Ashmi Bunsy, doctorante à l’UoM : « Les chauves-souris jouent un rôle crucial dans les écosystèmes »

Doctorante à l’Université de Maurice (UoM), Ashmi Bunsy a étudié le mode de vie des chiroptères dans les grottes et a découvert que les chauves-souris insectivores jouent un rôle naturel de régulation des populations d’insectes, réduisant notamment les moustiques responsables de maladies comme le chikungunya ou la dengue. Son étude lui a permis de figurer dans le Journal for Nature Conservation tout en ayant le privilège de recevoir des financements de la Bat Conservation International (BCI). Ce qui lui a donné l’opportunité de mettre en lumière ses travaux scientifiques au Rwanda. Elle a aussi collaboré avec l’Ecosystem Restoration Alliance Indian Ocean en présentant ses recherches à la conférence internationale sur les chauves-souris en 2019, en Thaïlande. Membre du réseau Global South Bats, Ashmi a également obtenu une bourse pour suivre une formation au Kenya. Une manière de mettre Maurice sur la carte internationale dans le domaine de la conservation des chauves-souris.

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Doctorante à l’UoM, votre thèse porte sur les chauves-souris. En quoi cela vous a-t-il aidé à mieux comprendre leur mode de vie ?
Mon doctorat à l’UoM m’a offert une immersion profonde dans le monde fascinant des chauves-souris et m’a permis de comprendre leur rôle crucial dans nos écosystèmes. En étudiant leur mode de vie, notamment dans les grottes où elles se regroupent, j’ai pu observer leurs comportements sociaux, leurs habitudes alimentaires et leurs stratégies de navigation dans l’obscurité. Contrairement aux idées reçues, qui les présentent comme des animaux dangereux, j’ai découvert qu’elles sont de véritables alliées pour l’homme. A titre d’exemple, les chauves-souris insectivores jouent un rôle naturel de régulation des populations d’insectes, réduisant notamment les moustiques responsables de maladies comme le chikungunya ou la dengue, ainsi que des insectes nuisibles aux cultures agricoles. Étudier leur comportement m’a également fait réaliser l’importance de préserver leur habitat, car la perturbation de leurs grottes peut avoir un impact direct sur l’équilibre écologique et sur la santé publique.

Votre étude vous a permis de figurer dans le “Journal for Nature Conservation”. Comment avez-vous été approchée et en quoi votre connaissance sur les chauves-souris peut-elle être bénéfique pour leur sauvegarde ?
Le Journal for Nature Conservation est une revue scientifique internationale de renom, reconnue pour la rigueur de son processus de sélection. Pour être publiée, chaque étude doit passer par une évaluation par les pairs, un processus très exigeant où des experts du monde entier analysent de manière critique les méthodes employées, la validité des résultats et la pertinence des conclusions. Cette étape peut durer plusieurs mois et implique souvent de répondre à de nombreux commentaires et suggestions avant que l’article ne soit accepté. Pour nous, doctorants à l’UoM, la publication dans un journal évalué par les pairs est également l’une des exigences pour l’obtention du diplôme de doctorat. Ce processus nous enseigne la persévérance, le raisonnement analytique et critique, et contribue à nous former en tant que scientifiques plus rigoureux et consciencieux.
Le fait que notre recherche sur le Petit Molosse de Maurice (Mormopterus acetabulosus) ait été acceptée montre qu’elle est reconnue comme solide et fiable sur le plan scientifique. Mais au-delà de la reconnaissance académique, ces connaissances sont essentielles pour la conservation des chauves-souris à Maurice. Elles permettent de mieux comprendre leur écologie, leurs besoins spécifiques et les menaces auxquelles elles font face. Grâce à ces informations, les gestionnaires et décideurs peuvent mettre en place des stratégies concrètes et efficaces pour protéger ces espèces menacées et leurs habitats, contribuant ainsi à la préservation de la biodiversité locale.

