Le Land Drainage Master Plan (LDMP) a été officiellement présenté durant la semaine par le ministre des Infrastructures nationales, Ajay Gunness. Ce rapport livré en 2022 identifie les zones à haut risque d’inondations du territoire mauricien. La publication et la dissémination de ce document informatif qui n’avait pas été rendu public dans son intégralité par l’ancien gouvernement ont été maintes fois demandées par les différents collectifs citoyens engagés dans la protection de l’Environnement. Le Master Plan est désormais disponible et peut être consulté sur le site : www.lda.gov.mu.org.
16 sites ont été formellement identifiés comme zones à haut risque d’inondation. Ces endroits sont Nouvelle-France, Bel-Ombre, Grand-Baie/Pereybère, Flic-en-Flac, Port-Louis-Rivière-du-Pouce, La Poudrière, Ruisseau des Créoles, Port-Louis La Paix, Canal Anglais, Port-Louis/Canal Dayot, Port-Louis/Rivière Lataniers, Henrietta/Malakoff, Pointe-aux-Sables, Roche-Bois, Coteau Raffin, Clemencia/Pont Lardier, Mapou, Piton, Cottage, Flacq, Vacoas, Quatre-Bornes, Camp Caval-Curepipe.
« Le Land Drainage Master Plan dit que ces endroits sont à haut risque. Ces seize endroits peuvent être catégorisés en deux zones : là où les constructions ne peuvent pas être autorisées (No-Go Zone) et là où on peut construire seulement en verticale (No-Expansion Zone). La No-Go Zone couvre 11% de la superficie des terres à Maurice, soit 218,33 kilomètres carrés. La non-expansion zone représente 4,5%, soit 94,01 kilomètres carrés. En somme, les zones inondables complètes représentent 15,5% de la superficie totale des terres de Maurice », a déclaré Ajay Gunness lors de la conférence de presse.
Ce dernier a vertement critiqué l’ancien gouvernement qui malgré les deux comités en place en 2022 après la parution du LDMP. « Zot finn dormi lor rapor-la. Et pourtant l’ancien régime dit qu’il avait budgété une somme de Rs 12 milliards pour s’occuper du volet Land Drainage. Au final, c’est seulement 7% des travaux qui ont été réalisés depuis que le Master Plan est prêt », a-t-il dit. Par ailleurs, un nouveau comité technique a été récemment mis en place.
« Ce comité technique a recommandé la mise sur pied d’un plan d’évacuation d’urgence et des protocoles de sécurité pour les seize sites. Nous allons travailler ce plan en collaboration avec le National Disaster Risk Reduction and Management Centre et les collectivités locales. La saison des pluies est presque derrière la porte et la priorité des priorités demeure de préparer ce plan. Nous allons nous donner un délai de deux mois pour mettre au point ce plan d’évacuation ainsi que le protocole. Nous allons aussi effectuer un Detail Risk Mapping, où nous allons démontrer ces No-Go Zones et No-Expansion Zones pour la population », a-t-il précisé.
En outre, le Digital Elevation Model (DEM) sera aussi rendu public. « Ce sera un outil qui sera mis à la disposition des experts pour qu’ils connaissent la topographie des sites. Avec cet outil, on saura durant la période des grosses pluies où l’eau de pluie est accumulée ou canalisée. Il sera possible donc de faire des simulations grâce à des logiciels appropriés », dit-il. Le LDMP sera mis à la disposition des investisseurs fonciers. « Nous allons aussi venir de l’avant avec une restructuration complète et renforcer le personnel de la Land Drainage Authority, qui dispose jusqu’à tout récemment de deux personnes. Nous allons procéder au recrutement de 28 personnes malgré le fait que la situation financière est difficile. Nous recherchons également des soutiens », a précisé Ajay Gunness.
Par ailleurs, la Land Drainage Authority va bientôt lancer une campagne de sensibilisation sur les endroits à risque et sur la nécessité de ne pas jeter des déchets dans les drains. C’est dans cette même ligne qu’une Fixed Penalty dans la fourchette de Rs 2000 à Rs 10 000 sera applicable à partir du 1er octobre prochain pour le déversement des eaux pluviales sur la route sera appliquée. Les propriétaires dans l’industrie sucrière seront également appelés à construire des puits pour empêcher l’eau pluviale d’inonder des routes. Cette eau pourrait éventuellement être servie en période de sécheresse.
Carina Gounden (Mru2025) : « Un pas important pour la démocratie environnementale »
« La publication du Land Drainage Masterplan (LDMP) et du Digital Elevation Map (DEM) constitue une avancée majeure. Voilà des années que la société civile demandait que ces données soient rendues publiques. Leur mise à disposition représente un pas important pour la démocratie environnementale : chaque citoyen doit pouvoir accéder à des informations vitales pour se préparer et se protéger », affirme Carina Gounden, porte-parole de l’ONG Mru2025.
