Le Dr Claude Grange, généraliste praticien hospitalier, spécialisé en médecine palliative, est reconnu pour son excellent travail accompli dans le domaine de la médecine palliative en France, une approche qui vise à améliorer la qualité de vie des patients en fin de vie. Il est aussi l’auteur du Dernier souffle – Accompagner la fin de vie, paru chez Gallimard et bientôt chez Folio, qu’il a coécrit avec le philosophe Régis Debray et qui a inspiré le réalisateur Costa-Gavras pour un film sorti en février 2025 et qui marquera bien des esprits.
La décision de se tourner vers les soins palliatifs pour le Dr Grange a surgi lorsqu’il a été confronté à la mort de ses patients. Des épreuves qui l’ont ému et bouleversé. Il a alors réalisé qu’il lui fallait une formation en soins palliatifs. L’autre facteur qui l’a marqué est la mort de son quatrième enfant, Augustin. « Quand on a été reçu avec tout le soutien émotionnel, que ce soit au niveau professionnel et relationnel dans le cadre du décès de mon fils, je me suis dit qu’il me faudrait rendre ce que j’ai reçu. D’où mon investissement dans les soins palliatifs », témoigne-t-il.
Avenant, toujours prêt comme médecin à aider ses patients, le Dr Claude Grange en est à sa septième visite à Maurice. Sa démarche comme médecin en soins palliatifs est claire et s’inscrit dans un but précis, soit l’importance d’accompagner les patients et leurs proches jusqu’au bout, avec humanité et dignité. Il explique que cette année il est revenu pour accompagner la clinique Ferrière dans son unité de soins palliatifs.
Après 25 ans à la tête d’une unité en France, le Dr Claude Grange vient ainsi partager son expertise auprès de l’Unité des soins palliatifs de la clinique Ferrière de Bon Secours à laquelle il avait déjà apporté sa contribution à sa création. Son passage il y a quelques semaines dans cet établissement a été consacré à la formation en continu des équipes médicales et paramédicales ainsi qu’à la sensibilisation du grand public. Les objectifs étaient de renforcer l’expertise, dynamiser les équipes et inscrire durablement le projet de soins palliatifs dans l’avenir.
Haro sur l’acharnement thérapeutique
L’idée de lancer des soins palliatifs à la clinique Ferrière revient aux Sœurs du Bon et Perpétuel Secours qui voulaient y apporter un nouveau souffle . Selon le médecin, les sœurs ont eu le mérite de développer les soins palliatifs qui répondent à l’engagement inlassable de mère Augustine, grande figure de Maurice, à qui on doit la construction d’écoles, d’orphelinats et d’établissements de santé.
À la clinique Ferrière, selon le Dr Grange, les sœurs du Bon et Perpétuel Secours lui ont fait l’honneur de donner à une aile de l’établissement le nom d’un de ses fils, Augustin Grange, nouveau-né mort subitement. Le Dr Grange dira que les soins palliatifs concernent les personnes atteintes d’une maladie incurable. « Il faut soulager, voire accompagner le malade, au lieu de faire de l’acharnement thérapeutique. Dans les lois françaises, l’acharnement est illégal, un crime puni. Il faut avoir la sagesse d’opter pour une prise en charge palliative. »
Pour lui, beaucoup de personnes pensent à tort que les soins palliatifs équivalent à abandonner un traitement. Or, explique le Dr Grange, c’est plutôt l’inverse dans la mesure où les soins palliatifs aident les patients à mieux tolérer leurs traitements et à en tirer davantage de bénéfices. « Les soins palliatifs n’abrègent pas la vie mais aident à son prolongement en renforçant le contrôle et la résilience. » Il se réjouit que l’Unité des soins palliatifs de la clinique Ferrière de Bon Secours et ses équipes s’engagent chaque jour à accompagner les patients avec bienveillance, dignité et expertise et les aide à vivre pleinement leurs parcours de soins sans douleur inutile, sans isolement et surtout sans jamais perdre espoir.
« Le patient doit être un sujet de soins »
Le Dr Grange reconnaît que même si le rôle d’un médecin est de guérir un patient, toutes les maladies ne peuvent être guéries. « On est à la fois contre l’acharnement thérapeutique et contre l’euthanasie. » Et d’ajouter toutefois que les médecins n’ont pas été formés à la médecine palliative qui est pour lui « une médecine de sagesse et d’humilité. Quand on ne peut pas guérir, il faut accompagner le patient et donner les soins en fonctions de ce qu’il souhaite. J’ai remarqué qu’on a peur de dire la vérité aux malades et la famille vient souvent nous dire : “Docteur, il ne faut surtout pas lui dire, il ou elle ne le supportera pas.” Le patient ne doit en aucun cas être l’objet de soins, mais plutôt un sujet de soins, il faut dire la vérité au patient pour qu’il reste acteur de sa vie jusqu’au bout ».
Concernant son livre Le dernier souffle qu’il a écrit avec le philosophe Régis Debray, il a relaté avoir été invité à une soirée avec les Debray et lui en son for intérieur s’était dit que c’est un milieu intellectuel où il n’avait pas sa place. « J’y suis allé et j’ai été surpris de voir que Régis Debray est d’une grande culture et il était concerné par les soins palliatifs, ayant eu un problème cardiaque et vasculaire. Il m’a dit qu’il appréciait mon métier avec cette phrase : “Vous rendez humain ce qui ne l’est peut-être pas”. Je l’ai invité à passer une journée aux soins palliatifs, à Houdan, pour voir notre travail. Il m’a fait part de sa surprise de la manière dont on parlait aux malades, à leurs familles et je lui ai dit: “Régis, il vous manque un livre, il faut écrire dessus”. Il m’a répondu : “C’est vous qui allez l’écrire”. On a écrit Le dernier souffle ensemble. » Le livre, basé sur les expériences du Dr Grange, vise à sensibiliser la société et faire développer la technique des soins palliatifs afin de changer l’attitude des gens sur le déni de la mort.
Le Dr Grange se dit heureux d’exercer ce métier: « Quand je pense au livre Le dernier souffle que j’ai coécrit avec Régis Debray, pour moi, c’est ce dernier souffle qui m’a été transmis à la fois par mon fils, Augustin, et ici, à la clinique Ferrière, qui s’appelle unité Mère Marie Augustine. Je pense que de là-haut, Mère Marie Agustine et Augustin ont dû se parler et que le souffle il vient peut-être de là-haut pour faire évoluer cette médecine palliative, caritative. Son objectif n’est pas le profit mais le juste soin pour le patient et lui rendre sa dignité. »

