Nomination et liste

Une clarification, d’abord: les explications du Dr Arvin Boolell ayant été relayées très tard dans l’après-midi de samedi dernier, nous étions dans l’impossibilité d’établir avec certitude que Madame Meela Ramlochun-Bunwaree n’était pas, comme écrit ici, la belle-soeur du ministre de l’Agro-Industrie, mais une cousine de son épouse.
Quoi qu’il en soit, belle-sœur ou cousine par alliance, celle qui fut nommée à la présidence de l’Agriculture Marketing Board par le conseil des ministres a vite fait de la refuser dès le lendemain après les critiques formulées contre la nomination de proches.
Il faut dire que les renseignements pris le jour de l’annonce de sa nomination, vendredi, avaient indiqué, comme c’est de coutume dans certaines familles, que c’était la “belle-sœur” du ministre, comme on dit parfois du fils de son cousin ou de sa cousine qu’il est “mon neveu” ou “ma nièce”, sans compter les raccourcis encore plus compliqués qui brouillent souvent l’identification des filiations exactes.
Puisqu’on en est toujours aux nominations, si elles peuvent susciter rejet et courroux de la population, elles sont parfois dans le droit fil de la compétence et de la connaissance, et ce, de manière indiscutable, quelque qu’aient pu être les préférences politiques passées du ou de la choisi.e.
C’est le cas de Serge Ng Tat Cheung, enseignant de carrière et recteur qui a, pendant longtemps, présidé aux destinées du collège St Joseph. Il vient d’être appelé pour prendre la direction du Mauritius Examination Syndicate. C’est un choix qui fait l’unanimité et, si c’est le ministre de l’Éducation, Mahend Gangapersad qui a pris cette décision, nous ne pouvons que le féliciter de ce choix très judicieux.
On aimerait que ce soit ainsi dans tous les domaines, que ce soit le Sport, la Culture, la Santé et d’autres secteurs qui ont non seulement besoin de compétences pointues en matière de gestion, mais une vraie connaissance du sujet. Comme Serge Ng Tat Cheung, il est des nominations dont la pertinence et l’évidence auraient parfaitement pu passer le test d’un comité de sélection indépendant.
Il y a les nominations et il y a les listes, comme celle des nouveaux Senior Counsels devenue le dernier sujet de discorde. Si certains noms ne souffrent pas de contestation parce qu’ils ont parfaitement respecté et honoré la robe qu’ils portent, il y a aussi ceux qui s’attendaient à s’y retrouver qui sont déçus, et certains promus qui sont très contestés.
Raouf Gulbul ne figure pas parmi les nouveaux Senior Counsels, alors même que sa conjointe, la chef-juge Rehana Mungly-Gulbul et quelques autres initiés du bench avaient bien inclus son nom sur la liste remise au Président de la République pour publication officielle. Le nom de l’avocat attitré du MSM a disparu. C’est une situation qui pose la question du conflit d’intérêts dans la conduite des affaires publiques et judiciaires.
Raouf Gulbul n’a pas pris de congé lorsque son épouse est devenue chef-juge. Il n’y était pas obligé d’ailleurs, la pratique ne l’interdisant pas ici, mais ailleurs, la question d’ordre moral aurait pu se poser. Il n’y a pas que la proximité avec celle qui dirige le judiciaire qui est sujet à débat.
Il y a le parcours de l’avocat. Il a été démoli par ses propres camarades de parti, Ashley Hurunghee et Samad Goolamally devant la commission Lam Shang Leen sur la drogue. Les commissaires n’y étaient pas allés de main morte sur la conduite de l’avocat. On se souviendra des piques cinglantes du président de la commission sur l’affaire de la carte SIM enregistrée au nom de son épouse, alors la juge Rehana Mungly-Gulbul.
Paul Lam Shang Leen avait déclaré qu’il était établi que le téléphone en question avait reçu des messages provenant d’un numéro enregistré en… Colombie, pays notoirement connu pour le narco-trafic et que, fait bizarre, dans la minute qui suivait ses appels, Peroomal Veeren en recevait à son tour. C’est ce qui ressortait de l’examen des puces saisies sur le trafiquant de drogue en prison.
Il y avait aussi eu l’affaire de la valise, décidément le mode de transport d’argent de prédilection du MSM et de ses affidés, en pleine campagne électorale de 2014, alors que Raouf Gulbul était le candidat de Lalians Lepep au numéro 3. L’avocat qui avait dû démissionner de la présidence de la Gambling Regulatroy Authority et de la Law Review Commission avait saisi la Cour suprême pour contester les observations de la commission avec le soutien de ses confrères attitrés du Sun Trust Ravin Chetty et Désiré Basset et il avait fini par obtenir des juges Benjamin Marie Joseph et Mary Jane Lau Yuk Poon que les paragraphes du rapport Lam Shang Leen le concernant soient biffés. Est-ce suffisant pour se retrouver sur la liste des Senior Counsels ? C’est là toute la question !
S’il y a des absents de la liste, il y a ceux dont la présence suscite des interrogations de la profession. Comme celle de Jacques Panglose dont la conduite aurait dû amener ceux qui l’ont désigné à plus de circonspection. C’est l’avocat qui avait été interdit d’exercer pendant toute une année à Rodrigues après de graves incidents qui s’étaient produits dans l’île au point où le magistrat Abraham qui présidait le tribunal alors dut réclamer une protection policière.
Il faut aller relire ce que le full bench – composé du Chef-juge Victor Glover, du Puisne Judge Abdulla Ahmed ainsi que des Juges Proag, Boolell et Sik Yuen – avait écrit en 1991 dans l’exposition de la gravité des faits et du prononcé de la décision de la sanction pour mesurer l’incongruité de son élevation au statut de Senior Counsel. À côté des absents contrits et des présents discutables, il y a pourtant de nombreux hommes et femmes de loi à la carrière irréprochable qui auraient amplement mérités d’être désignés Senior.
Cette situation impose des changements dans le mode de leur désignation. Ne serait-il pas plus judicieux que ce soit désormais un comité composé d’anciens chef-juges et juges qui ait la seule prérogative de choisir ceux qui méritent le titre de Senior Counsel, sans que quiconque ne soit disqualifié juste parce qu’il est ministre ou parlementaire ? C’est la seule voie qui éviterait les soupçons, les injustices et les polémiques.
JOSIE LEBRASSE

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