La lutte pour la sauvegarde de Roches Noires se poursuit. Bien que le projet de Roches Noires Smart City, porté par le groupe PR Capital (Mauritius) Ltd, ait été écarté faute d’avoir obtenu un permis EIA, les propriétaires du terrain — les banques BPCE et ABSA — ont remis le site en vente cette semaine. Une nouvelle qui est prise très au sérieux du côté des collectifs écocitoyens qui restent aux aguets, car le risque de la venue d’un autre acquéreur, inconscient de la fragilité du site, est bien réel.
Ils s’y attendaient un peu, et c’est pour cela que les collectifs citoyens restent mobilisés. Gada Schaub-Condrau de la plateforme Protégeons l’écosystème de Roches Noires (PERN) suit cette affaire de près. « Il était prévisible que les terrains soient à nouveau mis sur le marché. Je rappelle toutefois que cette zone est extrêmement vulnérable, un point également souligné par le ministère dans un communiqué récent. La plateforme PERN reste donc pleinement mobilisée. Nous espérons vivement que l’ensemble de la zone sera protégé sur le long terme », dit-elle.
Elle ajoute que « cette démarche s’inscrit par ailleurs dans la Protected Area Network Expansion Strategy (PANES) 2017-2026 du ministère de l’Agro-industrie et de la Sécurité alimentaire, qui soulignait l’urgence d’agir face au contexte climatique et à la vulnérabilité de Maurice — évoquant une véritable course contre la montre. La presqu’île de Roches Noires y est clairement identifiée comme une zone à protéger. »
C’est aussi dans le même sens qu’abonde Adi Teelock de l’ONG Platform Moris Lanvironnman (PML). « Ce que d’éventuels acquéreurs de ce terrain doivent comprendre c’est que les riverains, ONG, citoyens et scientifiques qui se sont opposés avec succès depuis plus de dix ans à tout projet immobilier ou autre qui ne respecte pas la nature fragile, vulnérable du site se retrouveront face à la même opposition. De surcroît, le ministère de l’Environnement a rejeté la demande de permis EIA pour le projet smart city de PR Capital en insistant sur la vulnérabilité du site », dit-elle.
Adi Teelock souligne que PML avait également dénoncé le rôle de l’Economic Development Board (EDB) dans sa fonction de facilitateur dans le cas de PR Capital. « L’Economic Development Board (EDB) avait fait preuve d’une légèreté irresponsable dans l’évaluation du terrain comme site approprié pour un développement immobilier. Qu’il ne se risque pas encore à un défaut de vigilance. » En outre, elle rappelle qu’en juillet 2023, quatre ONG — PML, Protégeons l’Écosystème de Roches Noires (PERN), Eco-Sud et MRU 2025 — avaient écrit au président du directoire de la BPCE (détenteur principal des actifs de ce site de 358 hectares), Nicolas Namias, pour lui rappeler les engagements du groupe bancaire français. « Nous écrivions, entre autres, qu’ “une forte opposition se dresse contre ce projet, car il causerait une destruction irréversible d’écosystèmes fragiles et mettrait en péril la préservation de notre patrimoine naturel, la biodiversité déjà grandement menacée sur l’île, l’action climat en termes d’atténuation et d’adaptation, et accentuerait les inégalités sociospatiales.” »
Les ONG ont aussi rappelé au groupe bancaire son engagement dans une démarche responsabilité sociale des entreprises (RSE), d’autant que le Groupe BPCE est signataire de nombreux standards internationaux dont les Principes Équateurs, l’UNEP FI, les Principes pour une Banque Responsable (PRB), et les Principes pour l’Investissement Responsable (PRI). À cet effet, « PML réitère aujourd’hui cet appel à responsabilité en enjoignant la direction de la BPCE à ne pas miser uniquement sur l’aspect financier de toute offre, mais de considérer favorablement toute proposition qui aurait le mérite de réellement prendre en compte les caractéristiques environnementales et écologiques de ce site d’une grande richesse naturelle et patrimoniale tout en promettant un développement économique et social inclusif. À défaut de quoi, le nouvel acquéreur se retrouvera lui aussi face à une très forte opposition. »
Pour Adi Teelock il est essentiel que « les propriétaires du site, soit les banques BPCE et ABSA, doivent également faire preuve de vigilance et démontrer qu’elles respectent leurs engagements en faveur de la biodiversité et du climat. Le projet immobilier de PR Capital menaçait de détruire la biodiversité du site et aurait accru la vulnérabilité de Maurice face aux impacts du changement climatique. Le cabinet Deloitte, responsable de la mise en vente du site, devrait également bien mesurer sa responsabilité. »
Gada Schaub-Condrau conclut pour sa part que « le Collectif pour Roches Noires, regroupant plusieurs grands groupes mauriciens, propose la création d’un vaste parc naturel. Une initiative inespérée pour notre île, qui répondrait aussi à un besoin environnemental de long terme. » Affaire à suivre.