À partir du 1er octobre, tous les visiteurs de 12 ans et plus devront s’acquitter d’une taxe de séjour de 3 euros par nuit passée dans un hébergement touristique. Ce Tourist Fee, inscrit dans la loi via des amendements à la Tourism Authority Act, marque une évolution majeure. Elle vise à élargir la base fiscale, formaliser l’hébergement et générer des recettes supplémentaires pour soutenir l’industrie. Mais cette mesure, saluée par certains, suscite aussi des réserves, notamment du côté des hôteliers déjà soumis à d’autres prélèvements.
Annoncée lors du dernier budget, le Tourist Fee se concrétise avec la publication d’un guide pratique par la Mauritius Revenue Authority (MRA). Ce document détaille les modalités d’application : enregistrement obligatoire des établissements, collecte de la taxe auprès des touristes et paiement mensuel en ligne. Sont concernés l’ensemble des hébergements touristiques – hôtels, Guest Houses, résidences, villas et domaines – déjà enregistrés ou appelés à se faire enregistrer auprès de la Tourism Authority. Les Managers d’établissements existants ont jusqu’au 25 pour se conformer, tandis que les nouveaux opérateurs disposeront d’un délai de 14 jours après le début de leurs activités.
La taxe s’appliquera à tous les visiteurs âgés de 12 ans et plus, sauf exceptions : résidents mauriciens, membres de la diaspora voyageant avec un passeport mauricien, détenteurs de Premium Visa ou de Residence Permit, ainsi que les touristes bénéficiant d’un séjour gratuit. La MRA insiste sur la rigueur attendue des opérateurs : « The manager of a tourist accommodation is required to file monthly returns through the MRA website. The return with respect to a month is required to be submitted to MRA together with the payment of the tourist fee corresponding to that month on or before the end of the following month. »
Déclarations mensuelles et paiements en ligne
Le dispositif repose sur une déclaration électronique mensuelle. Chaque Manager d’établissement devra indiquer le nombre de touristes hébergés, les exemptions accordées et le montant collecté. Le règlement devra s’effectuer au plus tard à la fin du mois suivant. Ainsi, pour les nuitées d’octobre prochain, la déclaration et le paiement devront être soumis au plus tard le 30 novembre. Un point notable : Rodrigues est exemptée de cette taxe, ce qui réjouit les opérateurs rodriguais. Cette exception s’inscrit dans une logique de différenciation fiscale, adaptée aux réalités économiques et touristiques de l’île.
Le gouvernement met en avant un objectif de transparence et de formalisation. Mais sur le terrain, la mesure fait débat. Les hôteliers rappellent qu’ils contribuent déjà via plusieurs prélèvements : l’Environment Protection Fee (EPF) et, pour les grands groupes, le Corporate Climate Responsibility Levy. « Une taxe particulière de 3 euros par nuitée, même si elle exclut les enfants, reste une taxe additionnelle sur le secteur », soulignent certains. En pratique, cela représente 42 euros pour un couple séjournant une semaine à Maurice. Pour une famille de quatre personnes, la facture grimpe rapidement, ce qui peut peser sur les budgets plus modestes.
Financer le développement touristique
Pour d’autres, cette taxe représente une opportunité. Daniel Saramandiff, consultant et président de l’Association of Tourism Professionals (ATP), se veut optimiste. « Le Tourist Fee sera dans une certaine mesure un avantage, car il permettra de générer davantage de fonds pour l’industrie touristique. Ces fonds pourraient être utilisés, par exemple, pour rénover des sites emblématiques comme le Jardin de Pamplemousses, ou encore pour investir dans la protection de l’environnement et la sécurité, des aspects essentiels pour les communautés locales comme pour les visiteurs », croit-il savoir en ajoutant que Maurice ne fait que s’aligner sur une pratique mondiale. « Dans de nombreux pays à travers le monde, les touristes doivent payer ce type de taxe. Ce qui importe, c’est que le gouvernement utilise ces revenus de manière transparente et informe la population sur leur gestion », dit-il.
Pour l’économiste Bhavish Jugurnath, l’enjeu dépasse la seule collecte de fonds. « L’enregistrement des hébergements touristiques et l’introduction d’un Tourist Fee sont des mesures qui peuvent façonner l’avenir de notre secteur. En intégrant toutes les formes d’hébergement, y compris les locations informelles, nous assurons une concurrence plus équitable et une meilleure visibilité statistique », estime-t-il.
Selon lui, cette taxe ouvre la voie à des financements publics ciblés. « Cela signifie davantage de revenus pour le pays, une compétition plus juste et de meilleures données pour planifier l’avenir. Ces fonds peuvent être réinvestis dans ce qui compte vraiment : l’entretien de nos plages, l’amélioration du transport, la gestion des déchets et la préservation de notre patrimoine culturel. Lorsque les touristes voient les bénéfices de leur contribution, ils ont le sentiment de participer à la construction d’une destination durable » , poursuit-il.
Mais il met aussi en garde contre les dérives possibles. « L’enregistrement et la conformité peuvent être perçus comme un fardeau pour les petits opérateurs. Si le processus est trop compliqué, certains chercheront à y échapper. Et si l’argent collecté n’est pas utilisé de façon transparente et judicieuse, il sera vu simplement comme une taxe de plus », concède-t-il.
Pour lui, tout repose sur l’équilibre. « Le système doit rester simple, équitable et transparent. Et surtout, les bénéfices doivent être visibles, autant pour les visiteurs que pour les communautés locales. Si nous atteignons cet équilibre, alors la Tourist Fee ne sera pas seulement une source de revenus, mais aussi un levier pour améliorer la qualité des services, renforcer notre réputation et garantir un avenir durable pour l’industrie touristique. »
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Rationaliser la fiscalité
Le CEO de l’Association des hôteliers et restaurateurs de l’île Maurice (AHRIM), Jocelyn Kwok, appelle les autorités à procéder à une harmonisation des taxes frappant l’hôtellerie.
« Nous espérons que les recettes de cette nouvelle taxe seront effectivement utilisées pour le tourisme, mais rien n’est sûr… Nous savons déjà que les recettes de l’ Environmental Protection Fee (Rs 650 millions en 2024/25, dont Rs 544 millions provenant des hôtels) partent directement au Consolidated Fund », déclare-t-il.
« Nous avons donc demandé aux autorités de rationaliser la fiscalité verte frappant l’hôtellerie; nous payons deux taxes au titre de l’environnement : l’EPF sur le chiffre d’affaires et la CCR Levy sur les profits pour les gros opérateurs. L’introduction de cette nouvelle Tourist Fee/taxe de séjour rend l’EPF moins pertinente; il serait judicieux de viser son élimination à terme car la Tourist Fee pourrait chaque année nous ramener plus de Rs 2 milliards – si elle est bien mise en œuvre, notamment pour atteindre les hébergements non enregistrés auprès de la Tourism Authority », affirme-t-il.