Caution de Rs 400 000 et Bond de Rs 3 M à Rajiv Servansingh, qui aurait utilisé sa position pour favoriser MMG de Kareena Neisius
Rajendra (Rajiv) Tagore Servansingh (71 ans), ancien directeur général de la State Trading Corporation (STC), a enfin été arrêté hier matin par la Financial Crimes Commission (FCC). Il est provisoirement inculpé sous la Prevention of Corruption Act pour avoir, selon l’accusation, utilisé sa position pour favoriser une entreprise tierce, le groupe Mercantile & Maritime Group (MMG), dans l’attribution d’un contrat colossal portant sur l’importation de carburants (White Oil). Ce contrat, d’un montant équivalant à USD 691 426 680.75, soit environ Rs 30 milliards, a permis à MMG de fournir du carburant au marché mauricien entre le 1er août 2023 et le 31 juillet 2024. Après l’étape de Rajiv Servansingh, d’autres arrestations High Profile sont à prévoir dans la mesure où jeudi, un ex-Top Gun du ministère du Commerce a passé la journée au QG de la Financial Crimes Commission à procéder à un déballement des dessous de ce scandale à coups de milliards.
Rajiv Servansingh, qui a quitté ses fonctions de DG de la STC en 2024, a été présenté devant le tribunal de Rose-Hill pour répondre de l’accusation provisoire de « Public official using his office for gratification for another person » en vertu de la section 7(1) et 83 de la PoCA. La Cour lui a accordé la liberté conditionnelle contre une caution de Rs 400 000 et une reconnaissance de dette de Rs 3 millions. Il lui est formellement interdit de quitter le territoire sans autorisation.
L’accusation principale porte sur l’utilisation indue de sa fonction publique à des fins d’enrichissement ou de privilèges pour autrui dont à Murtuza Ali Lakhani, directeur de MMG. Les enquêteurs soupçonnent que Rajiv Servansingh aurait, dès juin 2023, entamé des discussions avec Kareena Beekun-Neisius, directrice de MMG à Maurice, bien avant l’octroi formel du contrat. Des échanges téléphoniques et électroniques entre les deux ont été versés dans le dossier à charge.
L’ancien dirigeant de la STC nie catégoriquement les faits. Interrogé Under Warning depuis plusieurs semaines, il a expliqué que la décision d’attribution du contrat à MMG relevait d’un comité technique, et non d’une décision unilatérale de sa part. Il reconnaît avoir discuté avec MMG en tant que partie prenante dans le cadre des appels d’offres, mais réfute toute proximité personnelle avec Kareena Beekun-Neisius ou encore avec Murtaza Ali Lakhani, le PDG pakistano-canadien du groupe MMG.
Il a par ailleurs affirmé ne pas avoir été impliqué dans les décisions financières relatives au mode de paiement, bien que la STC dispose d’un compte bancaire en devises. Selon lui, ce compte n’a pas été utilisé pour cette transaction précise, un élément qui intrigue encore davantage les limiers de la Financial Crimes Commission.
Au-delà des soupçons de favoritisme, le montage financier entourant le contrat est de nature des plus suspectes. Bien que MMG ait accepté d’être rémunérée en roupies mauriciennes, les sommes transférées ont rapidement été converties en devises étrangères via une banque commerciale locale. D’après des informations obtenues par les enquêteurs, une partie importante des USD 691 millions aurait ensuite été transférée vers un compte à l’étranger opéré par Murtaza Ali Lakhani. Ce schéma est vu comme une possible opération de blanchiment d’argent, un volet pour lequel Kareena Beekun-Neisius a également été arrêtée puis inculpée il y a quelques semaines sous la Financial Intelligence and Anti-Money Laundering Act (FIAMLA). Elle rejette ces accusations. Alors que son avocat, Me Yahia Nazroo, a logé une motion pour réclamer la radiation de la charge provisoire. Les débats sont en cours.
Par ailleurs, la FCC n’a pas encore établi si la Bank of Mauritius aurait, volontairement ou non facilité cette transaction. Mais les regards se tournent désormais vers les mécanismes de contrôle qui ont permis une opération d’une telle ampleur sans déclencher d’alerte.
Ce contrat, en plus de ses implications judiciaires, pose aussi des questions sur l’impact économique direct pour la population. En août 2023, la STC avait justifié le recours à un courtier unique en raison de la montée des prix internationaux du pétrole brut avec le baril flirtant alors avec les USD 90. Elle avait aussi mis en avant le fait que MMG acceptait d’être payé en roupies, ce qui aurait pu soulager la pression sur les finances publiques.
Pourtant, malgré ces assurances, les prix à la pompe n’ont connu quasiment aucune baisse pendant plusieurs mois. La FCC suspecte qu’un jeu de taux de change aurait été utilisé pour gonfler artificiellement les prix, ce qui aurait pénalisé directement les consommateurs tout en permettant au fournisseur de maximiser ses profits.
L’enquête est loin d’être terminée, et pourrait encore dévoiler d’autres ramifications avec une éventuelle connexion avec Depi Lao. Entre-temps, la FCC n’a pas été en mesure d’interroger Murtaza Ali Lakhani qui ne vit pas à Maurice. Néanmoins, l’autre volet de l’enquête pourrait se tourner vers le paiement et les échanges en devises dont a bénéficié MMG.