Air Mauritius : Quand le président Beegoo s’acharne sur ses propres services

Il est devenu presque une habitude : chaque fois qu’il prend la parole publiquement, le président du conseil d’administration d’Air Mauritius, Kishore Beegoo, trouve moyen de stigmatiser les employés de la compagnie. La dernière sortie, donnée sur une radio privée, cette semaine, à
propos des billets gratuits abusivement distribués à certaines agences de voyages, en est une nouvelle illustration. Une communication martelée sur les ondes, qui jette une fois encore l’opprobre sur l’ensemble du personnel, comme si les salariés étaient collectivement
responsables de tous les maux de MK.

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Faut-il rappeler que cette stratégie n’a rien de nouveau ? Déjà en 2020, l’administrateur Sattar Hajee Abdoula avait choisi la même pente : faire porter publiquement le chapeau aux employés, histoire de détourner l’attention des vraies causes du naufrage. Reprendre cette logique en 2025 est à la fois populiste, indigne et contre-productive. Populiste, parce qu’elle flatte une opinion publique déjà tentée de croire que « les employés profitent ». Indigne, parce qu’elle rabaisse injustement la grande majorité des travailleurs qui se dévouent chaque jour pour maintenir la compagnie à flot. Contre-productive, enfin, parce que cette communication fracture encore davantage une confiance interne déjà fragile.
Soyons clairs : les privilèges de billets à tarif réduit n’ont jamais été la cause systémique de la déroute d’Air Mauritius. Les vraies responsabilités se trouvent ailleurs : dans la politisation chronique de la gouvernance de MK, dans les nominations partisanes au sommet, dans les fiascos stratégiques comme celui du hedging — époque où, faut-il le rappeler, M. Beegoo siégeait déjà au conseil. Que faisait-il alors pour dénoncer la dérive ? Rien de notable. La vérité est que ce sont les dirigeants et les conseils successifs, avec la complicité de certains syndicats mercenaires et médias complaisants, qui ont sapé l’intégrité et la stabilité de la compagnie. Pas les employés.
Il est aussi utile de rappeler que M. Beegoo n’en est pas à sa première controverse avec MK. Il y a plus d’une dizaine d’années, alors qu’il était déjà dirigeant de la compagnie, il avait poursuivi Air Mauritius pour licenciement abusif. L’affaire s’était conclue dans le plus grand secret par un arrangement à l’amiable lui rapportant plusieurs dizaines de millions de roupies de compensation.
Cet épisode, longtemps tenu à l’écart du débat public, interroge aujourd’hui. Est-il en train de préparer, à travers ses « coups d’éclat » médiatiques et ses ruptures assumées, les conditions d’un nouveau golden handshake ? Car il apparaît de plus en plus clairement, comme ce fut le cas pour certains de ses prédécesseurs récents, qu’il n’est pas l’homme de la situation.
Si des abus existent, il revient à la direction des ressources humaines de cibler les individus fautifs et d’agir fermement. Mais instrumentaliser quelques cas isolés pour bâtir tout un récit de « nettoyage » via des interventions radiophoniques est une autre affaire. C’est une méthode de diversion : créer du spectacle, alimenter le sensationnalisme et se donner une image de redresseur de torts, alors que la tâche essentielle est ailleurs — fédérer, redonner confiance, construire une stratégie crédible.
Ce « one-man-show » du président, toléré par le gouvernement, fait déjà des dégâts considérables à la réputation d’Air Mauritius. Les salariés ne sont pas dupes. Les partenaires non plus. Et le public, abreuvé de polémiques stériles relayées sur les ondes, détourne son regard des vrais enjeux : reconstruire la compagnie sur des bases solides, dans l’intérêt de ses passagers, de ses employés et du pays.
La fonction de président du conseil n’est pas celle d’un tribun radiophonique en quête d’applaudissements faciles. C’est celle d’un rassembleur, d’un garant de cohésion, d’un stratège au service d’un bien commun. Tant que M. Beegoo continuera à confondre leadership et règlement de comptes publics, Air Mauritius restera prisonnière d’une gouvernance de spectacle. Et c’est toute la compagnie — employés compris — qui en paiera le prix.

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