RÉSIDENCE KENNEDY (QUATRE-BORNES) : Les lignes jaunes de la discorde

La décision de la TMRSU d’interdire le stationnement des véhicules des deux côtés de l’avenue Seechurn (à sens unique) suscite l’indignation Dans cette affaire plane l’ombre, et même plus, d’une employée de la MRA

L’indignation est à son paroxysme à l’avenue Seechurn, résidence Kennedy, à Quatre-Bornes. En cause : la décision de la Traffic Management & Road Safety Unit (TMRSU) d’interdire le stationnement des véhicules à travers le marquage au sol jaune… des deux côtés de ladite rue, à sens unique, longeant plusieurs résidences, sur une trentaine de mètres. Cet acte fait suite à une demande d’une riveraine, employée à la MRA, qui bénéficierait, à en croire ses voisins d’ « une protection spéciale. » Indignés, ces derniers considèrent cela comme un abus de pouvoir. « Madam-là ena plas dan so lakour pou mett o mwin trwa loto. Ki so problem alor ? Lord pe vinn depi lao ? Kot nou pou park nou loto ? Nou pa pou ress trankil », martèlent les protestataires, signataires d’une pétition, qui envisagent aussi de solliciter les services d’hommes de loi si les autorités ne font pas marche arrière.

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Stationner sa voiture lorsque l’on revient au domicile constitue, en apparence, un acte simple et anodin. Il suffirait d’avoir une cour, un garage chez soi, ou de trouver une place en bordure de rue lorsque l’espace est disponible. Sauf que les époques changent et avec elles les aspirations sociétales. Jadis, de nombreuses maisons n’avaient pas été construites dans les règles de l’art par ceux qui ont trimé dur toute leur vie et n’ont pas prévu assez d’espace dans leurs cours pour le stationnement d’un ou plusieurs véhicules, faute de moyens financiers. Les personnes qui ont hérité de ces demeures, à partir des années 2010, payent les conséquences de la marée automobile qui a rapidement débordé dans de nombreux quartiers.

Depuis plusieurs années, les villes et villages sont progressivement confrontés à des problèmes de stationnement résidentiel. La situation a basculé d’un seul coup, passant d’une situation anodine à une situation tendue, génératrice de conflits de voisinage. Les forces de l’ordre et les collectivités locales ne sont pas exemptes de tout reproche dans ce marasme, les citoyens partant du principe qu’elles devraient au moins leur assurer la possibilité de stationner leur voiture devant chez eux.

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Un basculement qui fait craindre le pire

La montée des tensions à l’avenue Seechurn, à résidence Kennedy, alimentées par l’interdiction de stationner le long des demeures, est révélatrice de ce basculement que les autorités ont intérêt à ne pas prendre à la légère. Pour plonger aux racines profondes de cette affaire, il faut remonter au 29 mai dernier. « On n’en croyait pas nos yeux lorsque des officiers de la mairie se sont pointés devant nos portes, sans que personne dans le quartier n’ai été informé préalablement, pour peindre deux lignes en jaune des deux côtés de la rue composée de maisons accolées et faiblement équipées en garage. Comme beaucoup de Mauriciens, de nombreux habitants de l’avenue Seechurn ont gravi les échelons de l’échelle sociale. Raison pour laquelle on possède pour la plupart une voiture par famille. Il n’y a jamais eu de litige en ce qu’il s’agit de garer nos véhicules. Il y a une entière collaboration entre nous, afin d’éviter des stationnements abusifs, sauf qu’on soupçonne une voisine d’être derrière ce coup bas », souligne un habitant à la retraite.

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Face à ce qu’ils considèrent être « une démarche à la fois injuste et absurde », quelques riverains ont pris l’initiative de recouvrir les lignes jaunes avec de la peinture noire, quelques jours plus tard. Comment a-t-on pu en arriver-là ? Les contestataires abondent dans le même sens : dans cette affaire plane l’ombre, et même plus, d’une habitante de ladite rue, employée à la MRA. « Quel culot ! C’est cette dame qui tire les ficelles dans l’ombre. On en est persuadé. En dépit d’avoir une grande cour, où elle peut garer deux ou trois véhicules, elle a tout le temps prétendu que nos voitures la gênaient pour entrer chez elle. Nos  maisons possèdent des caméras de surveillance et on est prêt à démonter ses arguments. Compte tenu de ses agissements, les habitants avaient décidé de se garer d’un seul côté de la rue, lui laissant les coudées franches pour manœuvrer sa voiture à sa guise », confie un interlocuteur.

