Air Mauritius : un bénéfice surprenant … mais des zones d’ombre persistent

Air Mauritius peut souffler : pour la première fois en neuf ans, la compagnie affiche un profit au premier trimestre. En tout cas ce que révèle le président de MK, Kishore Beegoo qui a présenté à la presse un compilé des principaux indicateurs comptables favorables à la compagnie sans nous dévoiler l’ensemble des données comptables, une habitude dans laquelle s’étaient vautrés d’autres responsables de MK entre Beegoo Iparti avec un get Beegoo II. Avec Rs 252,7 millions de bénéfice net entre avril et juin 2025, la compagnie nationale signe un redressement spectaculaire, après une perte de plus de Rs 600 millions à la même période en 2024.

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Kishore Beegoo, président du conseil d’administration, parle de «turnaround extraordinaire », fruit de six mois de décisions rapides et « audacieuses ». Pourtant, derrière ces chiffres, la situation reste loin d’être stabilisée : un A330-900neo immobilisé deux mois sur trois, 24 incidents AOG, et une flotte qui a frôlé la paralysie avec jusqu’à 11 avions sur 12 en maintenance.
Le bénéfice, aussi encourageant soit-il, repose sur un équilibre précaire : hausse du remplissage, euro favorable, carburant stable. Des paramètres volatils qui pourraient se retourner à tout moment.
Il convient de rappeler que ces résultats sont ceux présentés par le management de MK. La conférence de presse du 15 août a été l’occasion d’une mise en avant triomphale, mais sans publication de bilans financiers détaillés permettant aux analystes et spécialistes externes d’évaluer en toute indépendance ce « revirement spectaculaire ».
Autrement dit, le public et les observateurs doivent pour l’instant se fier uniquement à la version d’Air Mauritius, sans pouvoir vérifier la soutenabilité réelle de ce redressement au vu des problèmes structurels dont la compagnie se dit elle-même victime. En dépit des difficultés opérationnelles, les recettes passagers ont poursuivi leur progression, passant de Rs 5,6 milliards (112,4 M€) à Rs 6 milliards (115,4 M€) sur la période. Le trafic a connu une légère hausse, avec 403 127 voyageurs transportés, contre 399 840 un an plus tôt, soit une augmentation de 0,8 %. Cette évolution, bien que modeste en volume, a permis une amélioration sensible du taux de remplissage, en hausse de 4,7 points. Par ailleurs, deux facteurs extérieurs ont contribué à la stabilité des comptes : le cours du carburant, resté autour de 66,76 USD, et l’appréciation de l’euro face aux principales devises.
Ce succès annoncé n’est pas arrivé seul : il a été précédé d’une séquence de communication bien huilée. Kishore Beegoo avait multiplié les interventions avant la présentation officielle des résultats : sortie sur la MBC, puis interview dans la presse pour se défendre sur la colère passagère sur nombre de destinations, préparer le terrain et installer le récit d’un redressement exemplaire.
Une stratégie de communication qui pose question : s’agit-il d’un réel virage structurel ou d’une mise en scène destinée à restaurer la confiance ?
La nouvelle direction explique avoir « hérité d’une compagnie en mauvais état ». Mais son discours illustre surtout l’ampleur de la dépendance d’Air Mauritius à des choix hérités du passé.
Les commandes d’A350 par exemple : conçus pour de très longs courriers, alors que MK ne dessert que Paris et Londres. Décision stratégique discutable, que le board actuel remet ouvertement en question. Mais annuler ou réorienter ces contrats a un coût.
Le président Kishore Beegoo pose un dilemme brutal : « Maintenir certaines commandes et risquer la faillite, ou étudier d’autres options ». Autrement dit, MK n’a pas la main libre sur sa flotte.
Autre front : l’appel à manifestation d’intérêt pour un partenaire stratégique. L’ouverture affichée – « toutes les options restent sur la table » – traduit autant la volonté de moderniser que le besoin vital d’un soutien externe.
La mention “pas impossible” de Qatar Airways, autrefois source de réserves, montre que la compagnie est prête à discuter avec tous. Mais la ligne rouge annoncée par Kishore Beegoo est claire : les partenaires devront accepter les conditions de MK. Une posture ferme, mais réaliste ? Rien n’est moins sûr face aux géants du secteur quand est un petit Poucet.
L’annonce des résultats partiels de l’audit Kroll, enclenché il y a plusieurs mois, dont un rapport préliminaire est attendu en septembre, laisse entendre que la compagnie veut assainir son image et éclaircir les zones d’ombre de gestion passées. Mais l’absence de transparence totale sur la dette réelle et les engagements financiers à long terme entretient le doute.
Le recours direct au Premier ministre, Navin Ramgoolam, revendiqué par le Président Beegoo, interrogé sur les commentaires du DPM Paul Bérenger à son égard, montre aussi que MK reste une compagnie éminemment politique, malgré les affirmations de neutralité opérationnelle.
Sur le plan social, le recrutement de 12 pilotes sur 73 candidats pour 28 postes disponibles montre une volonté de relance, mais il reste très en deçà des besoins. La dégradation du service passagers ces derniers mois – retards, annulations, qualité en vol, communication défaillante aux passagers – est reconnue par la direction.
Le plan de maintenance triennal et la possible location temporaire d’un appareil visent à éviter la répétition de crises récentes. Mais ces mesures d’urgence témoignent d’une compagnie encore sous perfusion organisationnelle.
Le renforcement de la flotte ATR, avec l’arrivée de deux nouveaux ATR 72-600, apparaît comme un développement concret. Un ATR spécialement aménagé pour Rodrigues, doté d’équipements médicaux, symbolise un retour à la fiabilité et à la proximité régionale. Un rare point de stabilité dans une stratégie encore flottante.
Air Mauritius signe un premier trimestre positif et encourageant pour l’avenir et peut se prévaloir d’avoir renoué avec les bénéfices. Mais ce profit tient davantage à des conditions favorables – remplissage, change, carburant – qu’à une véritable refondation.
En l’absence de documents financiers complets, il est difficile d’évaluer la solidité réelle de ce « revirement ». Ce qui est certain, c’est que le conseil d’administration a orchestré une communication offensive, préparée sur la MBC et dans la presse, pour marquer les esprits et restaurer la confiance.
Le défi pour Kishore Beegoo et pour le futur directeur opérationnel, André Viljoen, informé de tout et attendu en octobre, sera désormais de passer de la communication à la consolidation. Entre flotte surdimensionnée, partenariat stratégique incertain, plan de maintenance serré et concurrence féroce, MK reste cependant fragile.

