Ça chauffe pour la planète

… au propre comme au figuré d’ailleurs. À commencer par la Turquie et la Grèce, confrontées à de terribles incendies, attisés par la sécheresse et des vents violents. Mais aussi et surtout à une vague de chaleur infernale. 42 °C à Athènes, 45 °C dans l’ouest de la Grèce… 50,5 °C en Turquie ! Un record. Et ces deux pays ne sont pas les seuls à avoir été touchés. Et ce, tandis que, à l’autre bout de la planète, en Chine, les fortes précipitations transformaient les rues de la capitale en véritables flots rugissants. Emportant tout sur leur passage, voitures comme vies humaines. Et certains diront encore que cela n’a rien à voir avec le changement climatique. Sic !
Pourtant, c’est bien de cela qu’il s’agit. Et de rien d’autre. N’en déplaise à Trump et aux « superbes voitures américaines » que celui-ci compte bien écouler davantage sur le sol européen après la signature d’un récent accord commercial. Car dans le même temps, les experts du climat réitèrent leurs cris d’alerte. Et pour cause : le temps passe et personne, ou si peu, ne semble complètement prendre la mesure de la menace. Malgré les catastrophes, malgré la Grèce, malgré la Turquie. Malgré la courbe ascendante des températures, année après année. Faisant douter que le bon sens reprenne enfin ses droits dans un monde gangrené par l’appât du gain et du pouvoir.
Alors que la conférence des parties (COP30) sur le changement climatique pointe lentement le bout de son nez, les gouvernements, enfermés dans leur vision autarcique, feignent d’ignorer leurs propres engagements. Au mieux réfléchissent-ils déjà au joli discours qu’ils tiendront dans quelques mois, lorsque le monde aura les yeux rivés sur eux. Après tout, s’il y a bien quelque chose à retenir de la COP21, qui aura débouché sur l’Accord de Paris, c’est que l’on peut tout promettre puisqu’aucune convention, aucun serment et aucune parole ne revêtent d’aspect contraignant. Preuve en est encore que des près de 200 pays participant à ces grands-messes annuelles, seuls 25 d’entre eux ont soumis leurs plans d’action pour le climat, lesquels sont pourtant censés être présentés à la COP30.
De leur côté, les scientifiques montent à nouveau au créneau. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que le niveau d’alerte est encore monté d’un cran. Ainsi, il ne nous resterait plus que… trois petites années pour agir. Au cas contraire, nous ne pourrons plus éviter les pires impacts du changement climatique. C’est du moins ce qu’affirme un groupe de chercheurs dans une récente étude.
Pour eux, la chose est entendue : si les températures mondiales ont été encore très élevées l’an dernier, le plus inquiétant reste que celles-ci deviennent presque « normales ». En outre, les niveaux records des émissions de gaz à effet de serre (GES), alors que l’on s’était tous engagé à les réduire, ont entraîné une nouvelle augmentation des concentrations atmosphériques de dioxyde de carbone, de méthane et d’oxyde nitreux. Résultat : il en résulte une hausse des températures, laquelle réduit (très) rapidement le budget carbone restant, autrement dit la quantité de GES pouvant être émise dans un délai convenu. Du coup, et toujours selon ces climatologues, ce budget sera épuisé en moins de trois ans aux niveaux d’émissions actuels. Sympa, non ?
Malgré cela, il est fort à parier que ce rapport, bien que dressant un état des lieux affligeant du système climatique, finisse comme les autres au panier. L’humanité semble en effet avoir d’autres priorités immédiates. Entre les accords économiques passés entre nations, la précarité de certains budgets nationaux, la grogne populaire concernant des problèmes sociaux – et que l’on pense plus immédiats, et les multiples conflits qui secouent la planète, tous les regards se détournent de plus en plus du plus grand risque que la planète n’ait jamais connu depuis l’avènement du vivant. Attestant, ce faisant, de la fragilité de notre espèce, et de cette perception que nous avons de notre hégémonie et de notre intelligence.
53 ans après la publication du rapport Meadows sur les limites de la croissance et pas moins de 40 après les premières alertes sur les risques d’emballement climatique, le constat reste inchangé et le monde continue sa course frénétique vers le développement; un développement irréfléchi, irresponsable, et alimenté par l’instantané, une capitalisation de l’immédiat. Une vision court-termiste qui nous fait foncer tête baissée droit dans le mur. Dans tous les cas, que l’on finisse avec un simple mal de tête ou une fracture du crâne, le réveil risque d’être douloureux.

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Michel Jourdan

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