Les nettoyeurs 

De vrais professionnels du “nettoyage”. Ça ne doit pas être une coïncidence que tous ceux qui, un jour ou l’autre, sont accusés de blanchiment d’argent sale provenant du trafic de drogue ou d’autres activités illicites aient une ou deux compagnies engagées dans le “nettoyage”. Derrière le nettoyage physique et de façade, il apparaît que c’est surtout celui d’importants fonds illégaux qui passent à la lessiveuse.

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Qu’ils s’appellent Wendip Appaya, l’homme aux multiples bolides clinquants se chiffrant à Rs 79 millions, ou Allysaheb Ashik Ameersahen Jagai, fils du “terrible” Ashik Jagai, tous ont, invariablement, des sociétés qui sont engagées dans le nettoyage, de voitures, de sites et de bâtiments.

Le récurage à haute pression, çà les connaît et c’est ainsi qu’ils sont soupçonnés de pratiquer celui des nombreux billets de banque souillés qu’ils recyclent sous le couvert de compagnies, existantes, certes, mais aux activités factices et qui font, en réalité, office d’écran et de couverture d’actes illégaux.

Ce que la FCC est en train de démonter est, sans doute, salutaire, mais il ne fait que confirmer les soupçons sur une coalition entre policiers et trafiquants de drogue avec comme bonus l’argent du “reward money” qui atterrit sur les comptes personnels de quelques-uns d’entre eux.

C’est cette nébuleuse qui explique que certains trafiquants notoires comme Franklin aient échappé à la police pendant que ses concurrents, ceux qui menaçaient son monopole régional, étaient traqués. Il a fallu que l’île voisine s’y mêle pour que celui qui régnait sur l’ouest avec la complicité des barons politiques de la région soit finalement remis à la justice réunionnaise.

À part le nettoyage, il y a aussi les voitures, bien entendu, toujours, bien bichonnées. Toujours plus grosses et plus sophistiquées à coups de millions. Si ce ne sont pas des Ford Raptor ou Mustang, ce sont des Mc Laren ou des BMW aux caractéristiques très particulières. Comment des engins aussi rutilants et clinquants, qui attirent normalement tous les regards, n’aient pas éveillé les soupçons des autorités.

On comprend que la mafia avait infiltré la police sous le MSM, mais la Mauritius Revenue Authority avait, elle aussi, rejoint la triste cohorte ? Lorsqu’on sait que sous le précédent régime, il a été, par exemple, demandé à un contribuable de venir justifier une déduction pour une assurance santé, qui revenait chaque année sur sa fiche d’impôts, et que des malfrats peuvent, eux, exhiber leurs grosses cylindrées valant des millions sans qu’il leur ait été demandé d’où proviennent leurs sources, il y a de quoi pousser le citoyen lambda à l’exaspération, si ce n’est à la révolte.

En scrutant ce que se passe avec le “reward money” avec des millions placés sur des comptes personnels de policiers et le retrait quotidien d’un million de roupies tous les jours avant les dernières élections générales, sans qu’il y ait eu le moindre “suspicious transaction reporting”, d’honnêtes citoyens, à qui il arrive de faire un dépôt de quelques milliers de roupies, ont bondi. Avec raison.

Un client de la banque d’État raconte qu’il allait faire un dépôt de Rs 150 000 suivant la vente de sa voiture de troisième main à une famille dont les enfants, tous salariés, avaient contribué, à partir de leurs petites épargnes, pour se payer ce véhicule.
Arrivé au comptoir de ladite banque, le vendeur s’est vu refuser son dépôt et prié de revenir avec la justification et la preuve de l’origine de l’argent ainsi que les papiers de vente de son tacot. Ce qui fut fait, mais qui a consommé du temps précieux pour le vendeur.

Voilà ce qui se passait il n’y a pas si longtemps, lorsqu’une clique qui avait investi toutes les institutions du pays harcelait d’honnêtes gens pendant qu’ils fermaient les yeux sur les vrais trafiquants, sur un enrichissement personnel même pas dissimulé.
Tout cela avec leurs complices au sommet de la hiérarchie policière et de ceux qui prétendaient casser les reins de la mafia. Le radar dont se vantait le leader du MSM, probablement déréglé, ne balayait que les opposants tout en laissant prospérer les mafieux.

Et s’agissant de nettoyeurs, il arrive parfois qu’ils ne soient pas exactement là où on les attend. Il en est ainsi de cette tentative grotesque et maladroite de blanchir ceux qui défilent au Réduit Triangle ? Ceux-là invoquent une déclaration datant de près d’une dizaine d’années pour tenter de glorifier les voleurs qui ont détourné Rs 250 millions de fonds publics destinées aux informateurs de la police.

Alors que ce qui est présenté comme la “solidarité” ou la “cohésion” n’est, en fait, rien d’autre que le bon et vieux fonctionnement mafieux qui consiste à se couvrir les uns et les autres. Soit avoir un ou des parrains et de multiples bénéficiaires et complices à tous les niveaux de la hiérarchie. Ce qui explique le silence complice qui les lie.

Le haut fait d’armes attribué à Ashik Jagai par ces relais insoupçonnés est la saisie des 135 kilos d’héroïne d’une valeur estimée à Rs 2 milliards en 2017. La suite, on la connaît. C’était un tel exploit que huit ans après, toujours rien. Pas la plus petite condamnation.
Navind Kistnah, le supposé commanditaire, parti la veille de la saisie, avait été ramené à Maurice par le chef du National Security Service, Lockdev Hoolash, aujourd’hui décédé, et le surintendant Lilram Deal de l’unité antiterroriste attachée au bureau de Pravind Jugnauth. Le dernier nommé est aujourd’hui en liberté conditionnelle pour détournement allégué du “reward money”. Que du beau monde que l’on retrouve dans cette toile d’araignée tissée autour d’un système bien rodé.

Dans cette affaire, Kisnah est toujours en détention préventive, tandis que celui qui est présenté comme le cerveau de toute la chaîne, le courtier maritime Homunchal Kumar Ramdin, avait, lui, rapidement et curieusement, bénéficié d’une libération sur parole, avant de disparaître aussitôt dans la nature, lui qui était un “ami” de Geanchand Dewdanee, un agent du MSM.

Voilà, huit ans après, l’exploit toujours attribué par certains, toute honte bue, à Ashik Jagai et de ses amis “solidaires” en uniforme… souillé. De qui se moque-t-on ?

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