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Pourquoi ce nom de Petit Molosse ?
Le nom Petit Molosse  vient de son apparence, qui peut rappeler un petit chien de type molosse. Mais malgré ce nom, ce n’est pas un animal féroce ! Son nom scientifique, Mormopterus acetabulosus, a été attribué par le naturaliste français, Johann Hermann, en 1804. Le terme acetabulosus signifie «  en forme de soucoupe  » en latin, faisant référence à certaines caractéristiques morphologiques de l’espèce. Aujourd’hui, nous encourageons vivement l’utilisation des noms scientifiques ou, pour le grand public, du nom Petite Molosse de Maurice, afin de souligner que cette espèce est endémique à Maurice et d’éviter les confusions ou idées reçues sur son comportement.

Dans le cadre de votre thèse de doctorat, vous travaillez actuellement sur un projet financé par le Mohammed Bin Zayed Species Conservation Fund, en partenariat avec l’Ong Nature Yetu. En quoi ce projet constitue-t-il une aubaine ?
Ce projet participatif se concentre sur les aspects sociaux et législatifs liés aux caves, aux chauves-souris cavernicoles et à leur protection actuelle. L’objectif est de mobiliser les acteurs locaux, d’évaluer les besoins en conservation et de proposer des mesures adaptées pour mieux préserver ces écosystèmes fragiles et menacés. Le projet vise également à sensibiliser la communauté et à encourager la participation de tous dans la bonne gestion des caves, et devra faire l’objet d’une publication scientifique comptant pour mon doctorat. Parallèlement, depuis janvier, mon doctorat est financé par l’Agence française de développement (AFD) sous le programme Varuna Biodiversité, mis en œuvre par Expertise France. Un des volets du programme Varuna est l’appui de doctorants enregistrés à l’UoM sous la supervision de Vincent Florens, et je suis un des quatre doctorants qui bénéficie de ce soutien, ce qui me permet de travailler sereinement mon doctorat de manière continue et structurée.

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Vous êtes une pionnière de la recherche d’un meilleur cadre de vie pour les chauves-souris à Maurice. Quel plan d’action doit-on mettre en place pour aider à la conservation de la chauve-souris cavernicole en danger ?
La première étape pour assurer la conservation des chauves-souris cavernicoles à Maurice est de protéger légalement toutes les grottes où elles vivent, car ces habitats sont essentiels pour leur reproduction et leur regroupement en colonies. Il est aussi crucial de sensibiliser le public sur leur rôle écologique : chaque nuit, elles consomment des moustiques porteurs de maladies comme le chikungunya et la dengue, ainsi que des insectes nuisibles aux cultures agricoles. À Maurice, l’utilisation de pesticides est particulièrement élevée. Nous sommes le premier pays au monde en usage de pesticides par km2. En 2020, plus de 3 400 kg par km2 de terres agricoles ont été aspergées, et ces produits chimiques nocifs se retrouvent dans l’environnement et jusque dans notre alimentation. Si les populations de chauves-souris insectivores étaient mieux protégées et plus nombreuses, elles réguleraient naturellement les insectes, réduisant ainsi le recours aux pesticides et protégeant notre santé, notre agriculture et notre alimentation.
Une autre priorité urgente est l’application effective des lois anti-déchets, car la majorité des grottes servent actuellement de dépotoirs, avec des montagnes de plastiques, de déchets électroniques, de débris de construction, de carcasses animales et d’eaux usées, ce qui constitue un danger pour la santé publique et perturbe gravement les colonies. Un plan d’action concret doit donc combiner protection légale, sensibilisation, réduction des pesticides via la régulation naturelle par les chauves-souris, application stricte des lois anti-déchets et suivi scientifique des colonies pour évaluer et ajuster les mesures de conservation, afin d’améliorer durablement le cadre de vie de ces espèces uniques et préserver la biodiversité mauricienne.

