L’âge d’éligibilité à la retraite comme enjeu politique



En attendant la reprise des travaux parlementaires ce mardi 17 juin avec en toile de fond les premiers commentaires de Moody’s sur le budget 2025-26, les débats sur l’âge d’éligibilité à la pension de retraite de base ont dominé les discussions politiques durant toute la semaine écoulée. Comme on pouvait s’y attendre, la principale opposition extraparlementaire, le MSM, en a fait ses choux gras et dénoncé avec force « un budget de trahison ». D’autres partis de l’opposition, dont le Rassemblement mauricien, estiment que le recul de l’âge de la pension crée une insécurité psychologique chez ceux qui, toute leur vie, ont bâti des projets sur cette échéance. Les syndicats ont ajouté leur grain de sel pour s’insurger contre l’annonce budgétaire concernant la pension et déplorent que, contrairement aux petits travailleurs qui doivent attendre l’âge de 60 ans pour obtenir leur dû, les parlementaires aient droit à une pension après un mandat de dix ans. Une manifestation est même annoncée dans la journée de samedi.
Cette levée de boucliers n’a pas manqué de mettre certains parlementaires de l’opposition mal à l’aise. Kushal Lobine propose ainsi une forme de ciblage, alors qu’Eshan Juman, qui vient de rentrer au pays, propose la création d’un comité indépendant pour étudier les différentes options concernant l’âge du paiement de la pension de retraite. On a également entendu parler de manque de reconnaissance après une victoire de 60-0.
La pension de vieillesse, en particulier son montant mensuel, a été utilisée durant les deux ou trois dernières élections générales comme un outil de propagande majeur pour gagner les faveurs des personnes du troisième âge qui constituent une force de frappe non négligeable lors des élections. Ce qui explique qu’aucun gouvernement jusqu’ici n’a osé toucher au système de pension, même s’il savait pertinemment bien que le système actuel est insoutenable à long terme et n’est pas financièrement viable face au vieillissement rapide de la population.
La proportion de personnes âgées de 65 ans et plus est en forte augmentation (de 13% aujourd’hui à plus de 25% d’ici 2050, selon Statistics Mauritius). Le ratio de dépendance des personnes âgées grimpe rapidement. Le Fonds monétaire international a alerté Maurice à plusieurs reprises sur la nécessité de réformer son système de pension pour éviter une explosion des dépenses publiques liées aux pensions qui pourraient représenter plus de 11% du PIB mauricien d’ici à 2050 si rien n’est fait.
Le gouvernement se trouve face à un dilemme : préserver la viabilité financière de son système de retraite face à une démographie vieillissante ou préserver le système actuel avec ses faiblesses. Il est peu probable que le gouvernement fasse un virage à 180 degrés. On devrait s’attendre plutôt à des mesures d’accompagnement qui seraient introduites pour les travailleurs les plus vulnérables dont la pénibilité rend difficile une prolongation de la vie active au-delà de 60 ans, ou pour les femmes qui souhaitent prendre leur retraite à 60 ans.
Les regards seront tournés à partir de mardi sur les parlementaires, en particulier vers les backbenchers de la majorité. Tout en défendant la politique gouvernementale depuis son arrivée au pouvoir et son mérite d’avoir proposé la sortie d’une stratégie économique reposant sur la consommation à outrance pour se tourner vers la productivité et l’investissement, ils devraient inévitablement s’exprimer sur l’âge d’éligibilité à la pension de retraite. Il faudrait également savoir à partir de quel âge le transport public sera gratuit et à partir de quand ceux ayant atteint l’âge de 60 ans auront droit aux molletons et à d’autres avantages. La création d’une instance pour se pencher sur la question des pensions devrait déboucher sur un système de retraite à géométrie variable.
Par ailleurs, des opérateurs du secteur privé manifestent actuellement leurs appréhensions concernant l’effet négatif des taxes sur l’immobilier sur les clients étrangers. Les concessionnaires de voitures se demandent, quant à eux, ce qu’ils feront du surplus de véhicules invendus qu’ils auront sur les bras après l’annulation des commandes de nombreux clients.

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Jean Marc Poché

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