Dire non aux écrans, c’est aussi dire oui à l’enfance

L’usage des écrans chez les enfants suscite de vives inquiétudes : troubles de l’attention, difficultés de langage, isolement social. L’Organisation mondiale de la santé recommande d’ailleurs d’éviter tout écran avant 2 ans et de limiter strictement leur usage jusqu’à l’adolescence. Mais comment poser des limites dans un quotidien où smartphones et tablettes s’imposent partout ? Orthophonistes et parents partagent leurs expériences et leurs conseils.

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Pour mieux cerner les enjeux, nous avons recueilli les analyses de Nathalie Delaisse, orthophoniste. Elle souligne l’importance d’observer les signes de maturité chez l’enfant, de poser des repères clairs et d’adopter une posture parentale à la fois bienveillante et structurante. Nathalie ajoute qu’un usage encadré du numérique peut devenir un outil d’apprentissage, à condition d’éviter les pièges d’une consommation passive et excessive.

Une exposition trop précoce peut causer de l’isolement, allant jusqu’à des difficultés à parler. L’orthophoniste explique que certains parents doivent emmener leurs enfants en thérapie de langage, car ces derniers ne construisent pas de phrases. Chez les préadolescents, cela peut avoir un impact sur la santé physique et mentale : troubles du sommeil, anxiété et prise de poids.

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Le smartphone peut rendre un enfant dépendant aux écrans, ce qui entraîne parfois des conflits au sein de la famille. Il est donc essentiel que les parents prennent conscience des dangers liés à une utilisation excessive et adoptent des mesures préventives pour encadrer son usage.

Selon Nathalie Delaisse, le guide de référence « 3-6-9-12 » établit des repères pour une utilisation raisonnée des écrans chez les enfants et les adolescents, où l’introduction des écrans doit se faire de manière progressive : Pas d’écrans avant 3 ans, pas de console personnelle avant 6 ans, pas d’Internet seul avant 9 ans, pas de réseaux sociaux avant 12 ans.

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En pratique, certains experts conseillent même de retarder encore l’accès : pas d’Internet avant 14 ans et pas de réseaux sociaux avant 15 ans, pour garantir une meilleure maturité émotionnelle et relationnelle.

Avant 11 ans, leur usage est recommandé sans accès à internet, afin de préserver le développement cognitif et émotionnel de l’enfant. À partir de 14 ans, l’accès à internet peut être autorisé, à condition d’être accompagné d’une éducation aux usages numériques et à la sécurité en ligne. Enfin, l’accès aux réseaux sociaux est conseillé à partir de 15 ans, lorsque l’adolescent est jugé suffisamment mature pour gérer les interactions virtuelles de manière responsable.

Les parents ont un rôle essentiel à jouer dans l’encadrement de l’usage des écrans. En l’absence de maturité suffisante, il est crucial de fixer des règles claires que l’enfant doit apprendre à respecter. Cela passe par des horaires définis, des zones sans écrans (comme la chambre ou la table à manger), et surtout par un dialogue constant. « À un moment, il faut savoir dire STOP », rappelle Nathalie Delaisse.

L’objectif n’est pas d’interdire, mais de limiter pour préserver l’équilibre : l’école, le sport et les interactions sociales doivent rester les priorités dans la vie d’un enfant.

Les règles d’utilisation du smartphone doivent aussi être établies en concertation avec l’enfant, afin de le responsabiliser et de lui accorder une part de confiance. Un accès élargi peut par exemple être envisagé si l’enfant montre de la maturité ou obtient de bons résultats scolaires.

Nathalie Delaisse insiste sur un point souvent négligé : les enfants apprennent par imitation. Un adulte constamment absorbé par son téléphone aura du mal à convaincre son enfant de limiter le sien.

Pour les familles confrontées à une dépendance déjà installée, l’orthophoniste recommande de mettre en place un nouveau “contrat” avec l’enfant. Ce contrat, basé sur le dialogue et la collaboration, permet de redéfinir les règles dans un cadre apaisé, sans conflit, tout en réaffirmant les priorités : le bien-être, les apprentissages et les relations sociales.

Témoignage de familles mauriciennes

Entre inquiétudes et remises en question, des parents racontent leur quotidien numérique face à la relation entre leurs enfants et le smartphone.

Sindhy Jouet, mère d’une fille de 7 ans, décrit le smartphone comme « un poison » : « Petit à petit, tous les jours, si on ne fait pas attention, on empoisonne nos enfants avec notre propre main. »

Elle estime qu’un enfant ne devrait posséder un smartphone qu’après 10 ans. Pour elle, le smartphone ne favorise pas l’autonomie, notamment à cause de l’accès illimité à Internet, qui expose les enfants à des contenus inadaptés, voire dangereux. Sindhy insiste sur l’importance du dialogue entre parents et enfants : « Ce n’est pas le smartphone qui doit prendre la place des parents. »

Adriana Charpentier, mère d’une fillette d’un an, tire la sonnette d’alarme sur les effets précoces de l’exposition aux écrans. Elle souligne qu’à cet âge, l’enfant doit explorer sa curiosité et apprendre à réguler ses émotions dans un environnement réel.

« Lorsqu’un enfant passe plusieurs heures devant un écran, cela nuit à son activité physique, à sa capacité de concentration sur son entourage, et à la gestion de ses émotions face aux situations du quotidien », explique-t-elle.

Elle observe déjà une baisse d’attention chez sa fille : « Elle est moins attentive à ce que je dis », confie-t-elle avec inquiétude. Adriana alerte aussi sur l’usage du téléphone en soirée, qu’elle associe à des troubles du sommeil chez les tout-petits. Pour elle, l’âge minimum pour posséder un smartphone devrait être fixé à 13 ans.

Ces témoignages mettent en lumière les enjeux liés à l’usage des écrans dès le plus jeune âge, soulignant l’importance d’un encadrement parental attentif et bienveillant. Être parent aujourd’hui, c’est aussi savoir poser des limites, dire non aux écrans quand il le faut. C’est protéger l’enfance, préserver le lien humain, et offrir à son enfant la liberté de grandir sans chaînes numériques. Car chaque limite posée devient une porte ouverte vers l’équilibre et l’épanouissement.


Les recommandations de l’OMS

En 2019, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommandait que les enfants de moins de deux ans ne soient pas exposés aux écrans. Pour ceux âgés de deux à cinq ans, le temps d’écran devait être limité à une heure par jour maximum.

En 2020, l’OMS a élargi ses recommandations aux enfants et adolescents de 5 à 17 ans, préconisant de ne pas dépasser deux heures quotidiennes de temps d’écran sédentaire, hors usage scolaire. Cette extension vise à protéger les jeunes générations des effets néfastes d’une exposition excessive, en favorisant l’activité physique, le sommeil réparateur et les interactions sociales.

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