Jacques Achille (PILS) : « Ce n’est plus le VIH qui tue mais le regard des autres ! »

Ce mardi 17 juin, PILS a rendu hommage à Malini Veeramalay, à ce jour seule Mauricienne à avoir déclaré publiquement vivre avec le virus du Sida. Jacques Achille, directeur des Communications Stratégiques de l’ONG, explique le pourquoi cette initiative et met les points sur les i en ce qu’il s’agit des conditions encore et toujours difficiles auxquelles les Personnes vivant avec le VIH (PVVIH) doivent faire face au quotidien.

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PILS organise un événement majeur en hommage à Malini. Pourquoi cet événement ? Qui est Malini ? Pourquoi l’avoir choisie ?

Malini Veeramalay est décédée le 17 juin 2005, après avoir été fortement stigmatisée et rejetée pour avoir témoigné publiquement qu’elle vivait avec le VIH. Elle avait fait ce geste pour se libérer d’un fardeau, mais aussi pour encourager et soutenir les autres personnes vivant avec le VIH.

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Malini était convaincue que son témoignage ferait avancer la lutte et provoquerait une prise de conscience nationale. Ce geste fort, digne et héroïque l’a mise sous le feu des projecteurs le 1er décembre 2004, lors d’un événement au Centre de Convention de Grand-Baie. Ce jour-là, elle avait parlé de sa séropositivité avec émotion et force. Le public avait été profondément touché.

Mais de retour chez elle, dans le Sud, elle a été chassée de sa maison. Des menaces ont été proférées contre elle, au point qu’elle a dû abandonner son domicile. Une chaîne de solidarité s’est organisée autour d’elle, avec le soutien de la AIDS Unit, de plusieurs ONG, et de particuliers. Elle a même reçu la visite de personnalités, comme Nane Annan, épouse de Kofi Annan, ancien Secrétaire-Général des Nations Unies, qui a effectué une visite officielle à Maurice, en janvier 2005.

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Malheureusement, le traumatisme vécu avait profondément affecté Malini: elle ne s’en est jamais remise. 20 ans plus tard, Malini reste un symbole de courage. Son histoire nous rappelle que la stigmatisation liée au VIH peut avoir des conséquences tragiques. Il est de notre devoir de lui rendre hommage et de garder vivants son combat et sa mémoire.

Vous avez connu personnellement et professionnellement, Malini Veeramalay. Parlez-nous d’elle.

Il y avait 20 ans, j’avais découvert en Malini une femme forte, gentille qui était déterminée à changer les choses pour un monde plus inclusif et tolérant. « Mo pe fer sa temwagnaz-la pou bondie. Pou ki dimounn pa pas par seki monn pase », avait-elle déclaré dans sa toute première interview que j’avais eue l’occasion de réaliser à l’époque. Mais personne ne s’attendait à ce déferlement de haine qui l’attendait !

C’est ce dont témoignent les différentes personnes que j’ai rencontrées dans le cadre de la réalisation du documentaire que nous lui dédierons. Réalisé avec le soutien du vidéographe Grégory Wong Woong Ming, ce projet donne la parole à plusieurs témoins de cette époque et contribue à rappeler qui était Malini et l’importance de son action dans cette lutte.

Quelles sont les activités que vous organisez pour ces 20 ans de sa disparition ?

Le mardi 17 juin à 16h nous avons tenu  un dépôt de gerbes au cimetière de Richelieu, où elle est enterrée. Ensuite, nous avons procédé  au lancement d’un documentaire hommage à Malini, qui a aussi été diffusé sur les réseaux sociaux.

Dans ce même cadre, nous rendrons aussi hommage à Yves Yomb (1977 – 15 juin 2020), activiste camerounais, militant infatigable des droits humains et acteur majeur de la lutte contre le VIH en Afrique francophone. Cofondateur d’Alternatives-Cameroun en 2006, il a créé des espaces de soin, de solidarité et de résistance dans un contexte très hostile.

Quels messages souhaitez-vous faire passer ?

Que ce n’est plus le VIH qui tue, mais le regard des autres. C’est aussi ce que montre le rapport People Living with HIV Stigma Index, publié récemment par PILS. Malgré les avancées, l’accès à l’information et les traitements, certaines mentalités restent fermées et rétrogrades. Le rejet, la stigmatisation, les jugements : ce sont des violences qui blessent, qui isolent, et qui tuent. Il y a 20 ans, c’est ce qu’a tué Malini. Malheureusement, aujourd’hui encore, il y a des gens qui en souffrent.

Quels sont les principaux obstacles pour les femmes vivant avec le VIH ? Leur condition est-elle différente de celle des hommes porteurs du virus ?

Les femmes vivant avec le VIH subissent une stigmatisation plus lourde. Elles sont souvent jugées, condamnées sans raison et de manière impitoyable. Sans même être écoutées ou comprises. Beaucoup souffrent en silence, ce qui affecte leur santé physique, mentale, et leurs droits. Cela les rend plus vulnérables, alors qu’elles assument souvent des responsabilités familiales importantes.

– Que faire pour permettre aux PVVIH de vivre librement ?
– Il faut être moins “kouyon” ! Il faut mettre l’humain au centre. Avoir de vraies considérations humaines. Donner aux personnes vivant avec le VIH de l’espace, du courage et des possibilités pour qu’elles n’aient plus à se cacher… au risque de mourir dans la souffrance et la solitude.

– Un dernier mot ?
– Maurice a un devoir envers Malini. Elle fait partie de notre histoire. Elle doit être reconnue pour son courage. Nous devons préserver sa mémoire et continuer le combat qu’elle a mené: celui de briser le silence pour ouvrir la voie vers plus de liberté et de dignité.

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