Quand on parle de chauves-souris cavernicoles, elles sont combien à trouver refuge dans les 142 caves de Maurice ? Ces caves sont-elles ouvertes au public ?
Le nombre de chauves-souris cavernicoles à Maurice varie considérablement d’une grotte à l’autre : certaines n’abritent que quelques dizaines d’individus, tandis que d’autres peuvent en accueillir plusieurs centaines, formant ainsi des colonies parfois très denses et complexes. Sur les 142 grottes connues de l’île, certaines sont accessibles au public, notamment à des fins touristiques ou éducatives, mais la majorité restent fermées ou difficiles d’accès afin de protéger ces espèces sensibles. Il est fortement déconseillé d’entrer dans les grottes sans information préalable, équipement adapté et respect des mesures de sécurité, car le dérangement peut nuire aux chauves-souris, perturber leur repos ou leur reproduction, et exposer les visiteurs à des risques liés à l’environnement de la grotte. La préservation de ces habitats et la limitation de l’accès sont donc essentielles pour assurer la survie des colonies et permettre aux scientifiques de les étudier en toute sécurité.

Où en êtes-vous avec les dernières données collectées qui portent sur la biodiversité associée à la chauve-souris ?
Les grottes où vivent les chauves-souris cavernicoles sont de véritables écosystèmes uniques et complexes, étroitement liés à la présence des colonies de chauves-souris insectivores. Ces animaux jouent un rôle clé dans le fonctionnement de ces habitats : leurs excréments (guano) fournissent une source de nutriments essentielle qui soutient une grande diversité d’organismes, notamment des insectes, des arachnides et d’autres invertébrés. La vie dans ces grottes est encore très peu connue, et nos études visent à mieux documenter cette biodiversité. Les dernières données collectées montrent déjà une richesse surprenante d’insectes directement associés aux colonies de chauves-souris.
Beaucoup de ces espèces sont endémiques à Maurice; certaines ont été décrites pour la première fois sur l’île, et il est possible que nous découvrions même de nouvelles espèces pour la science. En plus des insectes, d’autres éléments de la microfaune et de la flore de ces grottes commencent à être identifiés, révélant l’importance écologique de ces habitats souvent sous-estimés. Les informations recueillies serviront non seulement à une future publication scientifique, mais elles fourniront aussi une base solide pour orienter les stratégies de conservation et la protection des grottes et de leurs habitants.

Si l’activité humaine entraînait l’extinction de ces chauves-souris cavernicoles, quelles seraient les conséquences sur notre écosystème ?
Les conséquences sur notre écosystème seraient considérables. Ces chauves-souris jouent un rôle majeur dans la régulation des populations d’insectes, notamment des moustiques porteurs de maladies, ainsi que des insectes nuisibles aux cultures. Sans elles, ces populations d’insectes augmenteraient rapidement, ce qui obligerait les agriculteurs à utiliser encore plus de pesticides, avec des effets néfastes sur la santé humaine, la qualité de l’eau, le sol et la biodiversité. Mais l’impact ne s’arrêterait pas là. Les chauves-souris contribuent également à la dynamique des grottes en fournissant du guano, riche en nutriments, qui soutient une grande diversité d’invertébrés, d’insectes endémiques et d’autres micro-organismes. Leur disparition provoquerait une cascade d’extinctions.
Lorsqu’une espèce clé disparaît, les espèces qui dépendent d’elle, directement ou indirectement, peuvent aussi disparaître. Dans ce cas, les insectes et micro-organismes qui dépendent du guano et de l’activité des chauves-souris pourraient s’effondrer, perturbant l’ensemble de l’écosystème cavernicole. Cette perte de biodiversité affecterait non seulement les grottes, mais aurait également des répercussions sur les écosystèmes extérieurs, car ces grottes sont connectées aux forêts et aux terres agricoles par des chaînes alimentaires et des cycles nutritifs. En résumé, la disparition des chauves-souris entraînerait une augmentation des nuisibles et des maladies, une utilisation accrue de produits chimiques, et un effondrement progressif de la biodiversité locale, illustrant à quel point chaque espèce joue un rôle essentiel dans le maintien de l’équilibre écologique.