« On a été surpris de voir autant de policiers débarquer »
Non seulement les riverains ont continué à garer leurs voitures devant leurs demeures, mais les visites d’officiers de la mairie, accompagnés de policiers, les sommant de se conformer aux directives, se sont multipliés durant les mois de juin, juillet et août.  Entretemps, deux pétitions, signées par une vingtaine de contestataires, ont été adressées à la municipalité, à la TMRSU et au bureau CAB, entre autres. « À aucun moment, il y a eu des altercations avec les officiers durant les visites. On a gardé notre calme, tout en insistant sur l’absurdité de cette décision nous privant de nos droits qui, on le sait bien, a été orchestrée depi lao apre ki madam-là inn koze », soutient un habitant.

Ce qui devait arriver arriva. Mercredi dernier, l’affaire a franchi un nouveau palier après que des officiers de la TMRSU et de la mairie, flanqués d’une vingtaine de policiers, sont venus sur place pour repeindre en jaune les lignes interdisant tout stationnement. Un riverain confie : « On a été surpris de voir autant de policiers débarquer. N’a-t-on pas fait preuve de retenue en dépit de cette injustice qui nous fait passer des nuits blanches ? La polis inn dir nou si nou pa tir nou loto lor laligne pou ena kontravansyon. Kot pou mette loto-là ? » Difficile de faire avaler cette couleuvre à quiconque au sein de la résidence Kennedy.
Qu’en pense Barlen Munusami, ex-sergent de police ayant servi pendant 27 ans à la Traffic Branch, de cette affaire ? Selon lui, « que ce soit pour l’installation des panneaux de signalisation ou des lignes jaunes, pour qu’il y ait force de loi, it must be gazetted in the government gazette. Est-ce que c’est le cas en ce qu’il s’agit des lignes jaunes controversées de la rue Seechurn ? À mon avis, la mairie et la TMRSU auraient dû prendre en compte le contexte local avant d’aller de l’avant avec cette décision qui pénalise ces gens, dont les aïeux n’avaient forcément jamais rêvé de posséder une voiture un jour. »
Le maire de Quatre-Bornes, Bryan Ruddy Kennoo, nous a donné sa version des faits. Il apporte de l’eau au moulin des contestataires au sujet de leur voisine et promet de trouver une solution : «  Le 21 janvier 2025, une habitante a bien envoyé une missive à la TMRSU pour se plaindre des aléas, selon elle, causés par le stationnement de voitures à la rue Seechurn. Suite aux  recommandations faites par l’ex-ingénieur de la TMRSU dédié à la circonscription No 18 (Belle-Rose/Quatre-Bornes), il a été décidé, en mars 2025, de peindre en jaune les deux flancs de ladite rue pour interdire tout stationnement  dans ces territoires. Il faut noter que c’est sous l’ancienne mairie que cette affaire a pris forme. La nouvelle administration est intervenue uniquement pour repeindre en jaune les lignes qui avaient été effacées. Je comprends parfaitement la frustration des personnes lésées et c’est la raison pour laquelle j’ai déjà évoqué ce cas avec le nouvel ingénieur de la TMRSU au No 18. Il faudra ouvrir le dialogue avec les habitants pour trouver une solution ».

Places de stationnement accessibles au public
Jayen Chellum : « Engager une réflexion sérieuse sur cette problématique »
Dans une correspondance adressée au ministre des Transports et à la National Land Transport Authority (NLTA), le secrétaire général de l’Association des Consommateurs de l’île Maurice (ACIM), Jayen Chellum déplore le nombre élevé de parkings réservés dans les grandes artères de la capitale ainsi que dans d’autres villes. Selon lui, ces places dites « réservées » demeurent souvent inutilisées, alors qu’elles se trouvent devant des commerces et pourraient être mises à la disposition du grand public.

Jayen Chellum invite ainsi les autorités à engager une réflexion sérieuse sur cette problématique, afin de mieux répondre aux besoins de stationnement en centre-ville. « With regard to cars, registrations have increased approximately by over 500%, thereby creating significant pressure on the availability of on-street parking across various regions. This situation is equally prevalent along the main avenues of other towns and villages such as Rose-Hill, Curepipe, Quatre Bornes and Mahébourg, where finding suitable parking continues to be challenging. It is further observed that certain on-street and reserved parking bays, particularly those located in front of closed commercial outlets, remain restricted and thus prevent access to customers », dit-il.

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