Yogita Baboo n’est plus présidente de l’AMCCA, mais elle est loin d’avoir disparu. Lors des élections du comité exécutif tenues mardi, Vijaya Thathappa Reddy a été élue à la tête du syndicat. Elle sera entourée de Shaan Mihdi Din (vice-président), Didier Barbe (trésorier), Darren Pyndiah (secrétaire), et — après un retrait volontaire de deux membres élus — de Yogita Baboo, au poste d’assistante secrétaire.
Ce retournement de situation est tout sauf anodin. Sans le geste solidaire de Steve Antoine et Didier Duval, Yogita Baboo aurait été évincée du comité. Une manœuvre préparée en coulisses et soutenue par la hiérarchie d’Air Mauritius, bien décidée à en finir avec celle qui incarne encore la résistance syndicale.
Depuis plusieurs mois, les signes ne trompent pas. Sous la présidence de Kishore Beegoo, l’acharnement contre Yogita Baboo s’est intensifié. Sur une radio privée, il a déclaré sans détour que si elle avait perdu son emploi, « c’est qu’elle avait fait quelque chose de mal ». Des propos jugés inacceptables par de nombreux observateurs, mais restés sans réaction institutionnelle.
Pire, des intimidations ont été rapportées à bord de vols internationaux, notamment entre l’Inde et Maurice, où ce haut cadre de la compagnie l’aurait ciblée publiquement. Ces scènes, récurrentes, bafouent les règles élémentaires de neutralité managériale.
Mais la plus grande inquiétude vient désormais de l’intérieur même du syndicat. Comment continuer à défendre les droits des travailleurs quand un élu du nouveau board aurait botté en touche dans l’affaire des mignonnettes, préférant protéger un commandant mis en cause, neveu d’un haut placé à l’aéroport, plutôt que de défendre l’intérêt collectif ?
Que reste-t-il du sens du combat syndical quand on pactise avec le pouvoir pour éliminer l’une des siennes ?
Les soutiens d’hier à Yogita Baboo — syndicats, ONG, figures politiques — se sont tus ou ont tourné le dos. Certains, plus cyniques, ont activement tenté de l’écarter du comité. L’opportunisme a remplacé la solidarité. Et le syndicalisme de combat a cédé la place aux postures creuses.
Pourtant, elle tient bon et elle continue à incarner une voix libre — et c’est précisément ce qui dérange.
Elle ne dérange plus seulement une direction. Elle met à nu l’abandon progressif des principes qui fondent toute lutte syndicale digne de ce nom.
Aujourd’hui, si Yogita Baboo tient encore bon, mais à quel prix ? Si demain, elle décidait de consacrer toute son énergie à sa fille plutôt qu’à des hypocrites sans colonne vertébrale, personne ne pourrait lui en vouloir. Car elle aura tout donné. Pour ses collègues. Pour la justice. Pour un syndicalisme vrai.