Lorsqu’on procède à une catégorisation des chauves-souris, quelles sont, selon vous, les plus dangereuses ? Quel danger représente leur morsure pour l’homme ?
À Maurice, nous avons trois principales espèces de chauves-souris : la Roussette noire (Pteropus niger), une frugivore endémique des Mascareignes; le Petit Molosse de Maurice (Mormopterus acetabulosus), un insectivore endémique de l’île; et le Taphien de Maurice (Taphozous mauritianus), également insectivore et indigène. De manière générale, les chauves-souris insectivores sont petites et légères, ce qui leur permet de voler rapidement et avec agilité pour attraper les insectes en plein vol. Le Petit Molosse ne pèse qu’environ 7 g. Cette petite taille et leur vitesse rendent leur danger pour l’homme quasiment nul : il est très difficile, voire impossible, de se faire mordre par elles. Elles ne sont pas apprivoisées et restent des animaux sauvages, leur comportement est centré sur la recherche de nourriture et la reproduction, et non sur l’agression envers l’homme. Au contraire, ces espèces sont de véritables alliées pour l’homme, régulant naturellement les populations d’insectes et contribuant ainsi à l’équilibre des écosystèmes. Il est important de rappeler que ce ne sont pas des animaux de compagnie et que personne ne devrait tenter de les capturer ou de les manipuler sans justification scientifique et autorisation appropriée.

Vous dites que le guano de chauve-souris est souvent la principale source de nutriments dans les grottes…
Le guano, c’est-à-dire les excréments des chauves-souris, joue un rôle écologique fondamental à l’intérieur des grottes. Il constitue un fertilisant naturel extrêmement riche en nutriments, tels que l’azote, le phosphore et le potassium, essentiels pour la croissance de nombreux micro-organismes et invertébrés qui vivent dans ces environnements souterrains. Ce guano forme la base de la chaîne alimentaire des grottes : de nombreux insectes, araignées, champignons et bactéries se nourrissent directement de ces excréments, puis sont eux-mêmes consommés par d’autres organismes, assurant ainsi le recyclage des nutriments et le maintien de l’équilibre de l’écosystème. En l’absence de cette source de nutriments, la vie dans les grottes serait beaucoup moins diversifiée et certains organismes endémiques pourraient disparaître. Le guano permet donc non seulement la survie des communautés cavernicoles, mais contribue aussi indirectement à la santé écologique des zones environnantes, car ces grottes sont connectées à des écosystèmes terrestres et aquatiques par des cycles nutritifs et la dispersion de certaines espèces.

Quels sont le mode de vie, le régime alimentaire et les menaces qui pèsent sur la chauve-souris ?
Ces chauves-souris vivent en colonies dans les grottes et sont nocturnes, ne quittant leur abri qu’au crépuscule et pendant la nuit pour chasser les insectes. Elles utilisent l’écholocation, un système similaire au sonar des dauphins : elles émettent des sons et écoutent les échos pour localiser les obstacles et leurs proies dans l’obscurité. Leur régime alimentaire se compose principalement de moustiques, moucherons et autres insectes nuisibles. Leurs principales menaces sont la destruction des grottes, la pollution, les incendies à l’intérieur des grottes, les perturbations humaines et potentiellement l’usage de pesticides chimiques.

