JUSTICE – Senior Counsels et Senior Attorneys  : Demande d’injonction contre l’État pour geler cet exercice de nominations

Trois avocats (Mes Jacques Tsang Mang Kin, Joyadeep Beeharry et Avinash Sunassee) ont présenté une demande d’injonction devant le juge en Chambre durant la semaine écoulée pour interdire à l’État, représenté par l’Attorney General, de procéder à la nomination de 18 Senior Counsels et de 11 Senior Attorneys, et ce, en attendant qu’il y ait résolution du Main Case, qu’ils comptent loger en Cour suprême. Ils demandent ainsi au juge en Chambre d’émettre d’urgence une injonction intérimaire, en l’absence des défendeurs, ou bien de convoquer les défendeurs pour que ces derniers puissent faire des représentations et expliquer pourquoi cette injonction ne devait pas être émise.

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Pour rappel, le bureau du président de la République avait annoncé, par voie de communiqué de presse, en date du 14 août dernier, l’élévation de 18 avocats au rang de Senior Counsel et de 11 avoués à celui de Senior Attorney. Les trois plaignants ont cité l’État – car le président de la République ne peut faire l’objet d’aucun procès devant une cour de justice –, la cheffe juge, la Senior Puisne Judge, l’Attorney General et le Solicitor General comme défendeurs. Ils ont aussi cité comme tierce parties la Mauritius Bar Association (qui regroupe l’ensemble des avocats), la Mauritius Law Society (regroupement pour les avoués), ainsi que les 18 avocats et les 11 avoués ayant été nommés Senior Counsel et Senior Attorney. Parmi les avocats cités, on peut retrouver des noms bien connus, comme Jacques Panglose, Madun Dulloo, Siddharta Hawoldar, Rama Valayden ou encore le DPP, Rashid Ahmine.

Selon les plaignants, sous la section 9A de la Law Practitioners Act, qui concerne les nominations au rang de Senior Counsel ou de Senior Attorney, c’est à la cheffe juge que revient la responsabilité de recommander une liste de noms au président de la République, ce dernier étant alors tenu de procéder aux nominations sur la base de cette recommandation. Là où le bât blesse, selon les demandeurs, c’est que si la cheffe juge, ou la Senior Puisne Judge, avait bien émis cette recommandation, elle l’avait ensuite “recalled” le 5 août, car il y aurait apparemment eu une « ingérence de l’Exécutif ». Or, malgré ce “recall”, le bureau du président est malgré tout allé de l’avant avec une liste de noms différente de celle émise par la cheffe juge ou la Senior Puisne Judge.

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Les plaignants, citant des articles de presse, affirment que le Premier ministre et le président de la République se sont rencontrés pour finaliser la liste des nominés, qui a au préalable été avalisée par le Conseil des ministres. Aussi, selon eux, il s’agit d’une « décision politique ». Ce qui, disent les plaignants, est en infraction avec la section 9A de la Law Practitioners Act, vu que le président de la République ne peut agir que sur la liste de noms recommandée par la cheffe juge. De l’avis des plaignants, la nomination de ces hommes de loi par le président, comme annoncé dans son communiqué en date du 14 août, est par conséquent « illégale, invalide et ultra vires ».

Les plaignants ont aussi souligné d’autres points dans leur affidavit. Ainsi, si le président agit de son propre chef, cela contrevient au principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs entre l’Exécutif et le Judiciaire. Les plaignants n’ont pas non plus manqué de faire ressortir qu’il n’y a actuellement aucuns critères établis pour la promotion au rang de Senior Counsel ou Senior Attorney. Ils maintiennent ainsi qu’actuellement, le processus d’élévation à ces rangs est arbitraire et opaque, et « exposed to whim, caprice or political pressure, in breach of fundamental principles of fairness ».
Dans le cas présent, ils soutiennent que ces nominations ont été faites sur une base de « political affitiation or political discrimination ». Ce qui porte atteinte, selon eux, à l’image de la justice et à l’État de droit à Maurice.

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Pour les plaignants, les nominations au rang de Senior Counsel et Senior Attorney doivent se faire sur la base du mérite. Au cas contraire, cela constitue un préjudice pour les hommes de loi méritants qui n’ont pas été nominés. Toujours selon eux, cela porte aussi atteinte à l’indépendance du barreau, vu que les avocats, qui ont pour obligation de représenter leurs clients « fearlessly », hésiteront à le faire pour certains clients afin de ne pas compromettre leur chance de promotion.

Ils maintiennent par ailleurs qu’il n’y aurait eu aucune consultation avec les Senior Counsels et les Senior Attorneys actuels, contrairement à la pratique établie par un chef juge précédant, soit durant le dernier exercice de nomination en 2016. Vu l’urgence de cette affaire, et vu que les Letters Patent n’ont pas encore été émises et que la cérémonie solennelle n’a pas encore eu lieu, les plaignants ont donc décidé d’agir par voie d’une injonction intérimaire émise d’urgence par le juge en Chambre. Car selon eux, une fois ces nominations finalisées, elles deviendront irréversibles, vu que les décisions du président de la République ne peuvent être contestées en justice. Affaire à suivre.

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