Jyoti Jeetun : « The market is heavily concentrated in a handful of legacy names while too many of our SMEs and high-growth firms remain absent from the exchange »
Maurice s’apprête à émettre son first Sovereign Sustainable Bond dans un avenir pas trop lointain
L’introduction officielle de NewENLRogers sur le marché officiel de la Bourse marque un tournant stratégique pour le groupe issu de la fusion entre ENL et Rogers. Avec une capitalisation boursière de Rs 12 milliards, cette nouvelle entité – temporairement baptisée NewENLRogers – entend bien dépasser le simple rapprochement de deux conglomérats historiques. Cette étape pose les jalons d’une transformation en profondeur, portée par une volonté affirmée de conquête régionale et un rebranding, qui sera dévoilé la semaine prochaine.
« It is always very difficult to call this company NewENLRogers, because as you can imagine, this is not the name it will keep. » Gilbert Espitalier-Noël, Group Cghief Eexcutive Officer de NewENLRogers, a tenu à clarifier la situation dès le départ, lors d’une cérémonie marquant la cotation de la nouvelle entité. Ce nom transitoire est un passage obligé pour l’introduction en Bourse, mais le groupe s’apprête à tourner une page historique : « We obviously needed a name for the company to trade and for the company to exist for a short number of weeks, because I’m very happy to say that next week (…) We will unveil and share with you the new name that this group will carry », confirme-t-il.
200 ans d’histoire
ENL et Rogers sont deux poids lourds dans le paysage économique. « We have been active now since the very beginning, 200 years ago, » réitère Gilbert Espitalier-Noël. La famille Espitalier-Noël, devenue emblématique, n’est elle-même qu’un chapitre récent de cette histoire, comme il le souligne avec humour : « The Espitalier-Noel family is a very recent family, because it is our ancestor, four generations ago, who decided to change his name after marrying a beautiful Espitalier girl. »
Mais aujourd’hui, il ne s’agit plus seulement de valoriser cet héritage. La fusion entre ENL et Rogers a surtout permis de simplifier une structure jugée trop complexe par les investisseurs et les analystes. « The ENL group as it stood until a few days ago was a very complex structure. We have had a lot of cross-shareholdings, and I am sure many of you have found it very hard to understand the legal structure and the financial model behind all that. The new structure is much simplified, much easier to understand », poursuit-il.
Une ambition régionale assumée
La véritable rupture, cependant, réside dans l’ambition affichée par le groupe : devenir un acteur majeur de la région. Déjà implanté dans 13 juridictions, principalement en Afrique mais aussi en Inde, le groupe NewENLRogers entend poursuivre sa croissance au-delà des frontières mauriciennes. « Together we will pull together our synergies between the various entities of our group, and we also play a much bigger role regionally. We intend to expand in a prudent manner, because I think it comes with its risks, but it is important for us to grow regionally. »
Pour Gilbert Espitalier-Noël, cette expansion est une nécessité stratégique. « I think a company or a group like ENL or Rogers does need a strong, ambitious regional expansion, and we are working very, very strongly at it. We are not here only for the shareholders, we are obviously here for the country. »
NewENLRogers repose sur sept secteurs d’activité distincts : Agribusiness, Immobilier, Hôtellerie & Voyages, Logistique, Finance, Commerce & Industrie, Technologie & Énergie. Le groupe détient également des participations significatives dans des entreprises associées de poids : Eclosia Group, New Mauritius Hotels et Swan Group. L’ambition est claire : maintenir la croissance locale tout en accélérant la présence dans la région. « We see ourselves as a major player on the Mauritian landscape and a major contributor to the benefit of all Mauritians. And in spite of the fact that we will grow regionally, we will obviously continue to grow in Mauritius, and you can rest assured that the NewENLRogers will continue to play a very, very important role regionally », indique-t-il. Le rebranding de NewENLRogers viendra poser l’ultime pierre à cette transformation. Le changement de nom marquera symboliquement l’entrée dans une nouvelle ère pour ce conglomérat qui veut conjuguer histoire, responsabilité sociale et expansion régionale.