Dans ce cas, quelles mesures de protection adopter pour assurer leur conservation ?
Tout d’abord, il est crucial de protéger légalement toutes les grottes où elles vivent, en y établissant des zones protégées et des réglementations strictes sur l’accès. Limiter les visites non encadrées permet de réduire le dérangement des colonies et de préserver les habitats sensibles, en particulier pendant les périodes de reproduction. Ensuite, la sensibilisation du public joue un rôle clé : expliquer le rôle écologique des chauves-souris – régulation naturelle des insectes nuisibles et contribution à la biodiversité – permet de renforcer le soutien aux mesures de protection.
Promouvoir la réduction de l’usage des pesticides est également important, car des populations de chauves-souris saines peuvent contribuer à un contrôle biologique naturel des insectes, réduisant ainsi les impacts chimiques sur l’environnement et la santé humaine. Enfin, prévenir la pollution, le dépôt de déchets et les incendies dans les grottes est indispensable pour maintenir des écosystèmes stables et fonctionnels. Des campagnes de nettoyage, l’application stricte des lois anti-déchets et la surveillance régulière des grottes permettent de limiter ces menaces. En combinant protection légale, gestion des visites, éducation, réduction des pesticides et prévention de la pollution, on peut véritablement garantir la survie des chauves-souris et la préservation des écosystèmes cavernicoles uniques de Maurice.

Pendant le Covid, on a dit que la chauve-souris était responsable d’avoir transmis le virus du SARS-CoV-2. Êtes-vous de cet avis ?
Plutôt que d’accuser les chauves-souris d’avoir transmis le Covid-19, il est essentiel de s’appuyer sur des preuves scientifiques et de replacer le sujet dans un contexte écologique. Les chauves-souris jouent un rôle crucial dans les écosystèmes et l’agriculture : par exemple, la perte de certaines espèces insectivores en Amérique du Nord pourrait entraîner des pertes agricoles estimées à plus de USD 3,7 milliards par an, en raison de l’augmentation des insectes nuisibles. La transmission de maladies des animaux (pas juste chauve-souris) aux humains n’est pas simplement causée par l’animal lui-même, mais résulte surtout des activités humaines qui perturbent les écosystèmes naturels. La déforestation, l’urbanisation, le commerce d’animaux sauvages et l’extension agricole rapprochent les humains de la faune sauvage et augmentent les risques de transmission. Cela dit, les animaux ne sont pas des « coupables »; ce sont nos interactions avec leur habitat qui créent ces risques.
Les chauves-souris sont étudiées par les scientifiques pour comprendre comment elles résistent au cancer et vivent plus longtemps que d’autres mammifères de taille similaire. Ces recherches pourraient mener à des avancées majeures en santé humaine, y compris le développement de nouveaux traitements antiviraux et de thérapies pour les maladies liées au vieillissement. Mieux comprendre leur rôle écologique et biologique permet non seulement de les protéger, mais aussi d’éviter leur stigmatisation injustifiée.

Avez-vous fait un recensement ? Combien y a-t-il de chauves-souris à Maurice ?
Les chauves-souris constituent un groupe de mammifères très diversifié, avec plus de 1 450 espèces décrites dans le monde, présentant des régimes alimentaires variés. Certaines consomment des insectes, d’autres du poisson, des amphibiens, des fruits ou du nectar. À Maurice, trois espèces sont connues : la Roussette noire (Pteropus niger), frugivore et endémique, le Petit Molosse (Mormopterus acetabulosus), insectivore cavernicole et endémique, et le Taphien (Taphozous mauritianus), insectivore indigène. Les deux premières espèces sont menacées. Pour le Petit Molosse, le nombre est difficile à estimer, car elles se regroupent en colonies dans les grottes, mais nous estimons la population actuelle à environ 38 000 individus. Certaines colonies peuvent compter plusieurs milliers d’individus, et un seul incendie ou la fermeture d’une grotte peut décimer plusieurs centaines de chauves-souris d’un coup.

