L’extension de l’âge de la retraite soulève un tollé dans le monde syndical. Les dirigeants syndicaux invitent le gouvernement à ouvrir un débat tripartite autour de la question, car les travailleurs sont directement concernés. Ils proposent une Option Form pour la Basic Retirement Pension à 65 ans.
Narendranath Gopee (NTUC) :
« Il faut des débats tripartites »
« Le gouvernement est venu avec une proposition pour imposer l’âge de la retraite à 65 ans. Je pense que le gouvernement devrait ouvrir des débats tripartites autour de toute la question, car il en va de l’avenir des travailleurs. Au fait, le problème reste entier lorsqu’on décide d’étendre l’âge de la retraite à 65 ans. En faisant cela, on ne fait que shifter le problème sur cinq ans. Nous réclamons donc la tenue d’un comité tripartite, car nous avons la solution.
« Le problème avec l’âge de la retraite à 65 ans est le suivant. En cas de décès d’un travailleur avant l’âge de 65 ans, l’épouse ou le conjoint touchera seulement la Lump Sum, mais pas sa contribution pour la pension. Nous voulons donc la garantie que l’épouse du défunt touchera à la fois la Lump Sum et la contribution pour la pension. D’une certaine façon, l’extension de l’âge de la retraite à 65 ans est une bonne mesure pour ceux qui veulent continuer à travailler après 60 ans. Mais il y a quand même des gens qui se sentent fatigués et qui veulent prendre leur retraite à l’âge de 60 ans. Il ne faut pas escamoter cette situation. »
Haniff Peerun (MLC) :
« Que les parlementaires renoncent à la BRP »
« Il est vrai que l’âge de la retraite a été étendu à 65 ans. Mais il est aussi vrai qu’actuellement les gens peuvent toucher la Basic Retirement Pension à 60 ans et continuer à travailler jusqu’à 65 ans et plus. Maintenant, le gouvernement vient nous dire que la BRP sera payée à 65 ans. Il est question là de toucher aux droits acquis des travailleurs sans consultation préalable. Nous ne sommes pas d’accord avec cette façon de faire. Il y a des gens qui ont une santé précaire et qui veulent prendre leur retraite à l’âge de 60 ans. Ils ont besoin de la BRP pour acheter des médicaments. Pourquoi le gouvernement ne vient-il pas avec une sorte de ciblage à travers une Option Form?
« Il y a beaucoup de capitalistes, de grands commerçants, des directeurs d’entreprise, des députés, des ministres et des parlementaires qui n’ont pas besoin de la BRP. Je pense que l’exemple doit venir d’en haut. Il y a beaucoup de parlementaires au sein du gouvernement qui ont dépassé l’âge de 60 ans. Certains touchent actuellement leur BRP, le salaire des députés et des ministres. S’ils veulent redresser la situation économique, les parlementaires de plus de 60 ans doivent renoncer à leur BRP s’ils sont toujours en poste. Aussi, il est inconcevable que d’anciens parlementaires continuent à toucher la BRP alors qu’ils touchent la pension en tant qu’ex-parlementaires.
Les gens vulnérables ont besoin de la BRP. Il y a des gens qui vivent seuls et ont une santé précaire. Ils dépendent de la BRP pour vivre. Alors, ne nous voilons pas la face. Que les parlementaires qui ont déjà atteint l’âge de 60 ans renoncent à la BRP pour donner le bon exemple, puisque maintenant on voit apparaître dans le budget des allocations pour les Junior Ministers. »
Deepak Benydin (FPBOU) :
« On enlève le sacrifice de toute une vie »
« C’est la grogne générale parmi les petits et Middle Income Earners. Il ne faut pas oublier que la plupart d’entre eux ne bénéficient pas d’un salaire décent. Ils ont travaillé durant toute leur vie en-dessous d’un Living Wage. Ils n’ont pas réussi à économiser, ils ne disposent pas de Fixed Deposit; ils ont des emprunts et sont endettés jusqu’à la gorge. Ils ont même contracté des emprunts auprès de l’Employees Welfare Fund pour financer les études de leurs enfants et pour acheter de la nourriture.
