Le livre de l’écrivaine mauricienne, « La nuit au cœur », fait partie des 15 romans présélectionnés
« La nuit au cœur », le dernier roman de l’écrivaine mauricienne Nathacha Appanah paru aux éditions Gallimard il y a une dizaine de jours, fait partie de la sélection des quinze romans en lice pour le Prix Goncourt 2025. Le jury présidé par Philippe Claudel a dévoilé sa première sélection pour le prix le plus prestigieux du monde littéraire hier. Le prix sera décerné le 4 novembre après une deuxième sélection et les noms des quatre finalistes révélés le 28 octobre.
« La nuit au cœur » a paru dans la collection Blanche chez Gallimard. Dans une vidéo promotionnelle diffusée peu avant la sortie du roman par la maison d’édition, le lecteur pouvait déjà prendre la mesure de la force et de la qualité littéraire de ce qui l’attend dans « La nuit au cœur », à travers la lecture d’un extrait que l’autrice en fait, d’une voix posée et puissante. Chacune des trois histoires commence de la même manière : une date, une femme et son âge. Elle « court pour échapper à son mari ». Ce motif conducteur dynamise la narration de l’histoire de trois femmes.
Et Nathacha Appanah termine sa lecture par l’extrait qui suit : « De ces nuits et de ces vies, de ces femmes qui courent et de ces cœurs qui luttent, de ces instants qui sont si accablants qu’ils ne rentrent pas dans la mesure du temps, il a fallu faire quelque chose. Les écrire, les regarder en face, les peser chacun leur tour et aussi ensemble, les comparer, les mettre côte à côte bien au chaud, à l’abri dans ce livre. Il a fallu dire le nom de ces femmes des dizaines de fois jusqu’à parfois croire en leur présence, leur poser des questions et entendre leur voix dans l’écho de ce qui n’est plus. Il a fallu rêver cet éternel rêve d’un nous et d’un récit commun. Ce nous composé de trois femmes, ce récit commun tressé de trois voix mais toujours se réveiller seule. Il y a l’impossibilité de la vérité entière à chaque page mais la quête désespérée d’une justesse au plus près de la vie, de la nuit, du cœur, du corps et de l’esprit. De ces trois femmes, il a fallu commencer par la première, celle qui vient d’avoir 25 ans quand elle court et qui est la seule à être encore en vie aujourd’hui. Cette femme c’est moi ! »
Cette dernière phrase donne froid dans le dos. Elle est d’autant plus bouleversante que l’auteure parle de sa propre expérience qui, de surcroit, ouvre le roman.
Dans une interview accordée à Cultura, Nathacha Appanah affirme qu’elle a toujours envisagé ce livre « comme un texte littéraire, sans genre précis où plutôt au carrefour de plusieurs genres. Ce qui m’importait c’était la langue, l’écriture du temps (trois femmes ont vécu à des périodes différentes) et la dignité à chaque page. »
Elle résume l’histoire en ces mots : « la nuit au cœur entrelace les histoires de trois femmes qui ont vécu sous le joug de leur compagnon et qui, pour deux d’entre elles, sont mortes sous leurs coups. Je voulais retracer, comme on pourrait dire repeindre, leur existence. Montrer sans démontrer, décortiquer ces prisons intimes où l’amour est changé en poison. »
Les éditions Gallimard évoquent le déclic de l’écriture de ce roman par l’autrice : « Quand Nathacha Appanah apprend, en 2021, la mort de Chahinez, brûlée vive par son mari en pleine rue près de Bordeaux, elle ne peut qu’affronter son propre récit de violence et aussi celui de sa cousine, Emma, tuée par son mari à l’île Maurice en 2000. » Ainsi, « elle livre son expérience terrible entre les mains d’un homme puis mène l’enquête pour reconstituer l’engrenage dans lequel Chahinez et Emma ont été prises. Elle cherche la vérité de ces femmes, par-delà le temps et les secrets, avec la parole des vivants et le murmure des fantômes. »
C’est la deuxième fois qu’un roman de Nathacha Appanah fait partie de la première sélection du Prix Goncourt. La première fois, c’était en 2016, pour son roman « Tropiques de la violence » avec pour décor l’île de Mayotte.
L’Académie Goncourt est présidée par Philippe Claudel depuis mai 2024 succédant à Didier Decoin. Il rassemble Pascal Bruckner, Tahar Ben Jelloun, Camille Laurens (secrétaire générale), Pierre Assouline, Éric-Emmanuel Schmitt, Françoise Chandernagor (vice-présidente) et Christine Angot.
Les quinze romans retenus en 2025 :
Nathacha Appanah, La nuit au cœur, Gallimard
Emmanuel Carrère, Kolkhoze, P.O.L
David Deneufgermain, L’adieu au visage, Marchialy
David Diop, Où s’adosse le ciel, Julliard
Ghislaine Dunant, Un amour infini, Albin Michel
Paul Gasnier, La collision, Gallimard
Yanick Lahens, Passagères de nuit, Sabine Wespieser
Caroline Lamarche, Le bel obscur, Seuil
Hélène Laurain, Tambora, Verdier
Charif Majdalani, Le nom des rois, Stock
Laurent Mauvignier, La maison vide, Minuit,
Alfred de Montesquiou, Le crépuscule des hommes, Robert Laffont
Guillaume Poix, Perpétuité, Verticales
Maria Pourchet, Tressaillir, Stock
David Thomas, Un frère, L’Olivier