Contextuellement correct !

Ils avaient prévenu que le budget serait « difficile ». La population s’attendait ainsi au pire mais, à part le report de l’âge de l’éligibilité à la pension universelle de 60 ans à 65 ans, qui mécontente une partie de nos compatriotes, le premier budget du gouvernement du changement n’est finalement pas le rouleau compresseur qui écrase tout sur son passage.
Oui, Navin Ramgoolam a fait preuve d’une bonne dose de courage en décidant, en sa double qualité de Premier ministre et de ministre des Finances, de toucher à un tabou, celui du paiement du BRP (Basic Retirement Pension) à partir de l’âge de 65 ans. C’est d’autant plus louable de sa part qu’il était le Premier ministre qui, en 2008, avait décidé de repousser l’âge de la retraite de la vie active de 60 ans à 65 ans.

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Estimant que son ministre des Finances d’alors Rama Sithanen avait été trop économe en explications et plutôt avare de précisions, c’est lui qui, durant un rassemblement public, avait annoncé que le paiement de la pension universelle serait maintenu à 60 ans, même si l’âge officiel de la retraite avait été repoussé à 65 ans.

Il corrige aujourd’hui une incohérence et une contradiction qui ont pesé lourd dans la viabilité de notre système de pension et que Pravind Jugnauth, traumatisé par son expérience de ciblage de 2005, avait transformé en machine infernale à utiliser pour se procurer des votes. C’était le Ramgoolam ancien et il avait certainement, en 2008, un oeil sur la prochaine échéance prévue pour deux ans après, en 2010.

Aucun pays n’est statique lorsqu’il s’agit de son système de pension. Le Danemark a voté, le 22 mai dernier, une loi qui fixe l’âge de la retraite à 70 ans au lieu de 67 ans à partir de 2040. La plupart des pays d’Europe et du reste du monde relèvent les uns après les autres l’âge de la fin du cycle professionnel. Les raisons qui tendent vers cet allongement du temps de travail sont connues, vieillissement de la population, donc pensions supplémentaires à payer et insolvabilité du fonds à terme.

Même les pays à forte démographie modifient régulièrement l’âge légal de la retraite professionnelle. C’est dire que Maurice ne fait pas exception. La situation budgétaire et financière du pays exigeait un ajustement. Il n’était plus question de choix, mais de nécessité étant donné le poids du BRP sur le budget national.

La décision logique prise, place désormais au débat. Parce qu’il faut en discuter. Dans certains pays, il y a un traitement différencié entre l’âge de la retraite d’une femme et celui d’un homme, entre ceux qui exercent un métier pénible et ceux qui sont des employés cols blancs. S’il y a des possibilités d’aménagement, pourquoi pas ? Il faut garder un esprit ouvert, que ce soit de la part du gouvernement que de l’opposition ou des syndicats.
Les débats parlementaires démarrent le mardi 17 juin, après le retour au pays du Premier ministre. On ne peut que souhaiter qu’ils soient à la hauteur des enjeux et que les intervenants fassent de la pédagogie au lieu de se faire les échos des âneries que l’on peut entendre et lire ici et là sur la toile.

Que ceux qui ont créé la CSG et qui ont dilapidé les Rs 44 milliards de cette taxe imposée aux salariés du privé ne viennent pas se poser en donneurs de leçon. Ils doivent balayer devant leurs portes et venir expliquer pourquoi ils ont voulu cultiver l’assistanat et le parasitisme plutôt que responsabiliser, inculquer le goût du travail, justement rémunéré, et donner à ceux qui en ont vraiment besoin. Ceux qui critiquent devraient venir dire comment, eux, ils auraient assuré la pérennité financière de la pension pour tous à 60 ans.
Si le budget 2025-26 est contextuellement correct et qu’il ne pouvait pas en être autrement avec une dette à 90% du produit intérieur brut et des déficits colossaux à tous les étages, on pense que le gouvernement aurait pu mieux faire au niveau de son propre train de vie.

Personne ne demande aux ministres de toucher un salaire inférieur à ceux des fonctionnaires et certaines autres catégories de professionnels du public, mais annoncer le gel des prestations pour les prochains trois ans aurait été bienvenu.
Une confusion a laissé apparaître que de nouveaux privilèges avaient été accordés aux Junior Ministers. Or, lorsque les postes de PPS ont été abolis au profit des responsables des collectivités locales, ces ministres délégués n’avaient pas « hérité » de l’intégralité de leurs prestations, d’où la correction. Auraient-ils pu s’en passer ? Peut-être, mais pas de quoi en faire tout un plat.

Là où il y avait moyen de diriger par l’exemple, c’est dans la limite du nombre de conseillers. Parce que si certains peuvent justifier leur nomination, d’autres continuent de croire qu’ils peuvent se taper l’argent des contribuables tout en fonctionnant comme de vulgaires agents politiques.

Puisqu’il a été question du bal des cylindrées dans le budget et qu’il y a eu des mesures pour freiner l’expansion du parc, décongestionner les routes et, ainsi tenter de ramener le nombre de morts, pourquoi ne pas avoir touché au privilège de véhicules hors-taxe qui n’en finit pas de s’étendre, les derniers nouveaux bénéficiaires de Pravind Jugnauth étant les religieux.

Cette facilité étant considérée comme un droit acquis, rien n’empêche qu’il soit aménagé. Le contrôle technique d’un véhicule est obligatoire à partir de sept ans suivant leur premier enregistrement. Pourquoi accorder à des bénéficiaires la possibilité de changer de voitures sans s’acquitter de la taxe tous les quatre ans ?

Et on s’étonne que le parc ne cesse de croître et que la construction coûteuse de nouvelles routes, de bretelles et d’autoponts n’arrive pas à bout d’une congestion toujours plus importante ! À un moment où même l’électrique est taxé comme le thermique, il n’y a aucune logique que le régime hors-taxe reste, lui, statique. Dans le prochain budget peut-être…
Le parlement indique sur son site internet que 81 députés ont voté pour et 21 contre.

Josie Lebrasse

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