Gouverner, c’est prévoir. Cela fait belle lurette que le rapport Battersby est venu dire qu’il faut réformer le système de pension. Le rapport est resté dans les tiroirs. Maintenant, il est trop tard et le petit peuple continue à souffrir. Ils ont le droit de mener une vie décente, eux aussi. On ne peut pas enlever le sacrifice de toute une vie de cette façon. »
Radhakrishna Sadien (SOEF) :
« Le mécontentement des travailleurs est justifié »
« Il est vrai que le pays fait face à un problème de vieillissement de la population et qu’il fallait prendre une décision pour résoudre ce problème. J’ai toujours dit qu’il faut des consultations avec les différents Stakeholders pour régler le problème. Maintenant, la grogne générale vient des travailleurs qui doivent maintenant avoir l’âge de 65 ans pour toucher leur Basic Retirement Pension. J’apprends que ceux qui ont atteint 60 ans cette année devaient toucher leur BRP à l’âge de 61 ans. Maintenant, ils vont devoir attendre quatre ans encore. Une telle situation remet en question tous leurs projets d’avenir. Leur mécontentement est totalement justifié. »
Clency Bibi (GWF) :
« Douche froide pour la classe laborieuse »
« Le budget, à part deux ou trois mesures intéressantes, comme la baisse de la TVA et la taxe sur les hauts salaires, est venu comme une douche froide pour la population dans son ensemble, et spécialement pour la classe des travailleurs. Il n’a jamais été question durant la campagne électorale ou dans le manifeste électoral de l’Alliance du Changement de porter la BRP à 65 ans ; au contraire, il était question d’augmenter la pension. On n’est non seulement pas d’accord, mais choqué que cela se soit fait dans le dos de la population, sans consultation.
La GWF tient aussi à faire ressortir qu’avec la cherté de la vie, le prix exorbitant des médicaments, la BRP est un plus pour nombre de personnes. Que les membres de l’Assemblée législative assument leurs responsabilités ! L’appauvrissement de la population et surtout des plus vulnérables va certainement s’accentuer. La GWF poursuit son analyse. Nous recevons actuellement beaucoup de plaintes. Un mécontentement est dans l’air. »
Reeaz Chuttoo (CTSP) :
« Zot pe detrip ti-dimounn »
« Il a fallu qu’Ashok Subron devienne le ministre de la Sécurité sociale pour que la pension de vieillesse passe à 65 ans. C’est un combat du Parti travailliste qui date de 2013 et 2014 alors qu’Étienne Sinatambou assurait le rôle de ministre de la Sécurité sociale. Depuis cette époque, sous le diktat du FMI et de la Banque mondiale, on tente de faire cette réforme.
« Je siégeais à l’époque au sein du Pension and Reform Committee avec le défunt syndicaliste Rashid Imrith. Nous avons objecté à cette réforme, et l’argument que nous avons utilisé est le suivant : il n’y a pas que les gens qui travaillent qui bénéficient de la BRP, mais également ceux qui ne travaillent pas. À l’époque, 60% des femmes ne travaillaient pas. Il y a des secteurs comme la construction et l’agriculture et le transport où l’âge de la retraite a été fixé à 55 ans. Comme un enfant arrive au monde, il commence à payer la TVA à travers le couffin pour bébé. Il a contribué, et maintenant, à l’âge de 60 ans, on dit qu’il n’aura droit à rien. Quelle est la différence donc entre ce système et un Ponzi Scheme ?
« Le gouvernement dit que les caisses sont vides, car tout le monde sait que tout vient du Consolidated Fund qui a connu une croissance soutenue en raison de la hausse des prix. Sous quel prétexte le gouvernement vient de dégrader maintenant le Social Benefit pour attirer les investisseurs ? La Corporate Tax est la plus basse dans le monde. Zot pe detrip ti-dimounn pou atir kapitalis. Cette situation avec Ashok Subron comme ministre de la Sécurité sociale est incestueuse. Voilà pourquoi, maintenant, les jeunes vont quitter le pays pour faire carrière à l’étranger.
Dewan Quedou (MTUC) :
« Bonne décision, bien qu’impopulaire »
Le gouvernement a pris une décision audacieuse de faire passer l’âge de la retraite de 60 à 65 ans. Cela a été possible parce que l’Alliance du Changement a été élue à une large majorité, ce qui les met en position d’adopter des mesures impopulaires sans crainte ni contrecoup. La population doit comprendre que notre espérance de vie moyenne a atteint 75 ans. Notre système de soins de santé est parmi les meilleurs d’Afrique et nous disposons également des équipements technologiques les plus récents à des fins médicales.
« D’autre part, le taux de fécondité est à la baisse et nous sommes arrivés à un point où nous sommes obligés d’importer de la main-d’œuvre étrangère pour effectuer certains types d’emploi qui ne sont pas acceptés par nos travailleurs locaux. Cette grave pénurie de main-d’œuvre a également influé sur la décision du gouvernement. Le relèvement de l’âge de la retraite à 65 ans se traduira par un nombre accru d’années de service, ce qui augmentera le montant forfaitaire et les prestations de retraite contributives du travailleur.
