Entre-temps, la réforme de la Basic Retureent Pension permetra de réaliser des économies de Rs 3 milliards par an en 2026 et 2027
La firme d’actuaires Aon Solutions livre une analyse pointue de la réforme de la Basic Retirement Pension (BRP), comme amorcée par le gouvernement, dans son dernier News Alert sur le budget 2025/26, mettant en lumière la nécessité d’un changement immédiat pour éviter une impasse budgétaire aux lourdes conséquences au regard de l’économie dans les prochaines années.
Face au phénomène du vieillissement rapide de la population, à la baisse continue de la natalité et à la pression croissante sur les finances publiques, l’équipe d’actuaires d’Aon Solutions estime que le relèvement progressif de l’âge d’éligibilité à la BRP à 65 ans d’ici à 2035 n’est pas seulement une option, mais une urgence vitale pour la soutenabilité du système : « This bold and long-awaited decision is a vital step towards ensuring the long-term sustainability of the BRP. »
La réforme prévoit une hausse d’un an tous les deux ans à compter de janvier 2026, touchant les personnes nées en 1966 ou après. Ainsi, ceux nés en 1970 ne recevront leur première pension qu’à partir de 65 ans, soit en 2035. « In practice, this means that BRP eligibility age will increase gradually by 1 year every 2 years over the period from 2026 to 2035, so that everyone will have BRP paid to them from age 65 from 2035 », indique le rapport.
Significant savings
Aon Solutions précise que cette réforme permettra à l’État de réaliser une économie de Rs 90 milliards d’ici à 2035, à travers des gains progressifs : Rs 3 milliards par an entre 2026 et 2027, puis Rs 6 milliards, Rs 9 milliards, Rs 12 milliards et enfin Rs 15 milliards à partir de 2034. «The significant savings (of Rs15 billion) start to kick in from 2034 when the BRP entitlement age is delayed by 5 years. It is important to note that these savings continue beyond 2035. »
Entre-temps, la situation est déjà intenable financièrement, selon les calculs des actuaires d’Aon Solutions. Un retraité percevant Rs 15 000 par mois coûte à l’État environ Rs 3,9 millions sur 20 ans, si l’on tient compte qu’il vit jusqu’à 80 ans. Pour l’année 2025-26, Rs 90 milliards, soit 34 % du budget national, sont consacrées à la protection sociale un chiffre déjà astronomique, selon Aon, qui dépasse de quatre fois le budget de l’éducation, cinq fois celui de la santé, et neuf fois la première tranche de compensation obtenue dans le cadre du deal sur les Chagos.
Entre distorsion et dérive
Depuis 2020, le montant mensuel de la BRP a augmenté en moyenne de 11 % par an, contre une inflation annuelle moyenne de 6 %. Le montant est passé de Rs 13 500 à Rs 15 000 pour les 60-64 ans. Aon Solutions tire la sonnette d’alarme : « A monthly pension of Rs 15 000 might seem small today, but it’s a guaranteed payment the government must continue every single month, possibly for 20 to 30 years or more. » Et de préciser : « If someone retires at 60 and lives to 80. That is 20 years of payments. Rs15 000 x 13 months x 20 years = Rs 3 900 000. So even though it is just Rs15k per month, the total liability is nearly Rs 4 million per retiree ! »
Pire, les actuaires ont calculé qu’avec environ 277 000 retraités de plus de 60 ans, « this roughly leads to a total estimated pensioner liability of around Rs 800 bn on the Mauritian state. This is slightly more that the estimated GDP of Rs 770bn as per the budget and not counted in the official debt ratio of 90% of GDP by current convention. Given the extent of this situation which would have become unbearable over time, it was clear that the Government had no alternative than to act. »
Outre le relèvement de l’âge d’éligibilité au BRP, Aon Solutions plaide pour une réforme systémique et transparente, reposant sur plusieurs leviers : indexation des pensions sur l’inflation plutôt que sur les salaires, et la nécessité d’assurer que « resources remain available for future generations who will retire in the decades to come », contrairement à la CSG.
La firme met l’accent sur l’importance de la sensibilisation de la population sur le rôle de la BRP comme filet de sécurité, et non comme revenu de remplacement intégral. « It is important to educate the population that the BRP is simply a safety net meant to prevent someone from falling into poverty in retirement. » Aon Solutions recommande également une gouvernance indépendante et dépolitisée, par une commission d’experts ou un Government Actuary Department “to build broad support and reduce the risk of reversal by future governments… »
Bref, le message est : la réforme est impopulaire, mais inévitable. Aon Solutions appelle à un dialogue national pour forger un consensus autour des mesures à adopter, « ensuring the pension system remains sustainable is a shared responsibility.» Dans la conjoncture, la réforme de la pension est donc un test de maturité politique pour le gouvernement en place, mais aussi un impératif de justice intergénérationnelle. Les jeunes actifs ne peuvent pas continuer à porter le poids d’un système qui promet à tous une pension élevée dès 60 ans, sans contribution préalable. «If a pension system is not robust, then either the pension will fail to keep up with inflation or taxes/social charges will increase. »
Scénario catastrophe…
Le pays est aujourd’hui confronté à une population en déclin rapide et de plus en plus vieillissante. D’après les dernières projections de Statistics Mauritius, la population actuelle – estimée à 1,2 million en 2023 – devrait chuter à environ 920 000 d’ici aux quarante prochaines années.
Cette évolution démographique pose un défi majeur à la structure socio-économique du pays, en particulier au niveau du ratio de dépendance des personnes âgées. En 2023, on comptait environ deux personnes en emploi actif pour soutenir un retraité âgé de plus de 60 ans. Mais si l’âge légal de la retraite reste fixé à 60 ans, la situation pourrait devenir critique : à l’horizon 2063, ce ratio tomberait à un actif pour un retraité.
Ce déséquilibre grandissant entre actifs et inactifs menace la viabilité du système de retraite, notamment la pension universelle, et soulève de sérieuses interrogations sur la soutenabilité financière à long terme. Les choix à venir en matière de politique publique – notamment sur l’âge de la retraite et les modalités de financement du système – seront déterminants pour l’avenir économique et social du pays.