Elle avance que « cependant, il faut aussi regarder en arrière. Alors que le gouvernement précédent détenait déjà ces informations, des autorisations ont été données à des projets immobiliers sur les pentes des montagnes, à des villas de luxe ou encore à des centaines d’unités qui ont artificialisé massivement les sols en amont. Résultat : les villages situés en contrebas subissent aujourd’hui davantage d’inondations. Nous n’oublions pas non plus que l’ancien ministre des Infrastructures publiques avait déclaré au Parlement que “le public n’a pas à tout savoir.” »
Elle avance par ailleurs que les données publiées datent de 2019. « Depuis, la pression immobilière s’est aggravée et les épisodes de pluies intenses, concentrées sur de courtes durées, se sont multipliés. Ce plan permet de voir où chacun se situe littéralement par rapport aux risques, mais il révèle aussi l’ampleur des dégâts causés par la négligence et le refus de partager l’information. Car un drain ne fait que transférer l’eau d’un point A à un point B. Une véritable gestion des inondations suppose une approche intégrée : agir en amont, préserver les forêts, zones humides et plaines inondables, freiner l’artificialisation des sols et coordonner les politiques publiques. Sans gouvernance cohérente ni suivi rigoureux, ce plan restera lettre morte. »
Carina Gounden avance aussi que « le LDMP met aussi en évidence une réalité difficile : certaines régions deviendront inhabitables avec le temps » et affirme que le National Land Development Strategy et les Outline Planning Schemes devront désormais intégrer ces données. Selon elle, toutes ces mesures doivent s’inscrire dans une vision de long terme : harmoniser le Land Drainage Masterplan avec l’Environmentally Sensitive Areas (ESA) Bill, la cartographie des zones sensibles et le National Development Strategy.
« Nous attendons également que le rapport du Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM) sur les risques côtiers soit rendu public. Combiné avec la cartographie des risques de la LDA, il donnera une vision plus claire pour bâtir une île plus résiliente et mieux préparée. Car les dangers viendront autant des pluies que de la mer, qui gagne du terrain. »
Adi Teelock (PML) : « Le LDMP doit être intégré dans un plan d’aménagement du territoire national »
Pour Adi Teelock de Platform Moris Lanvironnman (PML), la mise à disposition du public du Land Drainage Master Plan (LDMP) et du Digital Elevation Model (DEM) était long overdue. « Il était impensable que de tels documents d’un si grand intérêt pour les Mauriciens et réalisé avec des fonds publics n’aient pas été rendus public pendant des années. Maintenant, il s’agit de voir comment les autorités vont les utiliser, et quels moyens et facilités seront offerts au public pour les comprendre et les utiliser, sinon ils n’auront servi à rien. Il faut aussi mettre en place des mécanismes efficaces de soutien aux petits propriétaires qui ne pourront plus construire sur leur terrain ou seront sujets à des conditions strictes de construction », souligne-t-elle.
Elle explique qu’entre autres, « le LDMP préconise l’adoption de Solutions fondées sur la Nature (SFN) au sein de Sustainable Drainage Systems (SuDS) au lieu de drains en dur uniquement dans la gestion des eaux pluviales en zones urbanisées, ce qui est une avancée — et que nous préconisons depuis des années. Cependant, ceci ne suffit pas. Ce n’est pas parce que de nouvelles zones urbanisées vont mettre en place des SuDS qu’elles peuvent être autorisées. Le système naturel de gestion des eaux pluviales sur tout le territoire a été tellement malmené pendant des siècles qu’il n’est plus en mesure de fonctionner comme il le faut. Il est donc essentiel de penser en termes d’écosystèmes naturels interconnectés entre eux du sommet de la montagne au récif. C’est pour cela que pour devenir un outil de planification territoriale dans le contexte du changement climatique, le LDMP doit être intégré dans un plan d’aménagement du territoire national qui tient compte des défis du changement climatique. »
Adi Teelock avance aussi que « le ministère du Logement et des Terres avait déclaré qu’il ne pouvait finaliser la National Land Development Strategy (NDLS) en attente depuis 2020, car il n’était pas encore en possession du LDMP. J’ouvre une parenthèse pour dire qu’il n’y a pas eu de réelles consultations publiques lors de la préparation du NDLS sous l’ancien gouvernement, et nous espérons que le gouvernement du Changement va remédier à cela. »
Elle poursuit que « pour PML, avec l’appui du LDMP, la finalisation de la NLDS est l’occasion d’apporter une véritable transformation, voire une rupture, dans la façon d’utiliser le territoire national afin de bâtir la résilience face au changement climatique. L’adaptation au changement climatique est un défi existentiel pour nous citoyens mauriciens. Que ce soit en termes de disponibilité de terres pour la culture vivrière, de la gestion des ressources en eau et des eaux pluviales, de la protection et de la réhabilitation des écosystèmes naturels, de terrains sécurisés à bâtir, etc. Ici, un des aspects cruciaux de l’occupation du territoire à prendre en compte est la disparité sociale. Les ménages à bas revenus sont les plus vulnérables sur tous ces plans. Il n’est donc pas seulement question d’écologie ou d’environnement, mais de justice sociale, de justice climatique et de justice environnementale — toutes liées entre elles d’ailleurs. »