Travaux de protection côtière : Face aux dégâts, habitants et Ong réclament un moratoire

«  Nous maintenons notre demande de moratoire sur les travaux de protection côtière sur la plage d’Albion  », affirment Platform Moris Lanvironnman (PML) représentée par Nalini Burn, Eco-Sud par Sébastien Sauvage, Mru2025 par Carina Gounden, Coral Garden Conservation par Gilbert Ricot et des habitants d’Albion. Une Site Visit a été organisée pour faire un état des lieux des travaux de protection côtière prévus sur la plage d’Albion. Ces travaux, commandités par l’Albion Fisheries Research Centre (AFRC), consistent entre autres à construire un mur de revêtement sur plus de 390 mètres de plage… Une incohérence, selon des Ong et des habitants de la localité, qui ne comprennent pas comment l’enrochement pourrait stopper l’érosion côtière alors que l’enrochement a lui même participé à l’érosion d’une partie de la plage.
La plage publique d’Albion demeure une des rares plages à ce jour encore «  intacte  ». Du moins celle visible à l’œil nu et accessible au public. Car l’envers du décor est tout autre. En effet, si comme nous l’explique un des habitants, M. Alan, la plage publique d’Albion ne montre heureusement aucun signe d’érosion côtière, de par une dynamique des vagues et du sable qui fonctionne naturellement bien, c’est en allant plus loin que les choses se gâtent.
En direction de l’hôtel Club Med La-Plantation, une première anomalie : une sortie d’eau en béton provenant de l’AFRC. «  Nous ne savons pas ce qu’il y a dans cette eau que les gens d’AFRC utilisent pour leurs activités. Que contient-elle  ? En tout cas, nous, les gens de mer, nous voyons les effets que cela a sur l’écosystème marin. Nous avons de moins en moins de poissons », confie Ibrahim, un pêcheur d’Albion âgé d’une vingtaine d’années.
Si rien n’est à signaler sur la partie Sud de la plage publique, c’est sur la partie Nord que l’érosion côtière fait ravage. En face de l’AFRC, la petite anse bordée de deux structures en béton est en effet entièrement érodée. Des arbres complètement déracinés jonchent la plage, les barrages ont été arrachés par la force des vagues, des câbles électriques du CEB sont dangereusement à découvert et la dalle en béton installée il y a plus de 20 ans par l’AFRC est suspendue en l’air…
Une scène désolante qui montre l’urgence d’agir, oui, mais de manière réfléchie. Sauf que l’AFRC a décidé de construire un mur de revêtement de 3,3 mètres de haut sur 396 mètres de plage, entraînant l’extraction de 6 740 m2 de sable.

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Des failles dangereuses

«  Vous voyez bien que c’est à cause de ces deux gros murs en béton, dont l’un ne tient presque plus, que la plage s’est érodée. La partie sud n’est pas affectée par l’érosion côtière, car il n’y a pas de structures grises sur la plage  », ajoute M. Alan. «  Ici, la dynamique des vagues n’est pas la même, c’est tellement clair  », dit-il. Il est rejoint par les autres habitants de la localité, dont MM. Nayna et Casse, qui connaissent Albion depuis plus de 30 ans.
C’est d’ailleurs l’argument premier des organisations contestataires : comment les autorités peuvent-elles continuer à construire des “ grey infrastructures” alors que, de toute évidence, cela n’a pas fonctionné, et que cela a même aggravé la situation ? «  C’est pour cette raison que nous réitérons notre demande de moratoire pour revoir les travaux et faire une évaluation environnementale stratégique sur la question de la protection côtière  », indique Nalini Burn, de PML.
En effet, c’est en octobre 2024 que PML décide de soumettre ses commentaires publics sur ce projet d’intérêt public d’Albion. Déjà, l’Ong identifie des failles dangereuses, le premier étant le conflit d’intérêts « sur le fait que l’entité étatique soit à la fois  “proponent” et “promoter” ».  Et d’ajouter : « le ministère recrute des consultants, approuve des rapports et commandite lui-même les travaux ! »
Une demande de moratoire est alors formellement formulée par l’Ong, ainsi qu’une révision indépendante des rapports EIA et une évaluation stratégique environnementale des travaux de protection côtière en général. PML est soutenue par les Ong Eco-Sud, Mru2025 et Coral Garden Conservation. Après un premier atelier organisé à ce sujet en décembre 2024, ce n’est qu’au mois de juin de cette année que les Ong contestataires apprendront que le gouvernement a finalement approuvé les travaux sur trois sites, dont Albion.

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Stop aux structures grises sur la plage !

Après une requête de réunion envoyée en vain au mois de juillet, PML décide d’organiser une réunion d’information avec les habitants d’Albion en début de ce mois. «  Nous maintenons notre position d’objection aux revêtements : grey infrastructures  », martèle Nalini Burn. «  C’est un exemple de maladaptation  », souligne pour sa part Sébastien Sauvage, qui lance lui aussi un appel aux autorités d’agir et de «  donner l’exemple aux autres, car il est clair qu’il faut reculer par rapport à la mer qui avance ».
Carina Gounden de Mru2025 ajoute : «  cette demande de moratoire vise à permettre aux autorités de prendre du recul sur ce qui a été fait, et sur l’accumulation des dégâts durant ces dernières années. Beaucoup de solutions proposées n’ont pas fonctionné et ont même causé plus de dégâts.  »
Quant à Gilbert Ricot, de la Coral Garden Conservation, il abonde dans le même sens et soutient qu’il existe des Nature-Based Solutions . Ajoutant qu’il est « important de discuter ensemble afin de trouver des solutions pérennes, et somme toute adaptées à l’environnement et au changement climatique ».
Parmi les propositions de PML, l’Ong demande aux autorités de se référer aux propositions de la Japan International Cooperation Agency (JICA), très impliquée dans les activités de l’AFRC, et qui avait, dans son rapport, souligné les causes de l’érosion côtière sur cette partie de la plage d’Albion. La JICA avait ainsi indiqué que le « removal of concrete structures within dynamic beach zone including outlets from AFRC is necessary because the structures cause erosion at one side and accretion at the other side by the change of wave conditions ».
PML recommande également le rapport CORVI pour la mise en place d’un Sustainable and Inclusive Coastal Zone Management Plan « dans l’intérêt de tous, y compris des habitants, qui sont les premiers à en subir les conséquences ».

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