Arvin Bhojun (UPSEE): « Ce projet n’a pas été imposé et pour la première fois un projet venant des enseignants a été accepté par le ministère »
A compter de janvier de l’année prochaine, le conte devrait faire son entrée dans le Foundation Programme au niveau du secondaire. Le ministre de l’Education et des Ressources humaines, Mahend Gungapersad, a procédé au lancement du Story Telling Project 2025, au Mahatma Gandhi Institute (MGI), vendredi. Les enseignants ont eu également l’occasion d’assister à une Masterclass sur le conte. L’activité s’inscrit dans le cadre du festival de contes, Enn zour dan enn pei, qui a marqué la semaine. Une initiative des collectifs Enn zour dans enn pei à Maurice et Kozé conté de La-Réunion et de la Union of Private Secondary Education Employees (UPSEE).
Le ministre Gungapersad a salué cette initiative portée entre autres, par un syndicat, l’UPSEE, qui, en temps normal, lutte d’emblée pour les conditions salariales des employés. Pour lui, « UPSEE is an exemple of a union which has at heart the progress of education and how we revamp the curriculum as and when necessary », surtout à un moment où la technologie supplante les échanges intergénérationnels et le Storytelling au sein de la famille ou de la communauté. Soulignant qu’il serait intéressant d’avoir un festival de contes à Maurice à l’instar de ce qui se fait à la Réunion , il a souhaité une coopération plus poussée entre les deux pays , et que les contes puissent être au service d’une campagne de sensibilisation contre les fléaux, rongeant les institutions scolaires.
De son côté, la directrice adjointe de la Mauritius Institute of Education (MIE), Ankiah Gangadeen, a également salué l’engagement de l’UPSEE dans l’introduction de ce projet dans le Foundation Programme. « Our system does not always allow change. There are lots of pressure on everybody irrespective of where we sit »., dit-elle. Aussi lorsque le changement est proposé voire imposé, sa concrétisation se fait dans la difficulté. Or, quand il vient des enseignants comme c‘est le cas de celui-ci, ces derniers sont prêts à accueillir le changement.
Pour sa part, le président de l’UPSEE, Arvind Kumar Bhojun, relève que « le lancement officiel de ce projet dans le curriculum national représente un véritable tournant pour le système éducatif ». Il est d’avis que « plus qu’un outil pédagogique, son intégration dans le curriculum permet de préserver notre riche patrimoine oral et faisant revivre les contes mauriciens et les intégrer dans notre identité national. » Il précise que la particularité du projet est qu’il vient du terrain, soit des enseignants et des élèves. « Il n’a pas été imposé et pour la première fois un projet venant des enseignants a été accepté par le ministère de l’Education et des Ressources humaines », se félicite-t-il.
Arvind Bhojun annonce que l’UPSEE et le collectif Enn zour dan enn pei travaillent sur la deuxième phase du projet, en l’occurrence la formation des bibliothécaires et des assistants bibliothécaires à l’art du conte. Il sollicite également le soutien du ministère de tutelle pour établir un programme d’échange pédagogique avec les collègues réunionnais. « Le partage et l’expérience est essentiel pour faire avancer l’éducation », affirme-t-il.
La président du collectif Enn zour dan enn pei, Véronique Nunkoo, maintient que le lancement de ce projet est un premier pas historique, en faisant allusion au premier enseignant, en la personne de Charles Baissac, qui dès le XIXe siècle avait commencé à recueillir les contes locaux. « Concrètement, son entrée dans les écoles se fera en janvier 2026 », indique-t-elle., en confirant que quatre contes, dont un de Charles Baissac, feront leurs entrées dans le Foundation Programme.
«Cependant, la mission du collectif et de ce projet est de ne pas isoler la langue maternelle », tient-elle à faire ressortir. «Il faut en être fier. Et ce n’est qu’ainsi que nous pouvons nous ouvrir au monde. C’est en étant solide que nous pouvons apprendre tout ce qui est complexe », renchérit)elle. Elle ajoute que l’idée est aussi de faire du « Story Telling une matière en soi avec un corpus local et de donner la langue à nos personnages ».
