rappelé les principales conclusions du conservateur de la Silver Bank, Arvind Gokhool, rendues publiques en février 2024, qui avaient mis à jour des chiffres alarmants : Rs 7 milliards de prêts toxiques accordés à 33 clients étrangers dans 11 pays, souvent via des sociétés fraîchement constituées. Le plus choquant pour les déposants demeurant la vitesse vertigineuse à laquelle ces prêts ont été débloqués :
• 44 des 68 prêts octroyés en moins de 30 jours.
• Postique Ltd, société nouvellement enregistrée, a obtenu Rs 209 millions le jour même de sa demande.
• Une autre entité a reçu Rs 195 millions le jour de sa création.
• De nombreuses sociétés étrangères ont été constituées entre 5 et 9 jours avant l’octroi de prêts dépassant Rs 200 millions.
Ces fonds ont été immédiatement transférés à l’étranger, échappant à toute traçabilité.
En parallèle, 18 clients mauriciens ont obtenu Rs 900 millions, également jugés irrécouvrables. Plus troublant encore : Rs 1,4 milliard prêtés à 9 entités locales ont été transférés sur des comptes étrangers. La liste de ces entités demeure encore secrète, malgré l’insistance des déposants pour en connaître les bénéficiaires.
Un autre défi pour la FCC
Les dénonciateurs pointent du doigt une possible ingérence politique directe. Selon eux, la Banque de Maurice avait connaissance de la cadence inquiétante des décaissements, mais n’a pris aucune mesure. Pire encore : l’ancien gouverneur et le ministère des Finances seraient intervenus pour maintenir artificiellement l’octroi des prêts, malgré les alertes internes. Des commissions occultes, du blanchiment et une complicité institutionnelle sont désormais fortement suspectés.
Ce dossier constitue un autre défi  pour la nouvelle Financial Crimes Commission. Sa capacité à agir de manière indépendante, à convoquer les anciens dirigeants et à faire la lumière sur une affaire qui réunit potentiellement abus de biens sociaux, fraude bancaire, complicité d’État, et blanchiment d’argent, sera déterminante pour sa crédibilité future. D’autres noms sont attendus dans les semaines à venir. Mais pour l’instant, les victimes attendent des réponses. Et justice.

Des vies brisées, des économies volatilisées
Derrière les chiffres froids, il y a des visages. Des enseignants, des retraités, des PME, des professionnels établis, mauriciens ou étrangers, avaient fait confiance à la Silver Bank. Certains y avaient placé leurs économies de toute une vie, d’autres géraient leur trésorerie professionnelle.

Depuis la mise sous administration, l’accès aux fonds est bloqué. Les déposants vivent une angoisse constante. Certains n’arrivent plus à payer leurs loyers, d’autres ont dû suspendre leur activité ou hypothéquer leur maison pour survivre. « On nous parle d’audits et de gouvernance, mais nous c’est notre avenir qu’on a perdu. Nos enfants n’iront pas à l’université. Nos rêves sont partis en fumée. »

Ils demandent aujourd’hui justice. Pas seulement des rapports. Une vraie enquête. Des sanctions. Et un espoir de recouvrement.

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