Le personnel félicité pour ce trimestre record

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Dans une communication interne adressée au personnel le 15 août, le président d’Air Mauritius, Kishore Beegoo, a salué « la résilience et l’engagement » des équipes après l’annonce d’un bénéfice net de Rs 252,7 millions pour le premier trimestre 2025/2026, le meilleur résultat depuis neuf ans.
Le chairman a rappelé que cette performance avait été réalisée malgré des contraintes lourdes : une flotte réduite à huit gros-porteurs, dont un immobilisé pendant plusieurs semaines, et de multiples incidents techniques. « Avec une flotte aussi limitée, la perte d’un seul appareil représente déjà 12,5 % de nos capacités opérationnelles », a-t-il souligné, insistant sur le fait que les efforts du personnel ont permis de transporter 403 127 passagers et d’améliorer le taux de remplissage de 4,7 points
Kishore Beegoo a reconnu les désagréments causés aux clients par les nombreuses perturbations des derniers mois et la dégradation de l’image de la compagnie. Il a assuré que des mesures sont en cours pour limiter ces problèmes, notamment un plan de maintenance sur trois ans et la recherche d’un avion gros-porteur en leasing afin d’éviter de nouvelles ruptures pendant les périodes de pointe.
Le président a enfin exprimé sa gratitude envers les employés : « Votre dévouement et votre esprit d’équipe nous ont permis d’atteindre ces résultats. Ensemble, nous allons ramener Air Mauritius à son prestige et à sa fierté nationale. »

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