Percy Kamanah
Le nouveau Premier ministre et ministre des Finances vient de dévoiler son budget. Parmi les mesures qui agitent déjà les réseaux sociaux et, sans doute, les repas familiaux, une retient particulièrement l’attention : le passage progressif de l’âge de la retraite de 60 à 65 ans. Tollé général, cris d’orfraie, indignation sur commande. Pourtant, cette décision mérite mieux qu’un rejet épidermique.
Car enfin, regardons les choses en face. Maurice vieillit. Nos cheveux grisonnent, nos enfants partent étudier à l’étranger, et notre pyramide démographique ressemble de plus en plus à un champignon. Pendant ce temps, qui finance les retraites ? Une poignée de (jeunes) travailleurs actifs qui peinent à porter sur leurs épaules un nombre croissant de pensionnés. L’arithmétique est cruelle, mais elle est têtue.
Le gouvernement précédent avait choisi la facilité : augmentations salariales à tour de bras, allocations généreuses, promesses démagogiques. Résultat ? L’inflation a tout emporté sur son passage, vidant de leur substance ces hausses illusoires. Le pouvoir d’achat s’est évaporé comme la rosée au soleil. Nous avons vécu au-dessus de nos moyens en nous berçant d’illusions. Cette fois, c’est différent. Cette réforme ose dire ce que personne ne voulait entendre : la richesse ne se décrète pas, elle se produit. Et pour la produire, il faut des bras, des cerveaux, des gens qui travaillent. Pas seulement des gens qui travaillent plus – cette rengaine libérale a montré ses limites – mais plus de gens qui travaillent, tout simplement. Garder nos quinquagénaires et nos sexagénaires dans la vie active, c’est mobiliser leur expérience, leurs compétences, leur sagesse professionnelle. C’est aussi soulager la pression qui pèse sur les plus jeunes, contraints aujourd’hui de financer un système à bout de souffle. C’est enfin redonner du sens à cette solidarité intergénérationnelle qui fait la force de Maurice.
Certes, cette mesure heurte nos habitudes. Elle bouscule des projets de vie, retarde des rêves de repos mérité. Mais elle offre aussi une chance : celle de construire un système pérenne, qui ne s’effondrera pas demain sous le poids de ses contradictions. Elle nous oblige à repenser notre rapport au travail, à l’âge, à la solidarité collective. Le nouveau gouvernement, fort de sa légitimité écrasante, avait le choix entre la popularité immédiate et la responsabilité historique. Il a choisi. À nous, citoyens, de comprendre que cette réforme n’est pas un abandon des plus vulnérables, mais leur meilleure protection. Car quel avenir offrons-nous à nos retraités si le système s’écroule ? Maurice a toujours su conjuguer pragmatisme et solidarité. Cette réforme s’inscrit dans cette tradition. Elle demande des efforts, certes. Mais elle promet aussi un avenir où la retraite ne sera plus une épée de Damoclès suspendue au-dessus de nos têtes, mais un droit garanti et financé durablement.
Le débat ne fait que commencer. Sachons le mener avec la hauteur de vue que mérite un tel enjeu.