Dans le Top 10 de la Bourse
L’arrivée de NewENLRogers en Bourse est saluée comme un événement majeur par la Stock Exchange of Mauritius. Sunil Benimadhu, Chief Executive de la SEM, indique que Rogers et ENL font partie des pionniers du marché boursier mauricien. « Companies like Rogers and ENL Limited — via their predecessors like Savannah, Mon Desert Alma, etc. — were instrumental right from the start in the creation of the SEM. They were among the first companies to open up their share capital to the investing public and contributed significantly to the democratisation of share ownership in the country », se félicite-t-il.
Avec une capitalisation boursière de Rs 12 milliards, NewENLRogers figure désormais parmi les dix premières entreprises cotées, et devrait rejoindre rapidement le SEM-10 ainsi que le SEM Sustainability Index (SEMSI). Sunil Benimadhu en a profité pour lancer un appel à la ministre des Services financiers, Jyoti Jeetun: « It would be great if Mauritius could, in the very near future, issue its first Sovereign Sustainable Bond and list it on the SEM. This initiative will not only raise the international visibility of Mauritius as a sustainable island, but will also help elevate our IFC to the next level by diversifying its product offerings. »
De son côté, la ministre des Services financiers a salué la cotation de NewENLRogers tout en soulignant les défis du secteur. Pour elle, l’enjeu est d’éviter une surréglementation qui nuirait à l’attractivité de la place financière mauricienne. « The integrity of our financial system is critical and we are working very hard to maintain this integrity. However, business facilitation is critical for growth and economic development. Growth cannot be sacrificed at the altar of overregulation. We must strike the right balance – between compliance and innovation, between risk management and investor confidence », déclare-t-elle. Elle a aussi fait comprendre que le secteur financier représente près de 14 % du Pib, emploie 20 000 personnes directement et génère 68 % de l’impôt sur les sociétés.
(encadré)
L’heure du réveil a sonné…
Jyoti Jeetun secoue la SEM
• « Foundations alone do not build futures » lâche-t-elle
Son intervention a marqué les esprits. Jyoti Jeetun, ministre des Services financiers, a secoué le cocotier et livré une analyse sans concession de l’état de la Bourse de Maurice. S’adressant à la communauté financière, elle a souligné que si la plateforme boursière mauricienne jouit d’une solide réputation, cela ne suffit plus. « It has built a sound reputation for innovation, automation and good governance. But foundations alone do not build futures. We will need a renewed sense of purpose and a collective ambition to transform our capital markets into a meaningful engine of future economic growth », a-t-elle déclaré.
Créée en 1989, la Stock Exchange of Mauritius peine aujourd’hui à remplir pleinement son rôle de moteur économique. La ministre a pointé du doigt un marché trop concentré autour de quelques grandes entreprises historiques, tandis que les PME et les sociétés à forte croissance brillent par leur absence… « The market is heavily concentrated in a handful of legacy names while too many of our SMEs and high-growth firms remain absent from the exchange », a-t-elle déploré.
Le marché obligataire reste lui aussi peu dynamique. Selon Jyoti Jeetun, les émissions de titres sont rares et le marché secondaire est « largely inactive ». Elle estime que cette situation est paradoxale pour une économie qui se veut sophistiquée. « Our market, for all its institutional quality, is simply not where our economic sophistication suggests it could be », se demande-t-elle.
La ministre a également pointé du doigt le faible engagement des entrepreneurs mauriciens au niveau de la Bourse. Malgré une forte culture entrepreneuriale, peu d’entreprises utilisent le marché des capitaux pour financer leur expansion ou leur internationalisation. « We must ask ourselves why and more importantly what we can do about it », a-t-elle lancé.
Autre défi majeur : la participation des investisseurs individuels reste marginale. La réforme des retraites, annoncée dans le dernier budget, a ouvert un débat plus large sur la culture financière des Mauriciens, explique-t-elle, en ajoutant que « many Mauritians have not yet embraced a culture of long term financial planning. » Elle plaide pour une meilleure éducation financière, un accès facilité via le Mobile Trading, et la création de produits d’investissement adaptés aux classes moyennes. « We need more low-risk, long-horizon options for today’s savers », a-t-elle conclu, sollicitant les acteurs du marché à se mobiliser pour bâtir une bourse plus inclusive et surtout plus dynamique.