Il existe 142 caves à Maurice. Pourquoi Twilight semble la plus convoitée par les chauves-souris cavernicoles ?
De ces 142 grottes, certaines sont particulièrement prisées par le Petit Molosse de Maurice. La Twilight Cave se distingue comme la plus convoitée, probablement en raison de ses caractéristiques physiques et environnementales optimales. La taille de l’entrée et la hauteur de la grotte facilitent la manœuvrabilité et offrent une meilleure protection contre les prédateurs, tandis que les multiples chambres et cavités procurent une stabilité microclimatique appréciable pour le repos et la reproduction. L’humidité relative, la température constante et la proximité de sources d’eau contribuent également à en faire un site favorable. Malgré le fait qu’elle abrite probablement les plus grandes colonies de Petit Molosse de l’île, la Twilight Cave est également l’une des grottes les plus sévèrement polluées et sujettes aux incendies (human-caused) sur l’île.

L’écholocation permet à ces chiroptères de vivre la nuit, calculer la distance de leur proie et leur direction. Qu’est-ce qui pourrait les perturber et les forcer à attaquer l’homme ?
Les chauves-souris n’attaquent pas les humains. Leur écholocation leur permet de se déplacer la nuit, de localiser leurs proies et d’évaluer leur distance et leur direction avec précision. Cependant, leurs grottes peuvent devenir de véritables pièges écologiques  en présence d’une urbanisation intensive  : des prédateurs opportunistes – tels que chats domestiques, corbeaux et rats – peuvent s’attaquer aux chauves-souris lorsqu’elles émergent de leurs grottes au crépuscule. Cette année, lors d’un suivi à la Palma Cave, nous avons observé et documenté pour la première fois la capture, la mise à mort et la consommation de Petit Molosse par des chats domestiques.
Le conflit avec l’homme, comme l’exclusion des colonies ou la destruction des grottes, peut aussi entraîner une mortalité accrue et perturber la reproduction. Les routes fragmentent les habitats et augmentent le risque de collisions, tandis que la pollution, les produits chimiques, le bruit urbain et les lumières artificielles perturbent l’écholocation et la chasse, accentuant le stress de ces mammifères nocturnes.

Avez-vous obtenu des prix à l’international ?
J’ai eu le privilège de recevoir des financements de la Bat Conservation International (BCI), qui m’ont également permis de présenter mes travaux scientifiques lors d’une conférence au Rwanda. J’ai également collaboré avec l’Ecosystem Restoration Alliance Indian Ocean et eu l’opportunité de présenter mes recherches à la conférence internationale sur les chauves-souris en 2019 en Thaïlande. Je suis également membre du réseau Global South Bats et j’ai obtenu une bourse pour suivre un cours de formation au Kenya. Ce n’est pas tant une reconnaissance personnelle, mais une manière de mettre Maurice sur la carte internationale dans le domaine de la conservation des chauves-souris.

Peut-on dire que les chauves-souris sont trop souvent mal comprises ?
Je réponds par un grand Oui. À Maurice, nous avons différents types de chauves-souris avec des régimes alimentaires variés , et elles ne se nourrissent pas uniquement de fruits. Certaines espèces, comme le Petit Molosse de Maurice, jouent un rôle crucial en consommant des insectes nuisibles. Durant mon doctorat, j’ai acquis de nombreuses compétences que je ne pensais jamais apprendre : construire et utiliser un filet-harpe pliable pour capturer les chauves-souris sans leur faire de mal, les manipuler brièvement pour mesurer leur masse, leurs dimensions et déterminer le sexe-ratio, puis les relâcher en toute sécurité. Tout cela a été réalisé à l’aide de tissu cousu, de plastique, de fils de nylon solides et de mâts en aluminium, grâce aux conseils et à l’expertise du Dr Ryszard Oleksy, président de l’Ecosystem Restoration Alliance Indian Ocean. Ces expériences m’ont appris l’importance de la patience, de l’observation attentive et de la créativité dans le travail de terrain. J’encourage vivement tous les étudiants à s’intéresser à la conservation, à être curieux du monde naturel et à s’investir dans la protection de nos espèces.

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