La saga de la BOM

Il y a une expression dans notre morisien – que l’on n’a malheureusement pas encore érigé en langue nationale après tant d’années de pratique, d’affirmation et de reconnaissance – qui résume bien ce qui se passe à la banque de Maurice : mari vilin ! Oui, ce n’est pas beau à voir tout ce raffut entre membres d’une institution censée incarner le sérieux, la fiabilité, la prévisibilité et la crédibilité.

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Le Premier ministre a tranché, vendredi, à quelques minutes de la réunion du Conseil des ministres : Gérard Sanspeur a dû plier bagage. L’attelage installé par Navin Ramgoolam à la tête de la banque centrale, au lendemain des élections, pour faire face à l’urgence de la gestion monétaire et ramener la confiance dans la devise nationale n’a pas marché. Il a complètement foiré. Il a abouti au grand déballage indécent de cette fin de semaine.

Méthodique, l’ancien second gouverneur de la banque centrale a porté de graves accusations contre le gouverneur toujours en poste, tandis que le gouverneur lui-même est apparu plutôt sur la défensive et obligé de construire une réplique qui n’a pas vraiment convaincu.

Les récentes révélations sur les accointances insoupçonnées entre Rama Sithanen et Pulse Analytics, le fabricant de sondages bidon pré-électoraux annonçant une razzia du MSM contre un pactole de Rs 45 millions de la Mauritius Investment Corporation, ont beaucoup choqué quant à l’existence d’un axe politique/presse des plus délétères en terme de copinage sur une base malsaine.

Le plus dramatique dans la crise qui a secoué la BOM Tower est que le gouverneur a dû expliquer et justifier le rôle de son fils, dont on ne comprend toujours pas de quoi il se mêle, entre son implication dans l’affaire Menlo Park et ses messages Whatsapp concernant les ressources humaines à la Bank of Mauritius.   

Le plus étonnant dans la séquence du vendredi, c’est lorsque Gérard Sanspeur dit qu’il a obtenu le feu vert du Premier ministre pour tenir une conférence de presse. Cela peut prêter à de nombreuses conjectures, dont celle qui suggère que le public a besoin de savoir comment fonctionne le gouverneur et quelles sont les critiques qui sont formulées à son endroit pour mieux lui préparer, lui aussi, sa sortie.

Gérard Sanspeur, cet ancien zenfan lakaz de Sir Kailash Ramdanee et donc proche de la famille du MSM, a donné des détails sur la gouvernance de Rama Sithanen qui sont suffisamment sérieux pour que le PM réagisse. Et qu’il agisse surtout sans tarder. Il est grand temps de mettre un frein à une situation qui a de quoi faire de nous la risée du monde.

La banque de Maurice est, en plus, un sujet de discorde entre les principaux partenaires de l’alliance gouvernementale. Il y a les choix malheureux du PM et les critiques publiques de son adjoint. Là aussi, il s’agit de régler au plus vite cette séquence pour que le gouvernement puisse poursuivre sa mission et honorer ses engagements électoraux en toute sérénité.

Et alors que ceux qui ont un peu trop tendance à confondre analyse lucide d’une situation et souhaits plutôt personnels ont prédit une mort précoce et imminente de l’alliance du changement, des voix autorisées sont venues considérablement doucher leur sombre prévision.

Reza Uteem, vendredi, après le Conseil des ministres, le jour même des accusations réciproques entre Gérard Sanspeur et Rama Sithanen, s’est montré catégorique sur la solidité des rapports entre partenaires gouvernementaux en qualifiant les « spéculations » sur une éventuelle cassure de l’alliance gouvernementale de « pure fiction ».

Et si certains redoutaient les annonces que devait faire Paul Bérenger à sa conférence de presse, hier, après le maintien de Rama Sithanen et l’éviction de Gérard Sanspeur, le PM donnait déjà le ton en déclarant à un confrère que lui même et son adjoint « sont sur la même longueur d’ondes ».

Paul Bérenger a, à son tour, rassuré les plus sceptiques en affirmant que « pa pu ena ruptur ant PTr et MMM, pa pu ena rupture ant Navin Ramgoolam e momem ». Même s’il a reconnu des « différends » et des « différences » entre eux, et qu’ils s’employaient à les résorber, le PM adjoint a déclaré que l’intérêt supérieur du pays commandait qu’ils poursuivent leur travail ensemble.

Les assurances données par le PM et son adjoint ont, sans doute, démoralisé ceux qui tablaient sur une cassure. Au MSM, notamment, où, avec la complicité de quelques suppôts médiatiques, certains de ses dirigeants les plus contestés ont, ces derniers temps, multiplié les sorties.

De Renganaden Padayachy à Maneesh Gobin, en passant par Ivan Collendavelloo, devenu l’avocat du triste personnage qu’est Anil Kumar Dip qui se payait des vannes sur la Vierge Marie, ils sont sortis de leur tanière ou des cellules policières où ils avaient été expédiés pour venir raconter des fables absolument ridicules. Ils devront, apparemment, tous se ronger les freins pour un bon moment encore.

Si le pays a été tenu en haleine par la saga de la BOM, il bouge, heureusement, sur d’autres fronts. Le rapport sur les zones inondables, soigneusement caché par Bobby Hureeram et le gouvernement MSM, a été rendu public, honorant ainsi un engagement électoral pris dans ce sens. Anil Baichoo est déterminé à mettre bon ordre dans le secteur de la santé, malgré les réflexes corporatistes qui perdurent au détriment du service aux patients.

La première intervention étatique sur les prix a quelque peu soulagé les consommateurs. La ministre des Droits de la Femme, avec le concours de plusieurs organismes, a réussi à trouver une issue heureuse au drame du bébé retrouvé dans un sac de jute accroché à un portail à Stanley.

Il y a certainement un mécontentement quant à la lenteur de la réalisation des promesses électorales, mais il est quand même assez éloquent que les centres commerciaux et les salons de promotion aient attiré hier la grosse foule, pendant que la marche sur le report de la pension à 65 ans réunissait une poignée de participants.

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