Par ailleurs, Brian Pitchen, enseignant et membre du comité national du Foundation program souligne que « le conte sera intégré comme un composante du développement de l’enfant qui lui donnera l’occasion de raconter des histoires et de faire preuve d’imagination et de création, dans le cadre du Foundation Programme à partir de janvier. Il y aura des contes qui seront sélectionnés pour les différents grades.»
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Veronique Nunkoo
« L’oralité structure la pensée »
Véronique Nunkoo, présidente du collectif Enn zour dan enn pei, un des partenaires porteurs du Storytelling Project 2025, trouve que « c’est une célébration de la reconnaissant d’un acte fondateur : l’oralité en action. »
« L’oralité n’est pas une marque de l’illétrisme mais une force », explique-t-elle. « Elle structure la pensée, prépare à l’écriture, stimule la mémoire et développe la creativité », déclare-t-elle, en ajoutant que « l’apprentissage plurilingue avec la valorisation de langue maternelle renforce la pensée abstraite. Même mathématique. Car, passer d’une langue à l’autre, c’est jouer avec des symboles ; raisonner c’est résoudre des équations mentales. Oralité, pluralité et intelligence, tout est lié ». Véronique Nunkoo indique que « ce projet n’oppose pas les langues. Il les embrasse. Il ne rejette pas la tradition, ni la modernité mais affirme leur complémentarité. Décoloniser c’est reconnaitre la pluralité. C’est sortir des hiérarchies invisibles entre les hommes, les cultures et les formes d’intelligences. » Elle ne manquera pas de citer Charles Baissac : « le conte, c’est le patrimoine commun à toute l’humanité. »
Par sa part, Cristèle de Speville, maitre de cérémonie, qui a également animé un atelier, soutient « que cette démarche c’est aussi reconnaître la richesse linguistique de notre société. C’est valoriser le créole, le bhojpuri, les langues orientales, aussi bien que le français et l’anglais, en leur offrant un lieu d’expression artistique et culturelle. C’est encourager les enfants à être à la fois auditeurs, passeurs et créateurs d’histoires .»
Ell note en conclusion qu’« en intégrant le conte dans les programmes éducatifs, nous donnons à nos élèves des racines pour comprendre d’où ils viennent, et des ailes pour inventer le monde qu’ils veulent habiter .»
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FOUNDATION PROGRAME – Troisième trimestre
Le service communautaire intègre le cursus de grade 9
A compter du Trimestre 3, les élèves de grade 9 seront initiés aux services communautaires sous le Foundation Programme, en vigueur depuis janvier pour les grades 7, 8 et 9. Le programme remplace l’Extended Programme du précédent gouvernement.
Brian Pitchen éducateur au collège Saint-Mary’s West et membre du comité national du Foundation Progamme, indique que le programme se décline en trois axes : le développement académique, personnel et technique et vocationnel de l’enfant, soit
le Cluster 1 concerne le développement la lecture, l’écriture, la connaissance scientifique et numérique des élèves ;
le Cluster 2, le développement du citoyen avec des valeurs ; et
le Cluster 3, les connaissances techniques, agricoles et médicales.
«Furant le Trimestre 3, le service communautaire fait son entrée à l’école avec les élèves de grade 9. L’idée, c’est qu’ils puissent développer des projets à l’extérieur au sein de la communauté. L’année prochaine, les élèves de grade 8 seront impliqués dans ce programme. Le Foundation Programme donne l’occasion à l’élève de s’exprimer, de montrer ses talents. Ce qui est nouveau avec le programme, c’est qu’il n’y a pas d’évaluation formelle », indique-t-il.
« Le programme de littératie et de numératie vise à rendre les élèves fonctionnels dans la société. C’est de l’alphabétisation fonctionnelle. Par exemple, les élèves apprennent à remplir un formulaire, comment faire des démarches… Des Resource Persons de ces institutions ou des organisations non-gouvernementales peuvent être invitées pour s’adresser aux jeunes. Ils peuvent aussi venir dans les écoles dans le cadre des campagnes de sensibilisation contre la drogue, le harcèlement… », prévoit-il.
Quatre périodes de 35 minutes chacune seront consacrées au Foundation Programme par semaine. Les écoles ont la liberté de décider ce qu’elles souhaitent mettre en œuvre à différentes périodes de l’année.