« Cependant, tous les syndicalistes ne seront pas d’accord avec cette position. Ceux qui s’opposent à cette décision soutiennent que nos personnes âgées doivent quitter leur place pour le recrutement de jeunes et d’autres nouveaux arrivants sur le marché du travail. Un travailleur qui atteint l’âge de 60 ans continue de toucher son salaire mensuel en plus de sa pension de retraite de base. Par-dessus tout, même s’il reçoit une indemnité en voyageant gratuitement par autobus, il continue de recevoir une indemnité d’autobus pour se rendre à son lieu de travail, ce qui est irrationnel et exagéré pour un gouvernement responsable. Le gouvernement a pris la bonne décision, bien qu’impopulaire, pour redresser la situation. »
Muhammad Adeel Moniaruch (FDLU) :
« Le risque de bloquer l’accès à l’emploi des jeunes »
« Nous exprimons catégoriquement nos profondes préoccupations et nos fortes réserves sur cette décision, que nous considérons régressive, insensible socialement et économiquement injuste pour la population active de Maurice. L’allongement de l’âge de la retraite risque de bloquer l’accès à l’emploi des jeunes générations qui sont déjà confrontées à des niveaux élevés de chômage et de sous-emploi.
Au lieu de créer des opportunités pour de nouveaux talents sur le marché du travail, cette politique va creuser les inégalités intergénérationnelles et limiter la mobilité ascendante de nos jeunes. La décision a été annoncée unilatéralement, sans consultation véritable avec les syndicats ou les représentants des travailleurs. Cela va à l’encontre de l’esprit de dialogue tripartite et de partenariat social qui devrait sous-tendre les grandes réformes du travail. Nous exhortons le gouvernement à rouvrir les discussions et à collaborer de façon constructive avec tous les intervenants. »
Shamin A. Sookia (Perigeum Capital) : « Un changement de paradigme »
« Dans un contexte mondial incertain et face à des indicateurs économiques locaux dans le rouge, le budget 2025/2026 opte pour des mesures audacieuses axées sur trois piliers : le renouveau économique, un nouvel ordre social et la consolidation fiscale. L’accent est mis sur la productivité, l’investissement, l’intelligence artificielle, l’autonomisation des femmes, et la lutte contre la pénurie de compétences par un système accéléré de permis de travail. Des réformes structurelles touchent aussi le tourisme, l’agriculture durable, les retraites et la stabilité des prix. Ce budget marque un changement de paradigme en faveur d’une croissance portée par l’investissement et une vision à long terme. »
Kesaven Moothoosamy (Intercontinental Trust Ltd) :
« Le pays amorce une transformation ambitieuse »
« Dans un contexte économique difficile, le gouvernement Ramgoolam a présenté un budget de redressement marqué par des choix forts. Profitant du début de son mandat, celui-ci a pris des mesures audacieuses, parfois impopulaires : contribution équitable de hauts revenus, taxation renforcée des grandes entreprises et des banques, fiscalité accrue sur les investissements immobiliers étrangers, et relèvement progressif de l’âge d’éligibilité à la pension de base à 65 ans. Les fonds du Chagos alimenteront un ‘Fonds du Futur’ dès 2028. Le secteur financier, moteur historique de la croissance, se projette vers la gestion privée avec l’introduction du ‘bullion banking’ et un cadre simplifié pour les Family Offices. Fidèle à sa tradition de résilience, Maurice amorce une transformation ambitieuse et structurelle de son modèle économique. »
Fazeel Soyfoo (Andersen Mauritius) :
« Sans toucher à la TVA,
le GM élargit l’assiette fiscale »
« Le budget 2025/26 marque une volonté de redressement budgétaire et de transformation prudente dans un contexte économique tendu. Avec une dette publique à 90 % du PIB et un déficit croissant, le budget repose sur un objectif central : restaurer la confiance macroéconomique. Sur le plan fiscal, l’engagement de ramener la dette publique à 75 % du PIB durant le mandat, puis à 60 % à plus long terme, est ambitieux. Sans toucher à la TVA, le gouvernement élargit l’assiette fiscale et cible les hauts revenus. Cette stratégie, bien que marquée par une pression fiscale forte, vise à assainir les finances et préparer un retour à la croissance. L’enjeu principal est désormais de restaurer la confiance macroéconomique, afin que les futurs budgets puissent s’éloigner de l’austérité pour ouvrir la voie à de nouvelles opportunités. »